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Politique - Parlement

Berry réussit son jeu d’équilibriste

Officiellement, la Chambre a donné à Mikati un blanc-seing pour expédier les affaires courantes. Mais officieusement, le chef du gouvernement sortant a été appelé à éviter la provocation.

Berry réussit son jeu d’équilibriste

Le Premier ministre, Nagib Mikati, arrivant à la séance parlementaire, hier. Photo Mohammad Yassine

« Je devais me récuser. Mais puisque c’était vous qui l’aviez demandé, je ne l’ai pas fait. » C’est en ces termes que le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a répondu au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, à la Chambre. Ce dernier lui rappelait que les deux principaux blocs chrétiens avaient déjà annoncé leur refus d’accorder leur confiance au gouvernement qu’il comptait former. Cet échange qui a eu lieu hier, place de l’Étoile, illustre les tensions arrivées à leur paroxysme entre le chef du cabinet sortant et le camp aouniste, surtout après la lettre adressée par l’ancien président Michel Aoun au Parlement, au dernier jour de son mandat, pour lui demander de retirer au milliardaire sunnite son statut de Premier ministre désigné ou du moins pour prendre les mesures nécessaires afin de le forcer à assumer ses responsabilités. M. Aoun avait envoyé cette lettre après avoir signé le décret de démission du cabinet de Nagib Mikati, une démarche sans valeur constitutionnelle, l’équipe en question étant devenue de facto démissionnaire après les législatives de mai dernier.

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Quelle marge de manœuvre pour le gouvernement Mikati ?

Hier, la missive présidentielle a été lue lors d’une séance parlementaire controversée, surtout que la Chambre est considérée comme un collège électoral depuis le 21 octobre (dix jours avant l’expiration du mandat présidentiel comme le stipule l’article 75 de la Constitution). Aucune surprise n’était toutefois attendue, d’autant que la Chambre s’est réunie après la fin du mandat Aoun, qui a expiré dans la nuit de lundi à mardi. La page de la formation d’un nouveau cabinet est donc de facto définitivement tournée. Et comme pour souligner davantage le caractère inutile de la démarche du président sortant, le Parlement n’a répondu à aucune de ses demandes. Il a refusé d’amender la Constitution pour retirer à M. Mikati son statut ou pour fixer des délais à la formation des cabinets. Nagib Mikati a ainsi marqué un point face au camp aouniste. « Toute prise de position au sujet de la nomination du Premier ministre et des délais pour mettre en place une équipe paverait la voie à un amendement inopportun de la Constitution », peut-on lire dans le texte de la recommandation finale de la Chambre. D’ailleurs, Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, a soulevé ce point lors de son intervention. « Dans sa lettre, le président a mis en lumière une faille (dans la Constitution) quant à l’absence de délais pour former le gouvernement », a-t-il lancé, rappelant les efforts de son parti sur ce plan. Mais le député a rapidement remis les pendules à l’heure en soulignant que « la priorité devrait être accordée à l’élection d’un nouveau président ». La Chambre a ainsi consolidé la position de Nagib Mikati face aux aounistes. « Pour assurer la stabilité et le bon fonctionnement des institutions, le Parlement appelle le chef du gouvernement à poursuivre sa mission à la tête d’un gouvernement d’expédition des affaires courantes », peut-on lire dans la recommandation finale.

Le billet de Gaby NASR

Vive la vacance !

Mais c’est sur le plan politique que le président du Parlement Nabih Berry – farouche adversaire du camp aouniste et en même temps allié du Hezbollah et principal soutien de M. Mikati – a réussi son jeu d’équilibriste, offrant une maigre consolation à Gebran Bassil. Ainsi, et conformément à l’entente conclue loin des projecteurs entre le Hezbollah, allié du courant aouniste, et le Premier ministre sortant, ce dernier devrait éviter de convoquer le Conseil des ministres, surtout que les ministres aounistes – principale composante chrétienne au sein du cabinet – ont menacé de boycotter ces réunions.

