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Moyen-Orient - Eclairage

L’ombre de l’Iran derrière l’attaque contre Salman Rushdie

Le régime islamique n’a jamais retiré la fatwa appelant à tuer l’écrivain. 

L’ombre de l’Iran derrière l’attaque contre Salman Rushdie

La presse iranienne, le 13 août 2022 au lendemain de l'attaque contre Salman Rushdie. Photo Atta Kenare / AFP

Tous les regards sont braqués vers… l’Iran. Au lendemain de la tentative d’assassinat de l’écrivain Salman Rushdie à New York, aucun responsable iranien n’a encore officiellement réagi. L’ombre de la République islamique y est pourtant omniprésente.

L’écrivain britannique, d’origine indienne, vivait avec une cible dans le dos depuis 1989, année où l’ayatollah Khomeiny avait édicté une fatwa, un décret religieux, à son encontre.

Le 14 février 1989, le guide suprême Ruhollah Khomeiny lance une fatwa appelant tous les musulmans à tuer l'écrivain et ses éditeurs en raison du caractère jugé blasphématoire de son roman Les Versets Sataniques. Suite à l'émission du décret, les tensions et tentatives d'assassinat se multiplient, forçant l'auteur à vivre dans la clandestinité et sous protection policière, en utilisant le nom d'emprunt Joseph Anton. Né musulman, Salman Rushdie se revendiquait athée, une preuve d'apostat selon la stricte compréhension de l'Islam prônée par la République islamique qui cherche à asseoir son pouvoir et sa légitimité, dix ans après la révolution qui a renversé le Chah d'Iran. C'est notamment en réaction à la campagne menée par l'ambassade saoudienne en Grande-Bretagne contre le roman que le guide suprême prend les devants, pour s'accaparer la légitimité et la représentativité des musulmans en lieu et place du royaume wahhabite. « Dans le passé, la République islamique a considéré la fatwa contre Salman Rushdie comme un instrument des plus opportuns pour revendiquer le leadership du soi-disant monde islamique, notamment en raison de son attrait parmi les musulmans en dehors d’Iran », souligne Ali Fathollah-Nejad, chercheur associé à l’Issam Fares Institute de l’Université américaine de Beyrouth.

Surfant sur la vague de mécontentements exprimés lors de la sortie prévue du livre en Inde, la fatwa est la première à cibler ainsi un auteur.

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En 1997, la fondation révolutionnaire iranienne 15 Khordad offre une prime de 2,5 millions de dollars à quiconque exécutera la fatwa. Mais un an plus tard, le gouvernement iranien du réformiste Mohammad Khatami assure à la Grande-Bretagne que l'Iran ne mettra pas en œuvre le décret religieux, affirmant que cette affaire est « complètement terminée ». Ce qui n'est cependant pas du goût de tous au sein de la République islamique. Des figures religieuses et des députés incitent les musulmans à respecter malgré tout la fatwa. Un groupe d'étudiants extrémistes propose même une récompense de plus de 300.000 dollars pour la tête de Salman Rushdie. Si l'affaire semble s'être tassée, l'auteur faisant quelques apparitions publiques encadrées, le décret n'est pas annulé et la fondation religieuse de la Révolution iranienne offre, en 2012, d'augmenter la prime du décret de Khomeiny pour la porter à 3,3 millions de dollars, ce à quoi renchérissent des organes de presse étatiques en 2016, ajoutant 600.000 dollars à la récompense. Dans la même lignée, l'actuel guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, écrit sur Twitter, en 2019, que la fatwa de son prédécesseur est toujours « solide et irrévocable ».

Commandité ?

Si les motifs de l'attaque subie par Salman Rushdie ne sont pas encore clairs, le suspect arrêté semble avoir agi en réaction à la fatwa contre l'auteur. Agé de 24 ans, venant du New Jersey et d'origine libanaise, Hadi Matar aurait eu en sa possession un faux permis de conduire au nom de Hassan Moughniyeh, en référence à Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, et Imad Moughniyeh, numéro deux du parti, tué en 2008 dans une opération conjointe des renseignements américains et israéliens en Syrie. Il aurait envoyé sur ses réseaux sociaux des images à la gloire de Kassem Soleimani, le général iranien, ancien commandant en chef de l’unité d’élite al-Qods au sein des gardiens de la révolution iranienne, assassiné lors d'une opération américaine à Bagdad en janvier 2020. Les autorités américaines n'ont pas encore fait de déclaration officielle sur le suspect au moment de la publication.

Portrait

Salman Rushdie, symbole malgré lui de la liberté d'expression

Si Hadi Matar semble être idéologiquement proche de la République islamique, rien ne permet de penser pour le moment que son acte ait pu être commandité. « Étant donné l’attrait international de la forme extrémiste de l’islamisme iranien, nous ne pouvons pas dire à ce stade si l’homme a agi selon ses convictions, inspiré par elle, ou s’il a exécuté un ordre venu d’Iran », indique Ali Fathollah-Nejad.

