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Culture - Exposition

Entrez dans la cité des femmes de Kareen Abdelnour

C’est une peinture jubilatoire, gorgée d’humour et de couleurs, que présente cette artiste au regard malicieux à Rebirth Beirut. Des acryliques sur toile débordantes d’une féminité outrancière, allègrement assumée.

Entrez dans la cité des femmes de Kareen Abdelnour

« Ces dames à la table de jeu », une acrylique sur toile 115 x 80 cm de Kareen Abdelnour. Photo DR

Elles papotent, s’observent, se jaugent, se scrutent partout où elles se trouvent et se retrouvent les femmes de Kareen Abdelnour. Elles se racontent – et vous racontent aussi –, entre commérages, badinage et confidences, de petites histoires de leur quotidien : chez le coiffeur, la manucure, au bar d’un restaurant, à la table de jeu, à la plage, dans les salons de condoléances ou encore dans l’intimité de leur salle de bains…

La silhouette enrobée, le regard dévorant sous le mascara, la bouche en cœur rouge écarlate et les lèvres surdimensionnées, ces créatures à la féminité burlesque nées du pinceau haut en couleur d’une artiste intrinsèquement enjouée soufflent un vent de joyeuse insouciance sur les cimaises immaculées de la salle d’exposition de Rebirth Beirut, à Gemmayzé, où elles sont installées jusqu’au 24 septembre.

À peine franchit-on le seuil de l’ancienne demeure beyrouthine transformée en salle d’exposition que l’on se trouve happé par la débordante vitalité de cette peinture qui raconte sur le mode cocasse et malicieux des tranches de vie de la bourgeoise type. Cette femme généralement d’âge moyen toujours apprêtée, même pour aller faire son marché, dont l’artiste semble avoir fait son personnage fétiche dans cette série baptisée « Femmes je vous aime ».

Un être social avant tout, que Kareen Abdelnour croque à gros traits dans cette série qui ressemble à une caricature picturale des 24 heures de la vie d’une femme – allez, avouons-le ! – libanaise.

En 45 acryliques sur toile défilent ainsi, sous les yeux des visiteurs, les frivoles occupations de ces dames de la société, comme aussi celles de ces pulpeuses pin-up orientalo-occidentalisées – leurs filles ? – qui évoluent elles aussi dans un univers assez codifié, où le paraître ne laisse nul répit à l’être, même dans l’intimité la plus solitaire…

« Les Bonnes et les Patrons », diptyque à l’acrylique sur toile (45 x 45 cm chacune) de Kareen Abdelnour. Photo Michel Sayegh

Du masque aux concombres aux condoléances…

D’un pinceau au tracé épais et noir encerclant des aplats de couleurs vives et chatoyantes, l’artiste au regard piquant transcrit sur toile les moments-phares du quotidien de ces dames : depuis le mousseux bain du matin (et masque facial aux tranches de concombres) jusqu’aux sorties entre copines, en passant par la séance chez la voyante ou encore les inévitables visites de condoléances, ces derniers salons ou l’on cause…

Cela donne une peinture désopilante et vaudevillesque même. À l’instar de cette toile montrant un coquin, de dos, assis entre deux belles plantureuses à la plage, la main subrepticement glissée dans le maillot de l’une d’elles ; ou cette autre immortalisant une rangée de dadames « brushinguées » et « emperlousées » potinant à mort (c’est le cas de le dire !) sur la jeune veuve au cours des condoléances de son vieux mari ; ou encore cette représentation de dos d’une cycliste à l’arrière-train si dilaté qu’il en cache le reste de sa silhouette…

Scène de condoléances par Kareen Abdelnour. Photo DR

Mais une peinture qui évoque aussi, en filigrane, cet esprit de sororité de la gent féminine qui anime incontestablement l’artiste elle-même. Car, sous la tendre dérision, c’est une ode à la féminité triomphante qu’exprime Kareen Abdelnour dans cette série de tableaux où l’élément masculin devient un simple accessoire, comme le suggère cet homme trophée enlaçant sa fougueuse amoureuse, ou cet homme à tout faire qui suit docilement sa maîtresse (bien-aimée ou patronne ?), les bras chargés de luxueux paquets…

Bref, impossible de ne pas sourire devant ces saynètes hautes en couleur qui vous entraînent dans un univers d’une bienfaisante légèreté. Et vous transportent quasiment dans une sorte de joyeuse cité de femmes. Fortes et décomplexées, dans tous les sens du terme.

Ce coquin qui glisse une main... Photo DR

Solidarité féminine et beyrouthine

Née à Alexandrie dans une famille cosmopolite et très portée sur l’art, c’est en France, à Paris, où elle réside depuis trente ans, que Kareen Abdelnour s’initie à la peinture dans l’atelier de Chantale Zeller. Après trois ans de formation, elle se lance en peignant d’abord des œuvres d’inspirations diverses avant de trouver, il y a une quinzaine d’années, son style personnel. Un style qui conjugue couleurs affirmées et touches d’humour autour de portraits de femmes qui restent son thème de prédilection et l’axe central de son travail plastique. Elle avait notamment consacré une précédente série aux femmes puissantes, de Frida Kahlo à Indira Ghandi, en passant par Oum Kalsoum ou Coco Chanel.

« La Manucure », acrylique sur toile, 115 x 80 cm, de Kareen Abdelnour. Photo DR

Alors féministe, Kareen Abdenour ?

Il semblerait que oui, mais à sa manière, toujours rieuse et sans pesanteur.

Reste à signaler qu’en plus de la communicative allégresse que dégage cette première série de peintures que l’artiste libano-française expose à Beyrouth, 20 à 30 % du produit de ses ventes seront reversés à l’ONG Rebirth Beirut qui contribue à la remise en état de l’éclairage et des feux de signalisation des quartiers dévastés de la capitale.

(*) « Femmes je vous aime » de Kareen Abdelnour à Rebirth Beirut, rue Gouraud, jusqu’au 24 septembre, de 15h à 19h.

Elles papotent, s’observent, se jaugent, se scrutent partout où elles se trouvent et se retrouvent les femmes de Kareen Abdelnour. Elles se racontent – et vous racontent aussi –, entre commérages, badinage et confidences, de petites histoires de leur quotidien : chez le coiffeur, la manucure, au bar d’un restaurant, à la table de jeu, à la plage, dans les salons de condoléances...

commentaires (2)

J’ai adoré. On en sort le sourire aux lèvres. A voir et à revoir.

Anid Thierry

10 h 00, le 19 septembre 2022

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Commentaires (2)

  • J’ai adoré. On en sort le sourire aux lèvres. A voir et à revoir.

    Anid Thierry

    10 h 00, le 19 septembre 2022

  • sympa !

    Marie Claude

    09 h 31, le 18 septembre 2022

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