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Politique - Décryptage

Le spectre de la vacance présidentielle derrière la relance du dossier gouvernemental

Le spectre de la vacance présidentielle derrière la relance du dossier gouvernemental

Le président Michel Aoun recevant le Premier ministre désigné Nagib Mikati, mercredi, à Baabda. Photo Dalati et Nohra

Alors que depuis le 29 juin (date de sa dernière rencontre avec le chef de l’État consacrée au dossier gouvernemental) le Premier ministre désigné Nagib Mikati affirmait attendre un signe de Baabda pour s’y rendre de nouveau, il a pris mercredi matin le chemin du palais présidentiel de sa propre initiative. Au cours d’un entretien rapide avec Michel Aoun, il a soudain relancé le sujet de la formation du gouvernement, alors que plus personne n’y croyait. Que s’est-il passé pour qu’à moins de 12 jours du début du délai constitutionnel pour l’élection d’un nouveau président (le 31 août), le Premier ministre décide soudain de remettre le dossier sur la table, surtout qu’au cours de la période précédente, la tension n’avait cessé de monter entre Baabda et le Sérail et qu’il avait même fallu une médiation du président de la Chambre pour que Aoun et Mikati se réunissent le 1er août après la cérémonie pour la fête de l’Armée ?

Sur le plan des faits, l’entretien entre les deux hommes était cordial, apprend-on de sources concordantes. Le président du Conseil aurait exprimé sa volonté de former un gouvernement le plus vite possible, qui ressemblerait beaucoup à l’actuel avec toutefois quelques changements considérés comme mineurs. Ceux-ci porteraient notamment sur les portefeuilles des Déplacés et de l’Économie et peut-être aussi sur celui des Finances, sans toutefois changer l’appartenance confessionnelle des ministres, afin d’éviter les négociations interminables au sujet des équilibres confessionnels au sein du gouvernement. Nagib Mikati proposerait ainsi de changer le ministre des Déplacés Issam Charafeddine, en précisant que c’était le chef du Parti démocratique libanais Talal Arslane qui l’avait choisi et que ce dernier n’est plus représenté au sein du Parlement, ainsi que le ministre de l’Économie Amine Salam, qui avait été désigné dans le cadre d’un compromis conclu avec le chef de l’État. Même chose pour le ministre des Finances Youssef Khalil, qui serait remplacé par une personnalité chiite de la même tendance politique, à savoir le tandem Amal-Hezbollah.

Le chef de l’État aurait accueilli favorablement la proposition, tout en promettant de l’étudier et de donner sa réponse le plus vite possible.

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Car le temps presse, surtout que le spectre d’une vacance présidentielle commence à se profiler. Lorsqu’il avait été désigné pour former le gouvernement le 23 juin dernier, Nagib Mikati avait rapidement remis une première proposition au chef de l’État (six jours plus tard), en sachant toutefois qu’elle ne serait pas acceptée car elle comportait un changement qui touchait essentiellement la part de Michel Aoun et de son camp (notamment le ministère de l’Énergie). Depuis, il n’avait plus pris la moindre initiative à ce sujet, laissant le ton monter entre lui et le camp présidentiel. Les milieux politiques étaient cependant convaincus que cette tension était destinée à cacher le peu d’enthousiasme à former un gouvernement qui devra démissionner de facto le 31 octobre avec l’expiration du mandat présidentiel. Or, aujourd’hui, la tendance générale semble avoir changé. Selon des sources politiques concordantes, l’option d’une vacance présidentielle est de plus en plus évoquée et ce serait justement pour cette raison que le Liban devrait être doté d’un gouvernement de plein pouvoir. Certes, certains experts juridiques avaient bien essayé de faire valoir qu’en cas de vacance présidentielle, un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes peut prendre les prérogatives du président, mais cette théorie ne fait pas l’unanimité et donnera lieu à une nouvelle polémique qui pourrait paralyser l’exécutif, alors que le Liban a plus que jamais besoin d’un pouvoir capable de prendre des décisions.

