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Nos Lecteurs ont la Parole

Le Conseil constitutionnel n’est pas un second collège électoral

Je ne révèle pas de secret en rapportant le souci majeur, la hantise et même l’appréhension du Conseil constitutionnel libanais durant les années 2009-2019, dans son examen des 19 recours en invalidation à propos des élections législatives de 2009 et des 18 recours en invalidation électorale à propos des élections de 2018.

Des voix s’élevaient cependant, hors du Conseil constitutionnel, à propos d’infractions flagrantes relatives aux élections de 2018, au point que les membres du Conseil s’étaient acharnés à réclamer nombre d’urnes, à vérifier des procès-verbaux, à compter des voix, ce qui n’est pas de la fonction habituelle d’un Conseil constitutionnel dans un État de droit.

L’appréhension du Conseil constitutionnel des années 2009-2019, sous la présidence éclairée et vigilante de Issam Sleiman et le soutien et l’adhésion unanime de tous, s’explique par l’obligation suprême de respect de la volonté populaire.

Le Conseil constitutionnel n’est pas un second collège électoral ! Il contrôle, vérifie, inspecte, écoute des témoins avec la plus large autorité… à propos de toutes les réalités quant à l’expression de la volonté populaire, à travers les résultats chiffrés, mais il n’est pas, lui, la volonté populaire.

Je le rapporte en partie dans mon ouvrage : Méditation sur la justice (Mon expérience au Conseil constitutionnel, Beyrouth, 2022, 100 p.). Le président Issam Sleiman rapporte dans ses Mémoires (Sader, 2022, sous presse) qu’en France, le pourcentage des invalidations électorales en un demi-siècle ne dépasse pas 4-5 %. Il en est de même au niveau comparatif international.

Qu’un Conseil constitutionnel se comporte en tant que second collège électoral, et même en tant que collège électoral suprême (!), on en a un exemple flagrant dans la décision du Conseil constitutionnel n° 5 du 4/11/2002 relative au recours Mirna Murr/Gabriel Murr concernant le siège grec-orthodoxe aux élections partielles au Metn. La décision, aussi volumineuse que contestable dans toutes les annales de la justice constitutionnelle dans le monde, proclame (sic) l’élection d’un candidat avec 1 773 voix, alors que Mirna Murr a obtenu 34 760 voix et Gabriel Murr 34 745 voix ! (Recueil des décisions du Conseil constitutionnel, 1994-2014, vol. 2, pp. 305-349). Les dessous de cette décision ne doivent pas demeurer secrets. Il a fallu un effort colossal et fort méritoire des Conseils constitutionnels ultérieurs au Liban pour rétablir la boussole et les repères valoriels.

Est-ce à dire qu’il ne doit pas y avoir dans l’absolu d’invalidation électorale ? Les appréhensions sont fort justifiées (cf. l’article de Claude Assaf, L’Orient-Le Jour, 24/8/2022). L’invalidation est possible, mais garante du collège électoral populaire et non celui d’aucune autre instance, même celle d’un Conseil constitutionnel.

Antoine MESSARRA

Ancien membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Je ne révèle pas de secret en rapportant le souci majeur, la hantise et même l’appréhension du Conseil constitutionnel libanais durant les années 2009-2019, dans son examen des 19 recours en invalidation à propos des élections législatives de 2009 et des 18 recours en invalidation électorale à propos des élections de 2018.Des voix s’élevaient cependant, hors du Conseil...

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