On a frôlé la catastrophe. Sous la menace d’un fiasco historique et d’une seconde élimination de rang dès le premier tour, l’Allemagne avait déjà rendez-vous avec son destin dimanche sous le toit du stade al-Bayt, au nord de Doha.
Surpris en fin de match par le Japon (1-2) quatre jours plus tôt, les champions du monde 2014 abordaient ce choc face à la Roja, qui avait dans le même temps écrasé le Costa Rica (7-0). La Mannschaft s’était réveillée au bord du vide. À savoir à la merci d’une victoire ou d’un nul des Samouraïs qui l’aurait éliminée en cas de revers contre l’Espagne, qu’elle affrontait quelques heures plus tard.
La VAR fait encore des siennes
Revigorés par le succès inattendu des Costaricains face au Japon (1-0), les hommes d’Hansi Flick pouvaient aborder cette rencontre avec un brin de pression en moins sur leurs épaules. Une aubaine qui leur a certainement permis de ne pas paniquer lorsqu’ils se sont retrouvés menés au score à la 62e minute après une action limpide des Ibériques magnifiquement conclue par l’entrant Alvaro Morata.
Sachant qu’un résultat leur suffirait pour rester en vie, Manuel Neuer et les siens ont fait le dos rond en contenant du mieux possible les vagues adverses. Face à un entrejeu espagnol mené de main de maître par Gavi (18 ans) et Pedri (20 ans), dignes héritiers du duo Xavi-Iniesta, la tâche s’est avérée des plus compliquées.
Sur la lancée de leur carton du match précédent, les hommes de Luis Enrique inquiètent Manuel Neuer dès la 5e minute de jeu, et de quelle manière ! Trouvé aux abords de la surface, Dennis Olmo décoche une frappe surpuissante que le portier allemand parvient miraculeusement à détourner sur sa barre transversale. La Roja annonce déjà la couleur et confisque le ballon comme elle sait si bien le faire, en se sortant avec une aisance déconcertante du pressing tout terrain mis en place par Hansi Flick.
Mais alors que les Allemands ne s’étaient pas encore procuré la moindre occasion, Kimmich propulse un coup franc millimétré sur la tête du géant Antonio Rudiger, étonnamment seul au point de penalty. Sa tête ne laisse aucune chance à Unai Simon, et la Mannschaft pense rentrer aux vestiaires avec un avantage inespéré. Mais la VAR (« arbitre assistant vidéo », NDLR), toujours aussi impitoyable, invalide le but pour un hors-jeu de quelques centimètres non sanctionné par l’arbitre assistant. On en reste à 0-0.
Forte de 64 % de possession de balle, la formation de Luis Enrique a montré qu’elle était de loin l’une des mieux rodées collectivement. Mais son incapacité à être tueuse devant le but adverse lui a encore une fois joué des tours, surtout face à un adversaire disposant de l’un des futurs meilleurs joueurs de la décennie à venir.
Un héros nommé Füllkrug
Jamal Musiala (19 ans), déjà indispensable au Bayern Munich, a encore une fois montré qu’il avait l’étoffe des plus grands. Enchaînant les prises de balle et les passes lasers, le jeune prodige n’a cessé de casser les lignes adverses (et quelques paires de reins au passage). Il aurait même pu endosser le costume de sauveur s’il avait été mieux inspiré au moment d’ajuster sa frappe, détournée en corner par Simon, alors qu’il s’était retrouvé absolument seul au point de penalty (80e).
Mais à défaut d’être le buteur providentiel, l’ailier munichois s’est mué en passeur pour servir sur un plateau l’invité surprise de la liste de Flick. À 29 ans, Niclas Füllkrug, avant-centre du Werder Brême, vit un rêve éveillé. Appelé en dernière minute après le forfait de Timo Werner (habituel titulaire du poste), celui qui était encore pensionnaire de la 2e division allemande la saison dernière se retrouve lancé en mondovision à 20 minutes du terme en lieu et place d’un Thomas Muller transparent. Tel un véritable joker offensif, il se démarque dans la surface ibérique et transforme l’offrande de Musiala en un but égalisateur synonyme de survie (1-1, 83e). Sur le banc allemand, les effusions de joie sont à la hauteur du soulagement. Étreint par son sélectionneur, dont il vient sans doute de sauver la place, Füllkrug a le sourire jusqu’aux oreilles.
En mal d’avant-centre de qualité, elle qui a compté dans ses rangs par le passé parmi les meilleurs de la planète, de Gerd Müller à Miroslav Klose (recordman du nombre de buts en Coupe du monde avec 16 unités) en passant par Jürgen Klinsmann, l’Allemagne s’en est donc remise à un joueur qui n’avait pas une seule sélection à la mi-novembre au moment de l’annonce des 26 joueurs retenus par Flick.
Les dents du bonheur
Et le voilà avec déjà deux buts en trois apparitions avec la sélection, puisque pour sa première apparition, il avait marqué en amical contre Oman (1-0) juste avant la compétition au Qatar.
« Nous souhaitions impérativement renverser ce match, c’était important pour les sensations. On a encore une marge de progression. Il ne faut pas s’emballer maintenant, mais on peut espérer que tout se passe bien dans le dernier match », a commenté Lücke, surnom du sauveur providentiel de la Mannschaft, en raison de ses « dents du bonheur ».
« Ça a été un match très compliqué contre une équipe d’Espagne bien en place. On a accepté ce combat et on a peu concédé durant les 90 minutes », s’est félicité le capitaine et gardien allemand Manuel Neuer.
« Le plus important, c’est que l’on est encore en vie. Les Espagnols ont débuté le match en bombant le torse, nous on sortait d’une tout autre rencontre. On ne l’a pas tellement vu sur le terrain », a ajouté Neuer, en référence à la démonstration espagnole contre le Costa Rica (7-0) mercredi, quelques heures après la défaite allemande contre le Japon (2-1).
Tout est encore loin d’être gagné pour la Mannschaft. Les joueurs de Hansi Flick devront absolument s’imposer jeudi soir (22h), toujours au stade al-Bayt d’al-Khor, contre le Costa Rica, et compter sur une victoire ou un match nul de l’Espagne contre le Japon pour voir la couleur des huitièmes de finale.
L’Espagne de son côté n’aura pas le droit à l’erreur face aux imprévisibles Japonais, capables de renverser l’Allemagne lors de leur premier match (2-1) puis de céder contre le Costa Rica dimanche après-midi.
« On a assisté à un match d’égal à égal et c’est le plus important. C’est gigantesque ce que l’équipe a réalisé, je suis fier », s’est réjoui le sélectionneur allemand Hansi Flick, qui retient la réaction d’orgueil de ses joueurs.