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Lifestyle - Gastronomie

Au nom de la mère, « Nabila’s » de Beyrouth à Brooklyn

Inspiré des recettes de sa mère, Michael Farah a fait le pari de servir dans son restaurant des plats « comme à la maison », loin des classiques chich taouk et autres kaftas... Excellent choix, ses fatayers figurent dans le top 7 des meilleurs plats de New York en 2022.

Au nom de la mère, « Nabila’s » de Beyrouth à Brooklyn

Nabila et Michael Farah, une belle complicité. Photo Michael Farah

À Brooklyn, « Nabila’s » fait le coin du 248 Court St. Ce restaurant, qui a ouvert ses portes en mai 2022, porte le prénom de la mère de Michael Farah. Inspiré des plats qu’il a mangés en grandissant, le jeune homme a voulu servir aux habitants du quartier des courgettes farcies, du riz au poulet, du chich barak et de la kebbé. Un pari peut-être risqué, mais réussi. Depuis son ouverture, l’établissement ne désemplit pas et s’est fait remarquer par la presse américaine comme le New York Times ou le Time Out qui le classe dans sa liste des « 16 meilleurs nouveaux restaurants à NYC ».

Lorsqu’on demande à Michael Farah de raconter son histoire, c’est de sa mère qu’il parle. L’hospitalité, l’abondance des plats, le goût, la cuisine. C’est elle qui lui a tout appris. Mais ce n’est qu’arrivé à la quarantaine, après 15 ans de carrière à Wall Street qu’il décide de changer de vie et d’ouvrir son propre restaurant.

L’intérieur du restaurant à la façade noire et verte n’a rien de prétentieux. Photo Michael Farah

Mère au foyer

Nabila Farah est née et a grandi à Beyrouth. C’est là où elle fait ses études – en sociologie à l’Université américaine de Beyrouth – et rencontre celui qui deviendra son mari, un architecte égyptien installé au Liban depuis les années 60. Le couple quitte Beyrouth en guerre à la fin des années 70. Il s’installe en Égypte, à Chypre puis en Californie où naît Michael. Après six ans à Riyad, en Arabie saoudite, la famille s’installe pour de bon à Washington DC. « Tout ce temps, Nabila était mère au foyer, elle nous préparait des plats délicieux à la maison », confie son fils. À Washington, Nabila et son mari fréquentent des expatriés et organisent de grands dîners chez eux. C’est là qu’elle commence à s’imposer comme une bonne cuisinière.

« Quand les Libanais entrent au restaurant, ils sont sceptiques. Puis ils repartent convaincus. » Photo Michael Farah

Lorsque Michael Farah quitte le domicile familial pour suivre des études en finance, ses parents divorcent. « Un épisode majeur dans ma vie et celle de mes frères, dit-il. Mais aussi dans celle de ma mère qui dépendait financièrement de mon père. » Un événement qui poussera Nabila Farah à monter son entreprise. Elle loue une petite boutique en Virginie « avec zéro visibilité » et un nom « idiot qu’elle ne prend pas la peine de changer », The Gourmet Basket. Elle se met à cuisiner, comme elle le faisait à la maison, vend des plats, fait de la restauration. C’était il y a un peu plus de 20 ans. Elle se fait connaître par le bouche-à-oreille. Ambassades et organisations internationales commencent à lui passer des commandes. Sa petite entreprise fonctionne. « Ses plats rappelaient la maison à la communauté d’expatriés. Ils ne pouvaient pas en manger dans un restaurant et c’est ce qui a fait que ça a marché », affirme Michael. Aujourd’hui, Nabila, presque 70 ans, continue de travailler six jours par semaine dans un espace qui a doublé de taille.

Kebbé et sambousik au menu de « Nabila’s ». Photo Michael Farah

« Burn-out » à Wall Street

C’est le parcours réussi de sa mère qui motive Michael Farah à se lancer. Après avoir travaillé 15 ans dans des fonds d’investissement à New York, « dans un environnement très challenging et très difficile », il réalise qu’il fait un burn-out et décide de jeter l’éponge début 2018. « J’avais presque 40 ans, deux enfants, et je quittais tout pour me lancer dans un domaine où je n’avais aucune expérience. Certains ont pensé que j’étais fou ! » Mais ce père de famille, de nature prudente, a un rêve. Il veut ouvrir un restaurant à Cobble Hill, le quartier où il a vécu ces dernières années avec sa famille, et faire connaître la cuisine de sa mère. Le processus est long. En 2018, Michael Farah se rend chaque semaine à Washington DC, pour passer trois jours dans les cuisines de sa mère : il l’observe, apprend et écrit ses recettes. En février 2020, un mois avant le début de la pandémie, il trouve un espace pour ouvrir son restaurant à Brooklyn. À ce moment-là, il espérait avoir un restaurant fonctionnel neuf mois plus tard. Mais Covid-19 oblige, il devra attendre plus de deux ans, tandis que la rénovation des lieux s’éternise. « Nabila’s » ouvre ses portes en mai 2022.

