
Conférence au palais de l’Unesco à Beyrouth, le 5 novembre 2022, à l'occasion du 33ème anniversaire de la conclusion de Taëf. Photo Twitter/@JWronecka
L'ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, a affirmé samedi que la France l'a assuré qu'il "n'y aura aucune intention ni proposition de modifier l'accord de Taëf" de 1989, qui a permis de mettre un terme à 15 ans de guerre civile au Liban, dans des déclarations faites lors d'une conférence à Beyrouth à laquelle étaient conviées une panoplie de personnalités.
Au cours de cette conférence tenue au palais de l’Unesco à l'occasion du 33ème anniversaire de la conclusion de Taëf, le diplomate a souligné "l'intérêt que porte l'Arabie saoudite et ses autorités à la préservation de la sécurité, de l'unité et de la stabilité au Liban, et à la préservation de l'accord de Taëf".
Cette réunion intervient deux semaines après l'échec d’un dîner à l’ambassade de Suisse auquel étaient invités des représentants des principaux groupes politiques libanais. Cette invitation avait ravivé le souvenir des conférences de Genève et de Lausanne, en 1983 et 1984, qui avaient débouché sur une décision de créer une commission chargée de réviser la Constitution, une instance qui n’a finalement pas vu le jour. Le dîner sera finalement annulé après des protestations saoudiennes et des annonces de boycott de la part de députés, dont ceux des Forces libanaises (FL), proches de Riyad, qui y voyaient une tentative de renverser l’accord de Taëf afin de produire un nouveau système politique. L'initiative saoudienne de samedi s’inscrit dans une série d’efforts en ce sens depuis plusieurs mois.
"Caractère définitif de l'entité libanaise"
"Le président français nous a assuré qu'il n'y aura aucune intention ni proposition pour modifier cet accord", a déclaré M. Boukhari. "Nous avons extrêmement besoin de concrétiser le vivre-ensemble et la préservation de l'identité et de l'arabité du Liban", a-t-il ajouté, en soulignant que "l'accord de Taëf préserve le caractère définitif de l'entité libanaise, son identité et son arabité", et en notant qu'une "autre solution ne fera que mener le pays encore plus vers l'inconnu".
Le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a affirmé pour sa part, en marge de cette conférence, que l'accord de Taëf "demeure l'accord le plus valable". Selon lui, cette initiative prouve que "l'Arabie saoudite n'a pas abandonné le Liban". La représentante du secrétaire général des Nations unies au Liban, Joanna Wronecka a, elle, estimé que "l''accord de Taëf garantit la stabilité du Liban".
Le député des FL, Ghassan Hasbani, a de son côté, appelé le Parlement à "prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'accord de Taëf", estimant que le pays se trouve devant "une opportunité charnière pour confirmer la mise en œuvre de l'accord". Le Courant patriotique libre (CPL, aouniste), de Gebran Bassil et rival des FL, s'est de tout temps opposé à l'accord de Taëf, estimant qu'il réduit les prérogatives du président de la République maronite au profit du Premier ministre sunnite et du Conseil des ministres réuni.
Elire un nouveau président
Prenant la parole lors de la rencontre, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora a affirmé que "ce qui est le plus important aujourd'hui, c'est d'élire un président qui croit en l'accord de Taëf, veille sur le retour à cet accord et œuvre pour qu'il devienne une constante et soit correctement mis en œuvre".
Même son de cloche du côté du leader druze et chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt, qui a estimé que "ce qui est le plus important c'est d'élire un président". "Actuellement, la grande bataille ne porte pas sur les prérogatives du président qui sont claires en politique et dans la Constitution. Le problème réside dans l'élection d'un président et la formation ultérieure d'un gouvernement crédible qui lance les réformes requises pour commencer à mettre en œuvre un sauvetage économique et financier", a-t-il souligné. Il a également estimé qu'"avant d'examiner toute modification de l'accord, nous devons l'appliquer pour abolir le confessionnalisme politique".
Le leader druze a par ailleurs affirmé, dans un entretien accordé à la chaîne al-Jadeed en marge de la conférence, qu'il "n'acceptera pas Sleiman Frangié en tant que candidat à la présidentielle", assurant que son candidat "est Michel Moawad". Ses propos interviennent en dépit d'un rapprochement entre le PSP et le Hezbollah, allié chiite des Marada de M. Frangié.
Pour sa part, Sleiman Frangié a affirmé avoir participé à la conférence nationale à laquelle l'ambassadeur Boukhari avait appelé. "Je fais partie de l'accord de Taëf. Je n'ai pas assisté à cette réunion pour des considérations liées à la présidentielle", s'est-il défendu au micro de la chaîne al-Jadeed. "Mes alliés ne sont pas contre l'accord de Taëf. Ma présence n'impactera pas donc ma relation avec eux", a-t-il ajouté.
Le Liban connaît en effet, pour la première fois dans son histoire, une double vacance au niveau de l'Exécutif. Le mandat de Michel Aoun s'est achevé le 31 octobre alors que le Parlement n'a pas réussi, lors de quatre séances, à élire un nouveau chef de l'Etat. Le cabinet sortant de M. Mikati est démissionnaire en mai dernier suite aux élections législatives et ne peut que gérer les affaires courantes. Un bras de fer politique avait opposé MM. Mikati à M. Aoun, qui considérait qu'un cabinet sortant ne pouvait exercer les fonctions d'un président en cas de vacance à la magistrature suprême.
L'ex-députée Bahia Hariri s'est excusée pour son absence de cette cérémonie, selon la chaîne al-Jadeed, alors que les relations entre son neveu, l'ancien Premier ministre et chef du Courant du Futur Saad Hariri et le royaume wahhabite se sont détériorées ces dernières années.
Depuis le retrait de Saad Hariri de la vie politique au début de cette année, la communauté sunnite est éclatée. Si certains y voient un signe de vitalité démocratique, d’autres estiment qu’en l’absence d’un leader sunnite, la communauté est affaiblie et ne peut pas peser dans les échéances clé comme l’élection présidentielle ou un éventuel dialogue national. C’est dans ce contexte que M. Boukhari a convié à cette conférence, qui s’inscrit dans une série d’efforts en ce sens depuis plusieurs mois. Le mufti de la République, Abdellatif Deriane, a par exemple organisé une rencontre à Dar el-Fatwa, le 24 septembre, des 27 députés de sa communauté, avec la bénédiction de l’ambassade saoudienne, alors que le bras de fer entre MM. Aoun et Mikati prenait une tournure confessionnelle. La France est également impliquée de près dans le dossier libanais, surtout depuis l'explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth.
L'ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban, Walid Boukhari, a affirmé samedi que la France l'a assuré qu'il "n'y aura aucune intention ni proposition de modifier l'accord de Taëf" de 1989, qui a permis de mettre un terme à 15 ans de guerre civile au Liban, dans des déclarations faites lors d'une conférence à Beyrouth à laquelle étaient conviées une panoplie de personnalités.Au cours de...
commentaires (10)
Ni democraticque ni monarchique mais tribal. L'accord de taef est une promesse de parite entre les tribus. changer l'accord, c'est peut etre crer un desequiliobre en faveur d'une des tribus. Ce que l'Arabie Saoudite essaye d'eviter.Si le Liban tombe dans ce nouveau paradigme, le risque serait que la Syrie ne devienne irrecuparable. , CQFD
SATURNE
14 h 55, le 06 novembre 2022