La Banque du Liban a imposé, dans une nouvelle circulaire (intermédiaire n° 646) publiée hier, que les remboursements anticipés de certaines catégories de prêts se fassent exclusivement dans la monnaie dans laquelle ils ont été souscrits. Donc si un crédit avait été contracté en dollars, l’emprunteur ne pourra ainsi plus le rembourser en livres avant l’échéance.
Selon la circulaire, la mesure concerne « tous les prêts immobiliers », ceux visant à financer des études « dans l’enseignement supérieur » et les « prêts (liés à des projets) environnementaux inférieurs à 30 millions de livres libanaises ». La circulaire indique de plus que le remboursement anticipé pourra se faire sans son accord préalable.
Le texte entérine une pratique qui s’est imposée avec la crise qui a éclaté à l’été 2019, au fil de laquelle la monnaie nationale s’est dépréciée et les banques ont arrêté d’effectuer des conversions automatiques entre livres et dollars pour le compte de leurs clients comme elles le faisaient lorsque la BDL parvenait encore à stabiliser le taux de change sur le marché à 1 507,5 livres pour un dollar.
Les procédures
En théorie, un client qui souhaite rembourser un prêt en dollars avant l’échéance serait désormais obligé de le faire :
– Soit en ponctionnant ses comptes en « dollars bancaires » ou « lollars », termes qui désignent les devises coincées par les restrictions bancaires illégales en vigueur depuis le début de la crise ;
– Soit en achetant des chèques bancaires en « lollars » qui se négocient encore sur le marché informel dédié ;
– Soit, en dernière instance, en déposant en espèces ou en transférant depuis l’étranger le montant correspondant en « dollars frais », terme désignant les « vrais » dollars, échangeables au taux du marché (près de 40 000 livres pour un dollar cette semaine) ou de la plateforme Sayrafa de la BDL (près de 30 000 livres). Cette dernière piste reste envisageable vu que la BDL ne fait pas explicitement de distinction entre dollars bancaires et dollars frais dans sa circulaire. Elle l’avait pourtant établie officiellement dans sa circulaire principale n° 150 du 9 avril 2020.
En revanche, l’emprunteur qui se retrouve dans ces cas de figure ne sera plus redevable des pénalités qui sont habituellement appliquées pour les remboursements anticipés de prêts immobiliers avant que 7 années ne se soient écoulées depuis leur souscription. Pour les prêts immobiliers subventionnés par les mécanismes mis en place avant la crise par la BDL (via ses anciens plans de relance), le remboursement anticipé du prêt conduira à la suspension du financement des subventions par la BDL (donc le solde du prêt ne sera plus subventionné).
La BDL n’a pas exposé les motifs de cette décision, la quatrième intervenant sur plusieurs catégories de transactions depuis l’annonce fin septembre par le ministère des Finances du remplacement progressif du taux officiel de 1 507,5 livres par un nouveau, fixé à 15 000 livres, et qui ne doit en principe pas s’appliquer aux prêts déjà souscrits.
Il pourrait par exemple s’agir d’une mesure visant à encourager le remboursement anticipé des prêts, à l’aube d’une possible restructuration du secteur bancaire qui est préparée par le gouvernement. Les emprunteurs souhaitant solder leurs engagements et étant en capacité financière de le faire pourraient ainsi être amenés à vider leurs comptes en lollars ou à se ruer sur le marché informel des chèques bancaires. Sur le bilan d’une banque, chaque montant en lollars mobilisé pour rembourser un prêt correspond à une baisse de ses engagements en devises et chaque remboursement de prêts améliore son ratio de créances douteuses.
À noter que les « dollars bancaires » ne peuvent plus servir à alimenter les paiements par carte depuis l’été dernier et ne peuvent être retirés qu’à un taux de 8 000 livres pour un dollar. À noter également que sur le marché informel des chèques bancaires, un chèque en lollars peut être échangé contre 15 à 16 % de son montant en dollars frais, selon les taux d’escompte proposés hier.Vendredi dernier, la BDL a publié trois circulaires intermédiaires d’un coup :
• Une première (n° 643), qui officialise la suspension des subventions dont bénéficiaient les importateurs de carburants et confirme le maintien de celles sur le blé, certains médicaments, les matières premières pour l’industrie pharmaceutique et le lait pour les nourrissons – au taux de 1 507,5 livres pour un dollar mais à des ratios différents.
• Une seconde (n° 644) demandant aux banques commerciales d’obtenir une approbation préalable de la banque centrale pour l’ouverture de lettres de crédit pour l’importation des hydrocarbures (essence, diesel et gaz) ou pour le paiement des factures les concernant, en plus de de fournir la facture finale, le document d’expédition et le rapport de déchargement.
• Enfin une troisième (n° 645) modifie la date butoir en fonction de laquelle les banques commerciales étaient supposées placer au moins l’équivalent de 3 % de leurs dépôts en devises auprès de leurs banques correspondantes, selon le mécanisme introduit par la circulaire principale n° 154, publiée fin août 2020.
commentaires (4)
Ils veulent être remboursés,ils n’ont qu’à rembourser les clients avec la même monnaie ! Vautours,requins,et j’en passe.…
Citoyen Lambda
22 h 57, le 13 octobre 2022