Rechercher
Rechercher

Économie - Budget 2022

Youssef Khalil lève le voile sur le dollar douanier et d’autres mesures fiscales

L’impôt sur les salaires en dollars « frais » prélevé à la source devrait en principe être calculé selon le taux de Sayrafa à compter du 15 novembre.

Youssef Khalil lève le voile sur le dollar douanier et d’autres mesures fiscales

Certains commerçants craignent que l’adoption du nouveau dollar douanier sans réformes n’ait pour effet de favoriser le marché noir. Florient Zwein/Hans Lucas

Une semaine après l’entrée en vigueur du budget 2022, un texte adopté des mois après le début de sa période théorique d’application mais qui entérine le changement d’un régime de change amorcé dans le désordre, les autorités commencent à communiquer plus ou moins clairement sur les changements concrets qui vont être opérés.

L’application du « dollar douanier », soit le remplacement de la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar par un nouveau taux de 15 000 livres lors du calcul par les douanes des droits en livres libanaises imposés sur les marchandises importées à partir de leurs prix hors taxe en dollars, a notamment été programmée pour le 1er décembre prochain.

L’annonce a été faite hier par le ministre sortant des Finances Youssef Khalil qui a déclaré dans un communiqué avoir notifié la Banque du Liban de ce changement en évoquant une mesure à même de « limiter les pertes subies par le Trésor ». Le ministre n’a en revanche pas communiqué sur la liste des produits qui pourraient être exemptés de droits, comme le demandent depuis des mois avec insistance certaines organisations, à l’instar du syndicat des importateurs de denrées alimentaires.

Ce qui semble en revanche certain à ce stade, c’est que cette mesure risque de provoquer une hausse massive des prix en livres, déjà en hausse de 1 574,3 % entre octobre 2019 et octobre 2022, selon nos calculs effectués à partir des derniers chiffres de l’Administration centrale de la statistique (ACS). Cette inflation monstre est survenue dans un contexte de crise prolongée depuis 2019, assortie d’une dépréciation fulgurante de la livre face au dollar – près de 40 000 livres au taux du marché ces derniers jours et plus de 30 000 sur la plateforme Sayrafa de la BDL.

Prévu de longue date

L’application de ce nouveau « dollar douanier », attendue depuis des mois, ne figure pas explicitement dans le budget 2022 adopté fin septembre et entré en vigueur le 15 novembre courant. Son intégration était néanmoins prévue par l’Exécutif et le Législatif, étant donné que les membres du gouvernement sortant se sont entendus avec les députés, lors de la séance consacrée au vote de la loi de finances, pour calculer les recettes publiques en utilisant le taux de 15 000 livres pour un dollar. De plus, plusieurs dispositions du budget établissant certaines mesures fiscales ont clairement entériné l’abandon de la parité officielle soit pour un « taux effectif » devant être fixé par le ministre des Finances et la BDL, soit au profit de prélèvements obligatoires en « dollars frais » – les vrais dollars, par opposition aux dollars bloqués dans le système bancaire et qui ne peuvent être retirés au taux réel du marché.

Lire aussi

Dollar douanier : les importateurs critiquent l’absence de communication de l’État

En août, le ministre sortant des Finances avait justifié sa compétence à intervenir, avec la BDL, sur le dollar douanier sans passer par le Parlement, le Conseil des ministres ou la présidence en invoquant plusieurs dispositions, dont la loi n° 93 du 10 octobre 2018, à travers laquelle le Parlement a accordé au gouvernement le droit d’intervenir pendant cinq ans dans le domaine douanier (alors que cela relève en principe de la compétence du pouvoir législatif). Le gouvernement a transféré cette compétence au Haut Conseil des douanes.

La hausse du dollar douanier était anticipée de longue date par de nombreux commerçants. Certains sont soupçonnés d’avoir stocké des produits importés et dédouanés au taux de 1 507,5 livres pour pouvoir les revendre une fois le taux relevé, selon plusieurs sources concordantes dans les milieux entrepreneuriaux. La responsabilité du contrôle des prix incombe au ministère de l’Économie et du Commerce, mais les moyens juridiques et humains mis à la disposition de la Direction de protection des consommateurs sont trop limités pour garantir un contrôle efficace des prix. Certains commerçants craignent enfin que l’adoption du nouveau dollar douanier sans réformes n’ait pour effet de favoriser le marché noir.

Dispositions floues

Youssef Khalil, qui est par ailleurs un ancien cadre de la BDL, a aussi publié plusieurs décisions répercutant les changements apportés par le budget 2022.

