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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

MBZ à Saint-Pétersbourg : à quoi joue Abou Dhabi ?

L’agence d’information émiratie a annoncé la visite, mardi, du président émirati en Russie, où il devrait rencontrer Vladimir Poutine.

MBZ à Saint-Pétersbourg : à quoi joue Abou Dhabi ?

Le président russe Vladimir Poutine et le président des Émirats arabes unis, Mohammad ben Zayed al-Nahyane, à Abou Dhabi, le 15 octobre 2019. Alexander Zemlianichenko/AFP

Ils sont les mauvais élèves de l’école américaine. Ceux qui sortent des rangs, la tête haute, sans rougir. Depuis le début du conflit en Ukraine, l’Arabie saoudite et ses alliés du Conseil de coopération du Golfe (CCG), au premier chef desquels Abou Dhabi, entretiennent une ambiguïté assumée vis-à-vis de Moscou.

La fédération émiratie, qui n’a jamais fermement condamné l’invasion russe du 24 février, vient de se rappeler à la mémoire de l’allié américain. À Washington, l’annonce de la visite, mardi à Saint-Pétersbourg, du président émirati, Mohammad ben Zayed al-Nahyane, est perçue comme une nouvelle provocation. L’épisode rappelle qu’au-delà du continent européen, l’hégémonie diplomatique américaine n’est plus ce qu’elle était. Mercredi dernier, à l’occasion d’une réunion des pays exportateurs de pétrole membres de l’OPEP+, dont Moscou est un acteur majeur, Abou Dhabi avait ainsi validé aux côtés de Riyad une réduction de la production quotidienne de pétrole à hauteur de deux millions de barils par jour. Les États-Unis avaient critiqué cette décision qui aiderait la Russie à financer l’effort de guerre, alors que les Américains se plaignent d’une envolée des prix à la pompe à l’approche des élections de mi-mandat. Joe Biden s’était pourtant donné du mal afin de convaincre au contraire ses alliés d’ouvrir les vannes, lors d’une visite controversée en Arabie saoudite en juillet dernier. Peine perdue. Fidèles à leur positionnement depuis le début de la crise sanitaire, Riyad, suivi par Abou Dhabi, ont confirmé que la priorité irait aux objectifs de production conjointement fixés au sein de l’OPEP+, protégeant ainsi l’alliance formée en 2016 avec Moscou.

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Alors que l’invasion russe s’éternise et que le monde occidental s’est mis en ordre de combat afin de soutenir l’effort de guerre ukrainien, Saoudiens et Émiratis cultivent un flou visant à ménager la chèvre et le chou. Abou Dhabi s’était notamment abstenu le 25 février, au côté de l’Inde et de la Chine, de voter en faveur d’une résolution proposée par les États-Unis visant à condamner l’agression russe. Un haut responsable émirati avait alors justifié cette décision en affirmant que « prendre parti ne fera qu’accroître la violence ».

Début mars, les membres du CCG votent cette fois en faveur d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’invasion russe… avant de changer de cap, début avril, en s’abstenant lors d’un vote visant à suspendre la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

« Non aligné »

Depuis, l’attitude pour le moins surprenante de ces alliés historiques de Washington a fait couler beaucoup d’encre. On incrimine le (relatif) désengagement américain dans la région qui conduit les pétromonarchies à se tourner vers d’autres partenaires, notamment sécuritaires, ou bien encore les tensions diplomatiques en lien avec la crise au Yémen ou la gestion des droits de l’homme. Mais, pour Abou Dhabi comme pour Riyad, l’approche répond à plus d’un objectif. Il s’agit notamment de préserver les intérêts économiques avec Moscou, la manne touristique (en 2021, 6 % des visiteurs de l’émirat sont russes), ainsi que les liens financiers qui se sont développés ces derniers mois depuis que de nombreux oligarques ont cherché refuge à Dubaï pour échapper aux sanctions occidentales.Parmi les sujets qui seront abordés entre les dirigeants russes et émiratis : les « questions internationales et régionales d’intérêt commun », rapporte l’agence nationale officielle WAM.

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La rencontre en tête-à-tête avec le président Vladimir Poutine intervient notamment alors que la guerre en Ukraine prend un nouveau tournant après la destruction partielle du pont de Crimée, attribuée par Moscou aux Ukrainiens, et à la réplique russe, hier, à travers le bombardement massif de villes ukrainiennes. Outre la volonté de ne pas brusquer le partenaire russe, la rencontre de mardi reflète les ambitions régionales d’Abou Dhabi qui, à l’instar de Doha, pourrait chercher à s’imposer en puissance médiatrice sur la scène diplomatique. Promu au rang d’allié majeur non membre de l’OTAN par Washington, le Qatar peine néanmoins à s’imposer sur le dossier ukrainien. La fédération émiratie, tout comme la Turquie et l’Arabie saoudite, a quant à elle refusé d’appliquer les sanctions occidentales. En septembre dernier, la Turquie et l’Arabie saoudite avaient ainsi joué un rôle de premier plan dans la négociation d’un échange de prisonniers entre Moscou et Kiev. Le président turc, qui devrait aussi s’entretenir avec son homologue russe d’ici à la fin de la semaine, avait également tenté de positionner son pays en puissance médiatrice du conflit. Abou Dhabi tenterait désormais de se positionner à son tour en intermédiaire « non aligné » entre Russes et Occidentaux. « Tout pays, accepté par les parties impliquées, capable d’agir en coulisses en vue de négociations, est le bienvenu pour désamorcer la situation. Les Émirats arabes unis sont un pays de paix ; espérons que la volonté soit là », a déclaré lundi sur Twitter l’ancien directeur général du département des finances de Dubaï, Nasser al-Sheikh.

Ils sont les mauvais élèves de l’école américaine. Ceux qui sortent des rangs, la tête haute, sans rougir. Depuis le début du conflit en Ukraine, l’Arabie saoudite et ses alliés du Conseil de coopération du Golfe (CCG), au premier chef desquels Abou Dhabi, entretiennent une ambiguïté assumée vis-à-vis de Moscou. La fédération émiratie, qui n’a jamais fermement condamné...

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