C’est dans des endroits ludiques ou dans des rencontres à travers des amis, sur les lieux de travail ou encore sur internet que bourgeonnent habituellement les histoires d’amour. Mais c’est lors d’une séance de thérapie, organisée par une association consacrée à l’aide psychologique apportée aux proches des victimes de terrorisme, que se sont connus William Noun et Maria Farès, tous deux bientôt 28 ans. L’un est le frère de Joe et l’autre la sœur de Sahar, deux sapeurs-pompiers tombés alors qu’ils accomplissaient leur mission au port de Beyrouth lors de la terrible double explosion du 4 août 2020, qui avait fait plus de 220 victimes et des milliers de blessés. William et Maria se sont passé dimanche la bague à l’annulaire droit, en attendant de vivre prochainement le jour J, dont il leur reste encore à fixer la date.
« Elle a tout de suite attiré mon regard », dit-il. « J’ai très vite senti son intérêt pour moi », avoue-t-elle. Les propos des deux tourtereaux concordent lorsqu’on leur demande s’il y a eu dès le départ un déclic entre eux.
Les deux jeunes gens se retrouvaient dans les sit-in ou à l’occasion d’autres mouvements organisés pour réclamer la poursuite de l’enquête sur le drame commun qui les a frappés, ou encore dans des sorties planifiées avec des parents d’autres victimes. « Je souhaitais que William se rende à tous les événements, et, une fois sur place, je le cherchais des yeux pour m’assurer qu’il était là », confie Maria Farès.
Tout en ayant des échanges amicaux, ils ont tardé à exprimer l’attirance qu’ils ressentaient l’un pour l’autre. Il y a six mois, leurs conversations ont commencé à s’assortir d’insinuations et de traits d’esprit, qui ont dévoilé, voire favorisé, leur rapprochement. Les échanges et appels sur WhatsApp devenaient plus fréquents. « William me téléphonait sous prétexte de me demander telle ou telle information qu’il savait déjà », rit Maria. « Je ne me résignais pas à me déclarer, de peur de susciter chez elle une réaction négative qui aurait détruit la relation tissée entre nous sur base de nos statuts particuliers de frère et sœur de victime », avoue William. « Dans le milieu des familles éplorées au sein duquel nous évoluons, cela aurait instauré un climat de gêne », estime-t-il.
« Ça passe ou ça casse »
Le 2 septembre au soir, un feu de camp est organisé à Kartaba (caza de Jbeil), à la résidence de la famille Hitti, endeuillée par la perte de quatre de ses membres tués lors de la catastrophe. Assis à côté de Maria, William décide de foncer. « Ça passe ou ça casse, me suis-je dit », raconte le jeune homme, lui qui déteste être « rabroué ». « Tu me plais depuis que je t’ai vue la première fois. Je voulais te le dire depuis longtemps, mais je ne l’ai pas fait de peur d’affecter la cause pour laquelle nous luttons tous deux », lui chuchote-t-il. Pour son bonheur, Maria réagit avec enthousiasme, d’autant que leurs sentiments s’avèrent réciproques.
Chacun court de son côté annoncer à ses parents le commencement de la relation. Tous sont heureux, notamment le père de William. « Il m’a dit : “Depuis que ton frère n’est plus là, c’est bien la première bonne nouvelle” », révèle William. « Souffrant d’une maladie chronique, il m’a toujours encouragé à me marier tôt pour qu’il ait le temps de me voir créer une famille. Encore plus après le décès de Joe », précise-t-il.
« Veux-tu m’épouser ? »
Les choses se concrétisent très vite. Lors d’une partie de tir à la carabine organisée dimanche dernier, soit trois mois après sa première déclaration, William vise une cible qui, en tombant, laisse découvrir la question fatidique : « Maria, veux-tu m’épouser ? »
« Nous n’avions pas besoin de plus de temps pour franchir le pas, estime Maria. J’ai fait la connaissance de William dans ses pires moments de colère. Je l’ai vu s’énerver, je l’ai entendu insulter », confie-t-elle, affirmant que son fiancé la connaît et la comprend tout autant.
« Malgré notre douleur et notre tristesse, la grâce divine nous permet de vivre de tels moments de joie qui ne font que nous renforcer », reconnaît William. Aujourd’hui, il est convaincu que « Joe et Sahar sont heureux de (les) voir heureux ». Lorsqu’il lui arrive (très rarement) de se chamailler avec Maria, il calme le jeu en se disant que leurs frère et sœur surveillent leurs actes d’« en haut ».
« J’espère que nous aurons un garçon et une fille que nous appellerons Joe et Sahar. Nous leur raconterons dans quelles circonstances nous avons décidé de lier nos vies et comment nous avons réussi à faire prévaloir la justice », souhaite le jeune fiancé, en allusion à leur mobilisation ininterrompue pour faire identifier et sanctionner les responsables de leur malheur commun.
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Mes meilleurs voeux de bonheur.
Guitta Bellos
10 h 31, le 14 janvier 2023