Intervention française ?

De plus, des sources diplomatiques affirment que la France serait aussi intervenue et aurait joué un rôle déterminant pour pousser vers la formation d’un nouveau gouvernement, en conseillant à Nagib Mikati d’agir au plus vite car le Liban ne supporterait pas de rester sans gouvernement en pleine fonction dans une période aussi délicate et en pleine crise économique et sociale.

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À ces éléments, il faudrait encore ajouter la position du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui, dans son dernier discours à l’occasion de la commémoration de Achoura, avait appelé à la formation d’un nouveau gouvernement capable de prendre des décisions en cette période cruciale. Des propos qui sonnaient comme une préparation du terrain à une vacance à la magistrature suprême.

Pour toutes ces raisons, Nagib Mikati, qui ne veut assumer ni devant la communauté internationale ni devant les Libanais la responsabilité de la non-formation d’un nouveau cabinet, a remis ce dossier à l’ordre du jour. Comme il n’a pas le temps de mener de longues négociations avec les différentes parties et avec le chef de l’État, il a réduit les changements au minimum. Si ses propositions sont acceptées ou, du moins, s’il arrive à conclure un accord avec Michel Aoun, le Liban sera doté d’un nouveau gouvernement qui resterait en fonction au-delà du 31 octobre en cas de vacance présidentielle. Si le président de la République refuse et si les deux hommes ne parviennent pas à un accord, Nagib Mikati pourra alors faire assumer la responsabilité du blocage au chef de l’État.

Est-ce à dire que le scénario d’une vacance présidentielle est confirmé ? Selon des sources politiques et diplomatiques concordantes, rien n’est encore sûr. Mais avec le Parlement actuel, qui n’est qu’un conglomérat de minorités, il semble difficile de parvenir à un accord interne sur l’élection d’un président, car jusqu’à présent aucun camp n’est en mesure d’assurer seul le quorum requis (deux tiers des députés) pour la séance électorale. Il faudra donc miser sur un rôle des acteurs extérieurs, mais rien n’indique à l’heure actuelle qu’une entente internationale et régionale sur le dossier libanais soit imminente.

Alors que depuis le 29 juin (date de sa dernière rencontre avec le chef de l’État consacrée au dossier gouvernemental) le Premier ministre désigné Nagib Mikati affirmait attendre un signe de Baabda pour s’y rendre de nouveau, il a pris mercredi matin le chemin du palais présidentiel de sa propre initiative. Au cours d’un entretien rapide avec Michel Aoun, il a soudain relancé le...

commentaires (3)

L'obstacle central à la formation du gouvernement est Gebran Bassil. Or les Ministères de l'Energie et des Affaires Etrangères ne sont la propriété de personne. Ceux qui ont dirigé ces ministères ont lamentablement échoué. 50 ans de pénuries électriques, et en sus le contrat controversé sur les bateaux-centrales turcs qui n'a pas réglé le problème. Le pays de la Lumière et du Rayonnement ne peut s'éclairer sans les aides des pays étrangers !

Un Libanais

20 h 10, le 19 août 2022

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Commentaires (3)

  • L'obstacle central à la formation du gouvernement est Gebran Bassil. Or les Ministères de l'Energie et des Affaires Etrangères ne sont la propriété de personne. Ceux qui ont dirigé ces ministères ont lamentablement échoué. 50 ans de pénuries électriques, et en sus le contrat controversé sur les bateaux-centrales turcs qui n'a pas réglé le problème. Le pays de la Lumière et du Rayonnement ne peut s'éclairer sans les aides des pays étrangers !

    Un Libanais

    20 h 10, le 19 août 2022

  • BONNE ANALYSE DE MADAME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 03, le 19 août 2022

  • Le seul ministre qu’il faille changer est celui de l’énergie. Il faut absolument enlever à bassil ce ministère pour espérer ne fut-ce qu’un début de solution.

    AFL

    09 h 08, le 19 août 2022

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