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Lifestyle - Liban Pop

Génération « Star Academy » panarabe : que sont-ils devenus ?

Retour sur l’émission de téléréalité devenue un véritable phénomène social et artistique dans le monde arabe au début des années 2000.

Génération « Star Academy » panarabe : que sont-ils devenus ?

Première édition de « Star Academy » panarabe en tournée avec, de gauche à droite : Ahmad el-Cherif, Cynthia Karam, Bashar el-Chatti, Mohammad Attié, Bahaa el-Kéfi, Mohammad Khalawi, Myriam Atallah et Sofia el-Marikh. Photo Wissam Moussa

Le 15 octobre dernier, la Star Academy célébrait son grand retour en France sur TF1, 14 ans après la fin de la huitième saison de l’emblématique émission de téléréalité. Treize candidats ont ainsi fait leur entrée au château de Dammarie-les-Lys pour prendre part à des cours de chant, de danse, de théâtre et d’expression scénique, sous l’œil de caméras filmant 24h/24 leur apprentissage de futures stars. Si l’accueil de la nouvelle saison semblait d’abord mitigé, le succès est au rendez-vous avec plus de 4 800 000 téléspectateurs qui ont suivi le premier prime du samedi soir et une avalanche de réactions positives sur les réseaux sociaux. L’occasion de revenir sur un phénomène qui a aussi bien marqué le monde arabe que l’histoire du petit écran libanais au début des années 2000, les années Star Academy.

Un succès fou

Quand la LBCI décide d’adopter ce format dans une version panarabe à partir de décembre 2003, c’est une véritable révolution télévisée et un énorme succès qui conquiert le monde arabe. « À l’époque, nous cherchions quelque chose de différent et de nouveau, une idée folle, se rappelle Roula Saad, la productrice exécutive de l’émission et des quotidiennes et directrice de l’académie. Le public arabe n’était pas habitué à la téléréalité, et notamment de voir de jeunes hommes et femmes qui vivent ensemble dans un loft, filmés à longueur de journée et jusqu’aux moindres détails qui relèvent du privé. Nous brisions alors de nombreux tabous. Ce n’était même pas habituel que des stars arabes et étrangères chantent en duo avec des candidats.

Pour tout dire, nous étions très inquiets car tout était nouveau. C’était une grande responsabilité pour moi également, du casting à l’exécution, et beaucoup de travail et d’investissement pour préparer les primes, les quotidiennes et la chaîne en direct 24h/24. Mais à l’époque, le Liban était la destination naturelle pour produire de telles émissions. Nous avons construit une académie et sommes passés à un niveau supérieur en matière de moyens de production. » « Au-delà du divertissement, c’était une véritable école pour les académiciens, estime encore Roula Saad. Nous avons montré aux gens que l’éducation compte et qu’il ne suffit pas de savoir chanter devant un micro pour devenir un artiste accompli. » Au fil des semaines, et comme le format initial l’exige, les candidats étaient en effet soumis à des évaluations hebdomadaires aboutissant à la nomination de certains d’entre eux, qui devaient alors compter sur le vote du public et de leurs camarades pour sauver leur place à l’académie. Si elle les appelle toujours « les enfants », l’ancienne directrice affirme être restée en contact avec quelques académiciens, alors que certains aiment encore lui donner de leurs nouvelles. « Chacun a fait sa route, suivi son chemin, dit-elle. Certes, comme à l’université, des élèves réussissent, certains non, et d’autres décident de changer de carrière. »

Joseph Attieh a accumulé les tubes comme « La trouhy », « Habbeit ouyounak » et « Lebnan rah yerjaa ». Photo Gérard Absi

De belles carrières

Sur les huit saisons produites par la LBCI, toutes présentées par Hilda Khalifé Moudabber, plus de 100 « académiciens » ont pris part au concours, et le palmarès des réussites est en effet loin d’être maigre. Parmi celles-ci, le parcours du jeune Syrien Nassif Zeytoun, vainqueur de la saison 7, et qui compte aujourd’hui parmi les chanteurs les plus célèbres de sa génération avec des dizaines de tubes. Sa collègue irakienne et cofinaliste, Rahma Riad, s’est aussi hissée – avec un peu de retard – au rang de star depuis 2018 et cumule les millions de vues sur la toile. Sortie victorieuse de la saison 4, sa compatriote Shada Hassoun est également devenue une figure incontournable de la scène musicale, tandis que le jeune Saad Ramadan compte parmi les chanteurs libanais qui font une belle carrière. Côté comédie, le vainqueur de la saison 2, Hisham Abdulrahman Alhowaish, a endossé de nombreux rôles à la télévision et présente actuellement l’émission Carpool Karaoké. L’Égyptienne Mirhan Hussein est également apparue dans de nombreux feuilletons, tout comme l’Algérienne Amal Bouchoucha, alors que la Marocaine Bassma Boussel rallie plus de 5 millions de followers sur Instagram et s’impose comme influenceuse.