« Je ne veux défier personne »

Ayant échoué à aplanir les obstacles qui empêchaient la naissance de la nouvelle équipe, le Hezbollah a opté pour le pragmatisme. Il a demandé à Nagib Mikati de ne pas réunir le cabinet sortant, afin de ne pas provoquer le camp aouniste, qui dit vouloir empêcher le transfert des prérogatives du chef de l’État maronite au Conseil des ministres dirigé par un sunnite. Cette carte, le chef du gouvernement sortant ne compte – jusqu’ici – pas la jouer face à M. Bassil, comme il l’a souligné à plusieurs reprises. Une position qu’il a réitérée lors de son intervention hier à l’hémicycle, pour répondre au message de Michel Aoun. « Je suis conscient des dispositions de la Constitution pour ce qui est de l’expédition des affaires courantes dans le sens restreint du terme (…). Mais je consulterai les composantes du gouvernement pour réunir le Conseil des ministres, si l’intérêt du pays l’exige. Je ne veux défier personne et je ne suis contre personne », a-t-il ajouté, relatant les grandes étapes de son duel avec le camp aouniste depuis sa nomination en juin dernier. Rappelant dans ce cadre qu’il a remis à l’ancien chef de l’État une mouture que ce dernier a refusée, M. Mikati a dit avoir proposé à M. Aoun de signer le décret de formation du gouvernement dans sa composition actuelle, dans l’objectif de le renflouer. « Mais le président a répondu : “J’ai mis le décret dans un tiroir que j’ai fermé à clé” », a dit M. Mikati, pour rejeter la responsabilité du blocage sur le camp aouniste. Gebran Bassil n’a pas tardé à répliquer. À sa sortie de l’hémicycle, il a renouvelé ses reproches au Premier ministre sortant. « L’absence de toute volonté de former un gouvernement est un coup porté à la Constitution, et qui a mené à la vacance présidentielle et gouvernementale », a-t-il dit. Le leader du CPL a toutefois tenu à se féliciter du bilan de la séance parlementaire, comme pour réduire l’impact de la « victoire » de M. Mikati. Aux yeux de M. Bassil, la séance a débouché sur une importante conclusion : « Tous les protagonistes ont reconnu que le gouvernement ne peut se réunir qu’en cas d’urgence, et avec l’aval de toutes ses composantes (…) et si le Conseil des ministres tient une séance, il s’agira d’une infraction à la Constitution, s’est-il félicité. C’est une bonne chose que le Parlement ait reconnu que le cabinet ne peut pas exercer les prérogatives du président. » Et dans la soirée, l’ancien chef de l’État a démenti dans un communiqué la version des faits présentée par M. Mikati, assurant qu’elle était « incomplète » et qu’elle maquait « de vérité et de précision ».

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L’opposition se retire

Au-delà du duel Bassil-Mikati, la séance d’hier a créé une polémique, car elle s’est tenue à un moment où le Parlement n’est qu’un collège électoral, selon la Loi fondamentale. Mais Nabih Berry semble peu s’en soucier, accordant la priorité à (sa) « propre jurisprudence », comme il l’a déclaré il y a quelques jours à L’Orient-Le Jour. Sauf que cela a irrité plusieurs composantes de l’opposition qui, sans aller jusqu’à boycotter la séance, s’en sont retirées. Tel est notamment le cas des Kataëb, des députés de la contestation (y compris Michel Doueihy qui avait claqué la porte de ce bloc il y a deux semaines) et du groupe du Renouveau de Michel Moawad. « Nous avons demandé que la réunion soit transformée en une séance électorale. Mais quand Nabih Berry a refusé notre requête, nous avons quitté l’hémicycle », confie à L’OLJ un député opposant qui a requis l’anonymat. À sa sortie de l’hémicycle, le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a souligné que « la priorité devrait être accordée à l’élection d’un nouveau président » et que « le Parlement ne devrait rien faire d’autre ». Un point sur lequel il converge avec plusieurs de ses collègues de la thaoura. Avant la séance, ces derniers avaient publié un communiqué dans lequel ils rappellent qu’avec la fin du mandat, « le Parlement s’est transformé en un collège électoral convoqué de manière permanente, uniquement pour élire un président ». Comme pour calmer les esprits, Nabih Berry a convoqué la Chambre à une nouvelle séance électorale le jeudi 10 novembre à 11 heures. D’ici là, il espère, sans vraiment y croire, qu’une entente sera conclue autour du futur chef de l’État.