Des plats comme à la maison qui font le succès de « Nabila’s ». Photo Michael Farah

Chich barak et courgettes farcies

L’intérieur du restaurant à la façade noire et verte n’a rien de prétentieux. Et c’est ce qu’a voulu son propriétaire. « Un restaurant de quartier simple et chaleureux, un peu comme les fêtes de Nabila à la maison. » Dès leur arrivée, les clients peuvent voir les plats disponibles et commander ce qu’ils souhaitent avant de s’installer. Au menu, se trouvent les mezzés classiques : hommos, baba ghannouj, fatayer, kebbé, tabboulé, fattouche… Mais ce sont les plats principaux qui font toute la différence. Chez « Nabila’s », on ne sert pas des brochettes de taouk ou de kafta, mais de la loubieh, du chich barak, du riz au poulet et des courgettes farcies. « Le but était d’avoir un menu avec des plats libanais qu’on ne trouve pas au restaurant, mais qu’on mange chez soi », explique Michael. Côté dessert, on sert le dessert préféré de la clientèle du « Nabila’s » : la knefé mais aussi des atayefs. Derrière les fourneaux, c’est le chef Luis Ahuet qui opère. Mexicain, de grand-père libanais, il connaît bien la gastronomie libanaise. Avant de rejoindre « Nabila’s », il était chef dans un restaurant étoilé. Mais pour se mettre au parfum, il passera beaucoup de temps avec Nabila. « C’était une tout autre expérience pour lui, plaisante Michael Farah. Il avait l’habitude des grands chefs et de l’école culinaire, et d’un coup, c’est une grand-mère libanaise qui lui apprenait tout. » Depuis son ouverture, « Nabila’s » ne désemplit pas et la clientèle est variée. « Quand les Libanais entrent au restaurant, ils sont sceptiques. Je les comprends et leur dit : “Challenge accepté !”. Puis ils repartent convaincus. » Un challenge largement et rapidement relevé, puisque ses fatayers font partie du New York City’s Top 7 Dishes of 2022 dans la liste du célèbre critique gastronomique Pete Wells parue il y a deux jours dans le New York Times.

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À Brooklyn, « Nabila’s » fait le coin du 248 Court St. Ce restaurant, qui a ouvert ses portes en mai 2022, porte le prénom de la mère de Michael Farah. Inspiré des plats qu’il a mangés en grandissant, le jeune homme a voulu servir aux habitants du quartier des courgettes farcies, du riz au poulet, du chich barak et de la kebbé. Un pari peut-être risqué, mais...

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Elle loue une petite boutique en Virginie « avec zéro visibilité » et un nom « idiot qu’elle ne prend pas la peine de changer », The Gourmet Basket. Erratum: En 2001 Mme Nabila Farah achète l’exploitation et surtout le nom, The Gourmet Basket, justement pour sa visibilité et sa renommée auprès de sa clientèle que sa fondatrice, Mme Hayat Samaha, a réussi à créer au cours des 10 années d’existence. Ceci grâce à ses recettes et sa cuisine maison. Suite au décès brutal de Hayat Samaha, ma mère, en 2001, mon père Nazem Samaha, avec qui elle avait fondé et exploité cette enseigne, n’a pas supporté poursuivre seul. C’est alors qu’il vend à Mme Farah. Cette dernière récupère une maison qui avait déjà sa clientèle, son succès et sa renommée. Tout était déjà en place. Elle n’avait qu’à pousser la porte. Elle a en revanche, réussi à préserver et faire évoluer cette enseigne. Ce qui, dans ce domaine, est un accomplissement en soi. Et elle a donc eu raison de conserver le nom et la visibilité sinon pourquoi acheter Thé Gourmet Basket. Elle aurait pu créer autre chose, ailleurs. Mais il aurait fallu tout inventer et prendre le risque d’un échec. Hicham Samaha

Hicham SAMAHA ARCHITECTE

11 h 04, le 18 décembre 2022

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Commentaires (2)

  • Elle loue une petite boutique en Virginie « avec zéro visibilité » et un nom « idiot qu’elle ne prend pas la peine de changer », The Gourmet Basket. Erratum: En 2001 Mme Nabila Farah achète l’exploitation et surtout le nom, The Gourmet Basket, justement pour sa visibilité et sa renommée auprès de sa clientèle que sa fondatrice, Mme Hayat Samaha, a réussi à créer au cours des 10 années d’existence. Ceci grâce à ses recettes et sa cuisine maison. Suite au décès brutal de Hayat Samaha, ma mère, en 2001, mon père Nazem Samaha, avec qui elle avait fondé et exploité cette enseigne, n’a pas supporté poursuivre seul. C’est alors qu’il vend à Mme Farah. Cette dernière récupère une maison qui avait déjà sa clientèle, son succès et sa renommée. Tout était déjà en place. Elle n’avait qu’à pousser la porte. Elle a en revanche, réussi à préserver et faire évoluer cette enseigne. Ce qui, dans ce domaine, est un accomplissement en soi. Et elle a donc eu raison de conserver le nom et la visibilité sinon pourquoi acheter Thé Gourmet Basket. Elle aurait pu créer autre chose, ailleurs. Mais il aurait fallu tout inventer et prendre le risque d’un échec. Hicham Samaha

    Hicham SAMAHA ARCHITECTE

    11 h 04, le 18 décembre 2022

  • Bravo pour un parcours certainement difficile, et toujours très risque', dans ce domaine. Il y a toujours de la magie quand un resto, bar ou club cartonne. On a beau faire l'étude du marché, si l'ange gardien n'y est pas, c'est grave.

    Raed Habib

    09 h 02, le 15 décembre 2022

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