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Moyen-Orient - Témoignages

Les revers russes en Ukraine vus par les opposants syriens

Face aux difficultés éprouvées par Moscou dans son offensive, les adversaires du régime de Bachar el-Assad se réjouissent de la tournure des événements.

Les revers russes en Ukraine vus par les opposants syriens

Une habitante de la région de Kherson, en Ukraine, enlève des débris à l’intérieur de la maison de son fils détruite lors d’une attaque militaire russe, le 9 novembre courant. Valentyn Ogirenko/Reuters

Il est d’abord resté scotché à l’écran de son portable, à l’affût de la moindre nouvelle concernant la guerre en Ukraine. Au bout d’un moment, « les souvenirs remués sont devenus très durs à supporter ». D’Allemagne, où il s’est exilé début 2015, Mohammad el-Nesser continue de suivre, autant qu’il le peut, l’évolution des combats. Toujours le cœur serré. « Chaque image, chaque son, chaque information me ramènent à un moment vécu en Syrie, dans un scénario bien pire », confie l’activiste originaire d’Alep. Mohammad el-Nesser a survécu aux bombardements du régime syrien visant des écoles, des hôpitaux et des marchés aux heures de pointe. Depuis les premiers jours de l’invasion russe en Ukraine, débutée le 24 février, il soutient ardemment la cause des Ukrainiens. Difficile de ne pas s’identifier à ce peuple qui partage un ennemi commun avec le sien. « Je crois fermement que si le monde avait arrêté Assad et Poutine en Syrie, nous n’aurions jamais assisté à une telle horreur en Ukraine. »

Repli majeur

Plus de dix ans après le début de la guerre en Syrie, l’amertume domine chez les adversaires du régime de Damas, toujours en place. Ces dernières semaines cependant, à mesure que Moscou s’enlisait en Ukraine, un léger espoir de penser que le Kremlin échouera à atteindre ses objectifs traverse certains d’entre eux. « La Russie n’est pas face à des difficultés, mais à un échec cuisant en Ukraine, affirme même Mountasserel-Boulboul, à la tête d’un groupe d’opposants syriens en Ukraine. Son retrait de Kherson en est une illustration claire. » Vendredi, l’entrée de l’armée ukrainienne dans la ville stratégique de Kherson (Sud) après le retrait des forces russes a été un nouveau coup dur pour Moscou. Un repli majeur qui fait suite à l’abandon, en septembre, de la majorité de la région de Kharkiv (Nord-Est) après l’échec de la prise de Kiev au printemps. « Maintenant que les Russes ont retiré des troupes de Syrie, que les Iraniens sont occupés avec le mouvement intérieur de contestation, les choses peuvent peut-être bouger en Syrie, se convainc Mountasser el-Boulboul. Le régime Assad peut pâtir du manque de soutien de ses deux parrains. »Au cours des derniers mois, plusieurs médias régionaux ont rapporté que Moscou avait retiré plus d’un millier de ses soldats de Syrie ainsi qu’une batterie du système de défense aérienne S-300. Des centaines de combattants syriens auraient également été envoyés en Russie pour s’entraîner avant d’être déployés en Ukraine. De son côté, Téhéran a apporté un soutien militaire au Kremlin. Selon les révélations de deux hauts responsables et de deux diplomates iraniens à l’agence Reuters, l’Iran lui fournirait des missiles sol-sol et davantage de drones. La République islamique a reconnu pour la première fois en novembre avoir procuré des drones à Moscou, mais avant l’invasion de l’Ukraine.

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Soutien occidental à échelle variable

Ces révélations, Bachir Alito les suit quotidiennement depuis Afrine (Nord-Ouest syrien), où il réside. « Via des médias internationaux et mes amis qui me rapportent ce qu’ils entendent de leurs connaissances en Ukraine », explique ce combattant de l’Armée syrienne libre (ASL), un regroupement de différentes factions rebelles soutenu par la Turquie. « Comme tout Syrien, je suis heureux lorsque je vois les pertes essuyées par la Russie, le déclin de sa réputation et son isolement par les Occidentaux, raconte-t-il. J’espère que ses actions en Ukraine se traduiront par un échec complet, et mettront fin à son oppression et son soutien aux dictatures à travers le monde. » Dans les faits, Bachir Alito est cependant moins optimiste pour aller jusqu’à parier sur ce scénario. « Jusqu’à présent, on ne peut pas dire que la Russie a échoué en Ukraine, dit-il. Elle occupe encore de vastes terres et exerce une pression importante sur divers pays dans les domaines de l’énergie et de l’alimentation. » Le jeune homme est convaincu qu’un retrait russe sans victoire est hautement improbable sous la présidence de Poutine. À ses yeux, il pourrait reculer en cas d’escalade occidentale ou de pression de l’opposition et de la rue russes, « comme c’est le cas actuellement en Iran ». Défaite ou victoire, la question n’est pas aussi simple, argue Anas*, chef de régiment au sein de l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie. « Dans la guerre, il n’y a pas de gagnant et de perdant : il y a un perdant et un plus grand perdant, et la Russie se trouve dans cette dernière position. » S’il se réjouit de la mise au ban de Moscou à l’échelle internationale, il ne digère toujours pas le soutien massif des Occidentaux aux Ukrainiens, comparé à leur repli vis-à-vis des Syriens, confie-t-il amèrement. « Comment ont-ils pu fermer leurs portes aux Syriens ? S’exiler et fuir la guerre est une expérience similaire, qu’il s’agisse de Syriens ou d’Européens », s’indigne-t-il. Originaire de la campagne du nord d’Alep, Anas s’est réfugié en Turquie en 2016 en pleins bombardements russes. « Quitter votre maison et votre pays avec toutes sortes de souvenirs d’enfance pour aller dans un autre endroit, non pas pour le divertissement ou le tourisme, mais pour préserver votre vie et celle de votre famille, est l’expérience la plus difficile que j’aie vécue », raconte-t-il. Son incompréhension est d’autant plus forte face à la similitude du mode opératoire russe en Syrie et en Ukraine. À bien des égards, le siège de Marioupol (Sud-Est), au printemps dernier, a fait écho à celui d’Alep : siège, bombardements en vue d’une capitulation, privation d’eau et de nourriture. « Chaque Syrien a vécu les bombardements russes et a d’innombrables souvenirs, renchérit Bachir Alito. Pas un village ou une ville ayant échappé au contrôle du régime Assad n’ont été épargnés par les bombardements barbares de la Russie qui ont touché des hôpitaux, des écoles, des boulangeries, des maisons… »À l’horizon du douzième anniversaire du soulèvement populaire en Syrie, les victimes du pouvoir à Damas n’ont d’autre choix que d’espérer. « Les combats sont gelés, la guerre est toujours là, et le pire de la guerre, ce sont ses conséquences : les générations détruites et les communautés brisées, fustige Mohammad el-Nesser. Malgré toutes ces souffrances, les Syriens refusent toujours le régime, et certains d’entre eux préfèrent rester dans des tentes pour ne pas retourner dans leur village repris par le pouvoir. »

