
Montage photo montrant les changements survenus à l’entrée de la forêt de Baabda, après la reprise récente des travaux. Photo Terre Liban
Longtemps menacée par un projet de station-service tombé à l’eau il y a environ un an, la « forêt des Moines » de Baabda fait à nouveau face aux bulldozers. Il y a quelques semaines, les militants écologistes de la région ont alerté sur la reprise des travaux dans une partie de la forêt, craignant la création d’une carrière de sable dans ce dernier espace vert naturel proche de la capitale. Des photos montrant des bulldozers à l’œuvre, et un énorme cratère brun dans la forêt verte, ont fait le tour des réseaux sociaux. Ces travaux ont été gelés jeudi, sur ordre du juge Fady Malkoun, selon Paul Abi Rached, directeur de l’ONG environnementale Terre Liban dont les locaux sont basés à Baabda et qui a fait de la « forêt des Moines » son cheval de bataille. Le père Nader Nader, directeur du couvent Saint-Antoine de Hadeth, qui est propriétaire de la forêt, a assuré à L’Orient-Le Jour que ces travaux servaient uniquement à « l’élargissement de la route adjacente à la forêt » et « qu’aucune carrière ne sera installée sur place ». Réagissant aux plaintes des écologistes, le ministre de l’Environnement Nasser Yassine a présenté cette semaine une notice au procureur général pour la protection de l’environnement au Mont-Liban qui a ouvert une enquête à ce sujet, rapporte par ailleurs Terre Liban. Le ministre n’était pas disponible pour commenter cette affaire.
« Il n’y a pas de travaux entrepris à l’intérieur de la forêt ni de projet de carrière », nous a assuré le père Nader. « Nous avons juste élagué les arbres, au cas où il y aurait des incendies ». Il a par ailleurs indiqué que la congrégation, qui possède un immeuble abandonné en cours de construction en face de la forêt, est « en train d’élargir la route adjacente » pour pouvoir accéder à cet immeuble et reprendre les travaux. « Nous voulons en terminer la construction et en faire un immeuble résidentiel. Nous n’allons pas toucher à la forêt », a-t-il précisé.
Le spectre de l’autoroute arabe
« Ils sont en train de défigurer la forêt et de creuser des sentiers », a dénoncé pour sa part Paul Abi Rached. « Nous avons eu vent de leur volonté d’élargir la route, mais les dégâts sont tels que l’on dirait une carrière de sable », a encore dit ce militant de la première heure à L’OLJ. Il a par ailleurs appelé à mener une étude d’impact environnemental avant d’entreprendre n’importe quels travaux.
Classée en 2016 comme un lieu important pour la biodiversité au Liban par Bird Life International et Critical Ecosystem Partnership Fund (CEPF), la forêt de Baabda a vu sa superficie se réduire petit à petit au fil des années, après avoir été grignotée de tous les côtés en raison d’une urbanisation sauvage.
Dans un rapport publié l’année dernière, Georges Tohmé, président du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS) et grand expert en biodiversité, rappelait que la « forêt des Moines » abrite 425 espèces de plantes et 201 espèces d’animaux, dont 7 espèces d’oiseaux menacées d’extinction et 5 espèces de plantes qui n’existent qu’au Liban.
Interrogé sur le devenir de cet espace vert sur le long terme, le père Nader a assuré que le projet de la station-service, longtemps décrié par les écologistes, « est à l’arrêt ». « J’ai conseillé à l’entrepreneur d’abandonner l’affaire, car il n’a pas de permis et l’emplacement n’est pas adéquat pour une station-service », a souligné le religieux.
Il a par ailleurs rappelé qu’en dépit de l’arrêt des travaux, la forêt n’était pas tirée d’affaire pour autant, le projet de l’autoroute arabe menaçant de la rayer de la carte. « 60 % de la forêt seront de toute manière décimés lorsque les travaux de l’autoroute reprendront un jour », a indiqué le père antonin. Promulgué dans les années 80, le plan directeur de cette autoroute de 62,5 kilomètres, dont certains pans sont déjà achevés, prévoit de relier Hadeth (banlieue est de Beyrouth) à la frontière syrienne. « Les expropriations ont déjà été effectuées », insiste le père Nader.
Longtemps menacée par un projet de station-service tombé à l’eau il y a environ un an, la « forêt des Moines » de Baabda fait à nouveau face aux bulldozers. Il y a quelques semaines, les militants écologistes de la région ont alerté sur la reprise des travaux dans une partie de la forêt, craignant la création d’une carrière de sable dans ce dernier espace vert naturel...
commentaires (5)
L’espace vert ne vaut rien devant le billet vert…
Gros Gnon
08 h 23, le 21 décembre 2022