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Moyen-Orient - Violences

Scènes de guérilla urbaine entre Palestiniens en Cisjordanie

Les heurts ont commencé quand un leader du Hamas a été arrêté par les forces de l’ordre.

Scènes de guérilla urbaine entre Palestiniens en Cisjordanie

Des heurts ont éclaté entre des manifestants palestiniens et des agents des forces de l’ordre en Cisjordanie, le 20 septembre courant. Mohammad Torokman/Reuters

Des jeunes qui caillassent des blindés de la police locale, des tirs nourris à balles réelles et des rues incendiées. A Naplouse, des affrontements entre Palestiniens témoignent du chaos croissant dans le nord de la Cisjordanie sur fond d’une multiplication des raids israéliens.

Mardi matin, les commerces avaient baissé leur rideau dans la Vieille Ville en proie à des affrontements au parfum de guérilla urbaine.

En cause : l’arrestation de Moussab Shtayeh, jeune leader en vogue des islamistes du Hamas, mouvement rival du Fateh laïc du président Mahmoud Abbas, non par les forces israéliennes, mais palestiniennes.

Sur place, des centaines de jeunes Palestiniens survoltés menacent les rares journalistes, craignant que leurs images ne permettent aux autorités de les appréhender par la suite.

Dans une tour surplombant les combats, mais au creux de cette ville de près de 200 000 habitants toute en collines, les vitres extérieures des studios de la radio al-Hayat et de la télévision publique Palestine TV sont criblées d’impacts de balles.

« Il y a des raisons plus profondes à ces affrontements que Moussab Shtayeh », note un journaliste palestinien sur place qui a requis l’anonymat.

« Ces jeunes ne sont ni Fateh, ni Hamas, ni Jihad islamique, ce sont de jeunes Palestiniens d’une nouvelle génération qui ne tombe sous la coupe de personne et qui enrage à la fois contre Israël et l’Autorité palestinienne », ajoute-t-il.

« Israël et l’Autorité palestinienne, c’est le même logiciel », renchérit dans la rue Mohammad Mhawe, manifestant qui écoute du hip-hop pourfendant les « collaborateurs » de l’AP et rendant hommage au « héros de l’islam » Ibrahim el-Naboulsi.

Le « lion » de Naplouse

Dans la foulée d’une vague d’attaques anti-israéliennes au printemps, fatales à 20 personnes, les forces israéliennes ont multiplié les raids dans le nord de la Cisjordanie, notamment à Jénine, d’où étaient originaires les auteurs de certains attentats, mais aussi à Naplouse. Ces deux villes sont situées dans la zone A de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 par Israël, où la sécurité est normalement la prérogative des forces palestiniennes et non israéliennes.

À Jénine, plus d’une trentaine de personnes ont été tuées et 200 blessées dans environ 500 opérations, contre une vingtaine de morts, 2 000 blessés et 900 raids à Naplouse, selon les données obtenues auprès d’organisations internationales. Au total, 95 Palestiniens ont été tués cette année dans des affrontements en Cisjordanie, plus haut bilan depuis 2016, selon ces données.

En filigrane de ces tensions, Ibrahim el-Naboulsi, un combattant âgé de 18 ans, a fédéré des centaines, voire des milliers de jeunes Palestiniens par sa rhétorique musclée contre les forces israéliennes et son appel à fédérer les « résistants » par-delà les factions.

Sur les réseaux sociaux, notamment TikTok, les comptes de jeunes Palestiniens rendant hommage à Naboulsi, surnommé le « lion de Naplouse » et tué dans un raid israélien début août, ont pullulé ces derniers mois.

Dans le souk, des commerçants vendent effigies, bracelets et pendentifs ornés de la photo de Naboulsi, mâchoire carré, barbe charbonneuse et fusil d’assaut M-16 en main.

« Plus jeune, Ibrahim était un doux. Il aimait le design et la décoration, mais l’injustice tout autour de lui l’a amené de l’autre côté », explique sa mère, Hoda, le visage ceint d’un foulard opalin devant des photos de son fils armé.

« La jeune génération qu’il fédérait n’est pas folle. Ce sont des jeunes qui ont grandi sous l’occupation, qui ne connaissent que les raids et l’injustice, et tout cela les rend profondément en colère », ajoute son père, Alaa, sans vouloir critiquer l’Autorité palestinienne, accusée par de jeunes Palestiniens d’impassibilité, voire d’être de mèche avec les Israéliens. « Cette multiplication des raids israéliens à Jénine et Naplouse affaiblit l’Autorité palestinienne », pense-t-il.

Le jour d’après

Israël dit de son côté multiplier les raids en Cisjordanie pour « empêcher » de nouveaux attentats en Israël, le Premier ministre Yaïr Lapid affirmant qu’il « n’hésiterait pas à agir partout où l’Autorité palestinienne ne maintient pas l’ordre ».

Dans un article évoquant une « intifada 3.0 », en référence aux soulèvements palestiniens de 1987-1993 et 2000-2005, le commentateur militaire israélien Alon Ben David estime que la multiplication des raids israéliens « érode le statut déjà contesté de l’Autorité palestinienne ». « Les responsables israéliens disent depuis des années qu’ils doivent se préparer au “jour après Abou Mazen” (...) Or, ce jour est déjà arrivé », écrit-il dans les pages du quotidien Maariv en référence aux craintes de conflits intrapalestiniens pour la succession de Mahmoud Abbas.

À Naplouse, devant les violences qui opposent jeunes Palestiniens et forces locales, Abou Saada, 67 ans, lui, craint le pire. « Voir les Palestiniens s’affronter me brise le cœur. Ce n’est pas bon du tout pour nous, Palestiniens. »

Guillaume LAVALLÉE/AFP

Des jeunes qui caillassent des blindés de la police locale, des tirs nourris à balles réelles et des rues incendiées. A Naplouse, des affrontements entre Palestiniens témoignent du chaos croissant dans le nord de la Cisjordanie sur fond d’une multiplication des raids israéliens.Mardi matin, les commerces avaient baissé leur rideau dans la Vieille Ville en proie à des affrontements au...

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