* Le prénom a été changé.

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Il est d’abord resté scotché à l’écran de son portable, à l’affût de la moindre nouvelle concernant la guerre en Ukraine. Au bout d’un moment, « les souvenirs remués sont devenus très durs à supporter ». D’Allemagne, où il s’est exilé début 2015, Mohammad el-Nesser continue de suivre, autant qu’il le peut, l’évolution des combats. Toujours le cœur serré....

commentaires (5)

"Oui mais"... en Ukraine il n'y a pas de Daesch et cela a été le grand malheur de cette héroique opposition Syrienne abandonnée de tous. L'indécent silence des mondes arabes et occidentaux laissant la barbarie russe opérer impunément est un triple crime contre l humanité. Aussi, il convient de mettre en lumière la bien étrange compassion sélective, voire opportuniste, qu'est celle de laisser assassiner sur nos écrans les uns, sans systématiquement s'indigner, alors que depuis d'interminables années nous sommes vent debout autour de la seule Question Palestinienne. Lucrative et opportune. Un peuple autrement pris en otage et dont se servent honteusement toutes sortes d'organisations terroristes. Pourquoi ce conflit savamment entretenu est-il le seul à occuper le devant de la scène mondiale Au lieu de systématiquement accuser le monde occidental de tous les maux de la terre, il est urgent, si pas trop tard, que le très complexe monde arabe commence par interroger le pourquoi de cette inadmissible compassion sélective. Ce à quoi devraient se joindre les chrétiens d'orient et leur tendance apologétique de toutes sortes de tyrans sous la protection desquels ils ont trouvé de courts instants de refuge.

Lillie Beth

12 h 46, le 12 novembre 2022

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Commentaires (5)

  • "Oui mais"... en Ukraine il n'y a pas de Daesch et cela a été le grand malheur de cette héroique opposition Syrienne abandonnée de tous. L'indécent silence des mondes arabes et occidentaux laissant la barbarie russe opérer impunément est un triple crime contre l humanité. Aussi, il convient de mettre en lumière la bien étrange compassion sélective, voire opportuniste, qu'est celle de laisser assassiner sur nos écrans les uns, sans systématiquement s'indigner, alors que depuis d'interminables années nous sommes vent debout autour de la seule Question Palestinienne. Lucrative et opportune. Un peuple autrement pris en otage et dont se servent honteusement toutes sortes d'organisations terroristes. Pourquoi ce conflit savamment entretenu est-il le seul à occuper le devant de la scène mondiale Au lieu de systématiquement accuser le monde occidental de tous les maux de la terre, il est urgent, si pas trop tard, que le très complexe monde arabe commence par interroger le pourquoi de cette inadmissible compassion sélective. Ce à quoi devraient se joindre les chrétiens d'orient et leur tendance apologétique de toutes sortes de tyrans sous la protection desquels ils ont trouvé de courts instants de refuge.

    Lillie Beth

    12 h 46, le 12 novembre 2022

  • Il ne faut pas comparer les combatants syriens a ceux des Ukraniens. La seule raison pour laquelle les Ukrainiens ont eut le support des Americains et Occidenteaux c'est qu'ils ont une armee tres bien entraines pendant des annees et pas des miliciens que nul ne sait d'ou ils viennent. Aussi L'Ukraine etant a la porte de L'Europe est beaucoup plus strategique que la Syire

    Ma Realite

    11 h 56, le 12 novembre 2022

  • Entre l'Ukraine et la Syrie révoltée la différence est absolue, d'un côté un gouvernement politique de l'autre une anarchie siège de la rivalité.

    Beauchard Jacques

    11 h 28, le 12 novembre 2022

  • Si les USA avait accepté de fournir à l'époque des armes, des vrais, aux rebelles syriens comme en Ukraine, si Obama n'avait pas fait volte-face, alors peut-être que la guerre en Ukraine n'aurait même pas eux lieu en ce moment!

    Aboumatta

    10 h 55, le 12 novembre 2022

  • Merci pour ce rappel qui montre que le combat continue, sous différentes formes.

    F. Oscar

    08 h 43, le 12 novembre 2022

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