Raï appelle de nouveau à une conférence spéciale parrainée par l’ONU

Le patriarche maronite Béchara Raï a déclaré hier, en marge de sa participation à un forum religieux à Bahreïn, que « les responsables peuvent résoudre leurs différends s’ils s’assoient à une même table », remettant sur le tapis son appel à la tenue d’une conférence internationale. « Puisqu’ils (les protagonistes) ne sont pas prêts à se mettre autour d’une même table, j’ai appelé à l’organisation d’une conférence spéciale pour le Liban sous l’égide de l’ONU, afin de résoudre les points litigieux », a-t-il ajouté, sans préciser quand un tel événement pourrait avoir lieu. Évoquant la vacance présidentielle et l’échec des députés à élire un nouveau président, Mgr Raï a lancé : « Le dialogue (autour de cette question) consiste aujourd’hui à se diriger vers le Parlement et à voter et à se concerter afin d’obtenir un résultat. » Ces propos interviennent alors que le président du Parlement Nabih Berry a renoncé à convoquer les protagonistes à une séance de dialogue, une initiative qu’il prônait afin de trouver un consensus autour d’un successeur à Michel Aoun. « Il n’est pas possible de s’entendre sur une figure, l’entente passe par le vote et les concertations », a insisté le patriarche.

« Je devais me récuser. Mais puisque c’était vous qui l’aviez demandé, je ne l’ai pas fait. » C’est en ces termes que le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a répondu au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, à la Chambre. Ce dernier lui rappelait que les deux principaux blocs chrétiens avaient déjà annoncé leur refus d’accorder leur confiance au...

commentaires (6)

Palabres et perte de temps. Je propose de les enfermer tous à l'intérieur du parlement jusqu'à élection d'un président.

Levantine

16 h 02, le 04 novembre 2022

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Commentaires (6)

  • Palabres et perte de temps. Je propose de les enfermer tous à l'intérieur du parlement jusqu'à élection d'un président.

    Levantine

    16 h 02, le 04 novembre 2022

  • POURQUOI A L,OLJ VOUS CENSUREZ LES VERITES ? PAREIL COMMENTAIRE J,AI FAIT TANT DE FOIS LES DERNIERES ANNEES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 07, le 04 novembre 2022

  • Personne pour dire à ces énergumènes qu'ils ont atteint tous les sommets du ridicule et que c'est le moment de redescendre sur terre et à la réalité ? Et que quand on prétend être "chef de...ministre...député", on a des responsabilités et des devoirs envers son pays et le peuple !!! - Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 02, le 04 novembre 2022

  • Aoun et cie ont réussi à donner le plein pouvoir à Berry leur soit disant ennemi de toujours à qui ils ne cessent de faire des cadeaux tout en disant le combattre. Ils nous prennent pour des cons.

    Sissi zayyat

    11 h 47, le 04 novembre 2022

  • Une réalisation de plus du CPL, parti politique le plus fort, empêcher le gouvernement de se réunir pour le bien être des citoyens pour ne pas le considérer exerçant le droit du président. Sachez monsieur Bassil que le mandat de l’ex président Aoun a été synonymes de catastrophes dramatiques pour le pays dont vous portez une grande part de responsabilité avec vos alliés et même vos détracteurs politiques. Rappelez vous les mots du président Macron : j’ai honte pour vos dirigeants. Quelle humiliation, sans parler des sanctions ….

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 34, le 04 novembre 2022

  • Qu’ils sont forts, ils ont réussi à empêcher qu’un gouvernement se réunisse?. Heureusement qu’on les a… oh wai… En quoi c’est une victoire?

    Alexandre Choueiri

    07 h 51, le 04 novembre 2022

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