En 2005, c’est Joseph Attieh qui remportait la troisième saison du télécrochet, sa victoire revêtant au Liban un caractère national. Depuis, le chanteur a accumulé les tubes, comme La trouhy, Habbeit ouyounak et Lebnan rah yerjaa, et sorti cinq albums. « Ma victoire reste mon plus beau souvenir, confie le chanteur à L’Orient-Le Jour. Avec du recul, je ne retiens de l’expérience que du positif. Évidemment, l’éloignement de mes proches et de mon entourage était assez difficile, mais j’ai vécu quatre mois pleins de vie, de musique et d’apprentissage. L’émission m’a introduit au public et lui a révélé mon talent de manière très rapide. Quand je suis sorti de l’académie, je n’avais aucun répertoire qui soit à la hauteur de toute cette célébrité. J’ai dû déployer de nombreux efforts pour lancer ma carrière sur des bases solides. »

De son côté, Nassif Zeytoun assure n’avoir « jamais savouré la victoire d’une première place avant sa participation à Star Academy ». « Même si j’avais passé le casting de l’émission par hasard, j’avais décidé de remporter le trophée et j’ai tout fait pour », explique-t-il. « Durant ces quatre mois, je me suis focalisé sur le chant et les répétitions. Sinon, je passais la plupart de mon temps à dormir loin des caméras. » « En fait, l’aspect téléréalité n’était pas ce qui m’intéressait le plus », ajoute l’interprète de Larmik biblach et Mich aam tezbat ma’i, qui a été élu Révélation musicale de l’année 2013, soit trois ans après sa victoire.

Mohammad Attié, vainqueur de la « Star Ac 1 », sur scène entouré des autres participants. Photo Wissam Moussa

Une première promotion en or

Si l’on se souvient encore des tableaux hauts en couleurs de la Star Academy, et les performances de stars internationales comme Julio Iglesias, Anggun, Tina Arena ou Chris De Burgh, impossible d’oublier les hymnes respectifs de chaque saison, qui ont augmenté aux premières saisons les ventes de nombreux albums écoulés comme de petits pains. « C’est fou de penser que ce succès précédait l’ère des réseaux sociaux, note Naji Baz, producteur musical et cofondateur de Star System, la boîte en charge du management des artistes à leur sortie de l’académie. Je pense qu’au-delà de l’artistique, il y avait une dimension humaine et sociologique, car même les téléspectateurs qui n’étaient pas intéressés par le chant étaient curieux de suivre le côté relationnel, les amitiés, les amours. » Et d’ajouter : « Beaucoup de pays étaient représentés, et cela a créé une sorte de soutien national où chaque candidat était soutenu par son pays. »

Des cinq premières saisons, qu’il a accompagnées jusqu’au concert maudit donné à Sfax devant une foule rassemblant 10 000 personnes, et durant lequel sept jeunes Tunisiens ont été tués et trente-deux ont été blessés dans une énorme bousculade, Naji Baz se souvient surtout de la première saison. « Tout était nouveau pour nous, pour le public et pour les candidats. On ne savait pas à quoi s’attendre. Tout était encore frais, improvisé, peu formaté. C’est une fraîcheur que nous n’avons jamais retrouvée par la suite. Ce que nous avons gagné en professionnalisme, nous l’avons perdu en spontanéité. Le medley Maakarona de Mohammad Attié et de Bashar el-Chatti en finale de la Star Ac 1 relevait du miracle ! »

Les huit participants à la tournée de la première édition de « Star Academy ». Photo DR

Vainqueur emblématique de la saison 1 en 2003, Mohammad Attieh garde en effet le souvenir de son accession à la finale face à Bashar el-Chatti comme le plus beau moment de cette expérience. « J’étais content de me retrouver en finale avec un frère, un ami, confie-t-il. Qu’importait le résultat, il allait me satisfaire. La Star Academy est une expérience que je n’oublierais jamais. Elle a changé ma vie et je suis sorti un tout autre homme de l’académie sur les plans artistique et psychologique. J’étais déjà célèbre en seulement quatre mois, même si la vie m’a appris que le succès rapide est bien plus fragile que celui qui se construit avec le temps. De grands noms de la chanson comme Abdel Halim Hafez et Amr Diab ont réussi sur le long terme, car ils ont commencé de zéro. »

Joseph Attieh célébrant sa victoire durant la troisième saison du télécrochet. Photo capture d’écran

« C’est une expérience qu’on ne vit pas chaque jour », confie pour sa part Cynthia Karam, également candidate de la saison 1, qui avait formé un tandem avec son compatriote Bruno Tabbal. « J’ai eu cette chance d’intégrer la Star Academy et que tout le monde voie mon talent, ma personnalité, mon vrai caractère, comment je travaille et comment je me dédie à ma carrière, moi qui n’étais qu’une étudiante en théâtre à l’époque. Cette expérience a certes facilité mon parcours. C’est un important tremplin sans lequel le chemin aurait été impossible. Je n’avais aucun soutien et j’ai toujours refusé les pistons. Je ne savais même pas chanter en arabe et connaissais à peine les chanteurs arabophones… Le format, lui, est très bon, et les amitiés durent avec ceux qui nous ressemblent bien évidemment. Star Academy, c’est comme la vie. Quant à l’amour du public, lui, il était inégalé. Jusqu’à présent, les gens me reconnaissent, savent que je suis asthmatique par exemple et se souviennent que j’ai été grièvement blessée, avec Sofia el-Marikh, lors des répétitions du prime, en tombant d’un échafaudage de huit mètres. »