« Les décisions qui ont été émises concernent pour le moment les droits de timbres fiscaux, les droits de succession, l’évaluation des biens-fonds, la taxe sur les propriétés bâties, le concept de taux effectif introduit par le budget (article 35) ou encore l’impôt sur les salaires prélevé à la source », détaille l’expert-comptable et membre du conseil de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic) Nadim Daher. « D’autres devraient suivre dans les jours qui viennent », ajoute-t-il.

Si certaines mesures sont assez claires, d’autres comportent plusieurs zones floues. La décision du ministère sur les droits de timbres (n° 684 du 23 novembre 2022) entre dans la première catégorie. « La mesure est simple, il s’agit de troquer la parité officielle par le taux de Sayrafa (30 300 livres hier soir) pour calculer les droits de timbres en livres à partir des montants des contrats en dollars », explique Nadim Daher.

La décision qui concerne le taux effectif (n° 687) est, en revanche, plus lacunaire. « Il s’agit du taux à prendre en compte pour le calcul des prélèvements obligatoires sur certains flux, comme les salaires payés en devises. La première étape consiste à convertir les montants en dollars puis en livres au taux de Sayrafa. Sauf que le texte est flou concernant le “taux moyen” à prendre en compte pour la conversion en dollars. Il ne dit pas non plus quel taux de Sayrafa doit être retenu, si c’est celui du jour où le flux a été émis, s’il s’agit du jour ou le calcul est effectué ou s’il s’agit d’un taux moyen », énumère encore Nadim Daher.

Lire aussi

Le nouveau budget intervient insidieusement sur le taux de change

La même décision semble donner deux interprétations diamétralement opposées concernant le début de la période à laquelle les contribuables devront tenir compte du taux effectif, notamment pour calculer le montant de l’impôt sur les salaires prélevé à la source. Dans une de ces dispositions, le ministère précise par exemple que le taux effectif s’applique à partir du 15 novembre, date de l’entrée en vigueur du budget. Mais dans une autre, il semble inviter le contribuable à refaire ses comptes depuis le début de l’année en utilisant le taux effectif. « Il semble que la rétroactivité ici ne concerne que le calcul de l’impôt sur les salaires et ne modifie pas les montants des salaires dans la comptabilité. Mais ce sont des points qui doivent être impérativement précisés par le ministère », conclut Nadim Daher, avant de rajouter : « Si les salaires sont à modifier dans la comptabilité, cette mesure aura plusieurs répercussions catastrophiques sur les comptes des sociétés qui enregistrent encore leurs revenus en devises sur la base du taux officiel. En effet, les salaires, et donc les charges opérationnelles, seront démesurés par rapport aux revenus des entreprises, sans parler des répercussions sur le calcul des cotisations sociales (CNSS) qui devraient également être modifiées. Par ailleurs, sachant que les impôts sur les salaires sont prélevés à la source et donc payés effectivement par l’employé, comment faire pour récupérer l’impôt non déduit du salaire d’un employé qui a quitté l’entreprise ? C’est là encore un aspect néfaste de la rétroactivité de ces mesures. »

Une semaine après l’entrée en vigueur du budget 2022, un texte adopté des mois après le début de sa période théorique d’application mais qui entérine le changement d’un régime de change amorcé dans le désordre, les autorités commencent à communiquer plus ou moins clairement sur les changements concrets qui vont être opérés. L’application du « dollar douanier »,...

commentaires (1)

Le vol des citoyens par la bande organisée des dirigeants et des politiciens continue et devient même légale. Voilà plus de frais de douanes, plus d’impôt sur le revenu, plus de taxes directes et indirectes mais moins de services bien entendu. Toutes ces nouvelles rentrées vont surtout servir à garnir les poches de la classe politique. Libanais lève toi et réagis au lieu de faire la queue devant les ATM pour mendier ton propre argent

Lecteur excédé par la censure

10 h 03, le 24 novembre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Le vol des citoyens par la bande organisée des dirigeants et des politiciens continue et devient même légale. Voilà plus de frais de douanes, plus d’impôt sur le revenu, plus de taxes directes et indirectes mais moins de services bien entendu. Toutes ces nouvelles rentrées vont surtout servir à garnir les poches de la classe politique. Libanais lève toi et réagis au lieu de faire la queue devant les ATM pour mendier ton propre argent

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 03, le 24 novembre 2022

Retour en haut