Cynthia Karam, Véra dans la série « The Visit » réalisée par Adolfo Martinez (2021). Photo Ali Gharbieh

Souffrances et bonheur

Malgré cela, le bilan reste assez mitigé pour Cynthia Karam qui partage aujourd’hui sa carrière entre la chanson et son métier d’actrice de théâtre, de télévision et de cinéma. « Ce tremplin nous permettait d’aller plus haut, de rêver plus grand, mais rien n’était réellement mis en place pour amortir notre chute, poursuit-elle. C’est psychologiquement difficile pour un artiste encore jeune. Personne ne nous avait prévenu que ce n’était qu’une émission, que le succès par la suite n’était pas garanti, que les opportunités de travail n’allaient pas forcément être à la hauteur de cette célébrité et que le profit financier n’allait peut-être pas durer. C’est aussi très dur de rester soi-même. Nous sommes tous retombés sur terre, mais chacun l’a vécu selon son caractère. Certains ont eu la folie des grandeurs et ont vécu déconnectés de la réalité. Moi, j’ai dû puiser au fond de moi-même pour me ressourcer et me retrouver. Il y a eu des années de souffrances. Je n’avais en fait que mon nom qui était connu, mais tout était à faire. J’ai bossé dur pour nourrir mon talent et apprendre. Pour percer, il faut travailler. » Si c’était à refaire ?

Mohammad Attié, 19 ans plus tard. Photo DR

« Je le ferais en connaissance de cause, assure Cynthia. J’organiserais des séances de thérapies de groupe pour les candidats avec les anciens académiciens, pour les préparer psychologiquement au monde qui les attend en dehors des murs de l’académie. » « J’ajouterais également des cours de production de musique pour enseigner aux élèves comment créer leur propre univers ou comment réussir sans boîte de production », poursuit celle qui ne considère pas avoir complètement réussi à devenir l’artiste qu’elle avait envie d’être, malgré des rôles notables au théâtre et à la télévision, et une présence presque continue sur la scène musicale. « Personne n’a vraiment su profiter de mon talent, regrette-t-elle. La carrière d’artiste est un projet de vie qui requiert beaucoup de temps, d’efforts et d’investissement financier, et certains n’étaient pas prêts à le faire. »

Mohammad Attié signant des autographes après sa victoire en 2004. Photo Wissam Moussa

« C’était très difficile de les faire réussir tous et c’était en tout cas mathématiquement impossible, note pour sa part Amin Abi Yaghi, producteur musical et cofondateur de Star System. Nous avons découvert avec le temps que le succès d’une émission de télévision ne signifiait pas forcément le succès dans la vraie vie. Les personnalités de chacun y étaient pour beaucoup aussi. Anonymes peu avant, certains se retrouvaient soudain incapables de marcher dans la rue tranquillement et étaient sollicités plus que les grandes stars. Quelques-uns ont su garder la tête sur les épaules, mais d’autres n’étaient pas prêts psychologiquement. Beaucoup voulaient créer des chansons trois jours après leur sortie de l’académie, parfois dans un style totalement déconnecté de l’image que les fans avaient apprécié. » « Malgré cela, dit-il, nous avons connu de grands succès, comme avec Ahmad el-Sherif, qui a décidé par la suite de se consacrer à autre chose en Tunisie. Même après toutes ces années, quand nous publions ses anciennes chansons sur les plateformes digitales, le nombre de vues est inouï et prouve que nous avions réussi à créer de véritables stars, et que la Star Academy est un parcours jalonné de success stories. »

Cynthia Karam sur scène en 2004 pour « Star Academy ». Photo Wissam Moussa

Alors, bientôt un retour de la Star Ac au monde arabe ? Rien n’est sûr, selon Roula Saad. « Je comprends que ce format continue de réussir, car la téléréalité est de nouveau en vogue, estime la productrice, et je crois vraiment que ce genre d’émissions est loin de s’être essoufflé. Les spectateurs ont de nouveau envie de voir des amateurs en train d’évoluer, d’échouer, d’apprendre, dans une ambiance amicale et bienveillante, après des émissions comme The Voice où l’on privilégie les professionnels. La nouvelle génération a besoin de s’identifier à des personnes qui leur ressemblent à la télévision, et cette émission relancée aujourd’hui peut capitaliser sur un nouveau public jeune qui n’a pas connu la Star Ac, et un public nostalgique de sa jeunesse et de moments de télévision remplis d’émerveillement. »

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