Téhéran se trouve tout de même dans une situation inconfortable. Il ne peut pas ouvertement dénoncer l’attaque, ce qui reviendrait à remettre en question la parole de son autorité suprême en matière religieuse. Il peut néanmoins difficilement s'en féliciter de manière officielle, puisque cela assombrirait encore l’image du régime qui a cherché, ces dernières années, à mettre en exergue ce qui le différencie des groupes jihadistes sunnites qui revendiquent des attentats aux quatre coins de la planète. Défendre l’auteur de l’attaque pourrait par ailleurs compliquer la conclusion des négociations sur l'accord nucléaire qui semblent finalement être en bonne voie après des mois de blocage et de surenchère.

Mais si Téhéran peut être prêt à des concessions tactiques, il ne montre aucune intention de remettre en question ses fondements idéologiques, dont un anti-américanisme viscéral.

Mohammad Marandi, conseiller de l'équipe de négociateurs sur le dossier nucléaire, a par exemple réagi samedi sur twitter de façon virulente. « Je ne verserai pas de larmes pour un écrivain qui dénonce avec une haine et un mépris infinis les musulmans et l'Islam », a-t-il écrit dans un tweet . « Rushdie est un pion d'empire qui se pose en romancier postcolonial », a-t-il ajouté. Certains médias proches du régime ont, pour leur part, félicité l'auteur de l'attaque. Le journal Kayhan, dont le rédacteur en chef est nommé par le guide suprême, a ainsi écrit que « la main de l'homme qui a brisé le cou de l'ennemi de Dieu doit être baisée », lui lançant des « milliers de bravos ». Le quotidien Khorasan a quant à lui titré « Satan en route pour l'enfer », en référence au pronostic médical encore incertain de Salman Rushdie, hospitalisé sous respirateur artificiel après avoir été opéré.

« Si l'on ajoute à cela une autre tentative de meurtre sur le sol américain, également à New York, celle contre la militante des droits des femmes née en Iran, Masih Alinejad, une réaction sérieuse de l'Occident sera nécessaire pour faire comprendre à Téhéran que la poursuite de cette campagne de plus en plus large de ciblage des dissidents dans le monde entier aura de lourdes conséquences », conclut Ali Fathollah-Nejad.

Tous les regards sont braqués vers… l’Iran. Au lendemain de la tentative d’assassinat de l’écrivain Salman Rushdie à New York, aucun responsable iranien n’a encore officiellement réagi. L’ombre de la République islamique y est pourtant omniprésente.L’écrivain britannique, d’origine indienne, vivait avec une cible dans le dos depuis 1989, année où l’ayatollah...

commentaires (5)

Une religion qui prône les assassinats et les tueries simplement parce que l’autre n’est pas du même avis est une aberration et non un exemple à prêcher ou à suivre. Aucun de ces dignitaires n’a trouvé utile de de autre avec cet intellectuel pour comprendre son inversion et ses idées. Ils préfèrent réduire au silence comme en politique d’ailleurs toute personne qui ne pense pas comme eux d’où leur qualification d’obscurantistes invétérés. Leur doctrine est ; fais ce que je dis et non ce que je fais. N’est ce pas eux , ces grands dignitaires sensés prêcher l’amour de tous qui ont détourné une grande partie des musulmans de leur religion en prêchant le rejet et la haine de l’autre et en légitimant les crimes au nom de leur dieu. Pourquoi s’étonner du résultat?

Sissi zayyat

12 h 02, le 14 août 2022

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Commentaires (5)

  • Une religion qui prône les assassinats et les tueries simplement parce que l’autre n’est pas du même avis est une aberration et non un exemple à prêcher ou à suivre. Aucun de ces dignitaires n’a trouvé utile de de autre avec cet intellectuel pour comprendre son inversion et ses idées. Ils préfèrent réduire au silence comme en politique d’ailleurs toute personne qui ne pense pas comme eux d’où leur qualification d’obscurantistes invétérés. Leur doctrine est ; fais ce que je dis et non ce que je fais. N’est ce pas eux , ces grands dignitaires sensés prêcher l’amour de tous qui ont détourné une grande partie des musulmans de leur religion en prêchant le rejet et la haine de l’autre et en légitimant les crimes au nom de leur dieu. Pourquoi s’étonner du résultat?

    Sissi zayyat

    12 h 02, le 14 août 2022

  • Le régime iranien ne veut pas revendiquer officiellement le crime pour se différencier des takfiristes sunnites. Mais ses journaux vantent le criminel et ainsi encouragent d’autres actes semblables. Donc le takfirisme chiite du régime iranien et de toute l’entité néo-safavide est non seulement identique au takfirisme sunnite dans sa promotion du crime suivant la logique que la fin justifie les moyens, mais en plus du takfirisme sunnite il couvre son fanatisme religieux d’hypocrisie comme le faisaient les pharisiens, ce qui le rend encore plus dangereux. Les néo-safavides se posent officiellement en défenseurs de l’islam et en même temps officieusement se vendent à Poutine et Jinping qui ne sont pas de grands amis de l’islam pour peu dire.. Les pharisiens eux se prétendaient officiellement défenseurs zélés de la religion de Moïse, et officieusement se vendaient aux païens romains. De même que pharisiens et païens se sont alliés pour crucifier Notre-Seigneur Jésus-Christ, de même aujourd’hui les néo-pharisiens néo-safavides s’allient aux néo-païens pour faire vivre le calvaire aux peuples sous leur emprise de Beyrouth à Téhéran en passant par Damas Baghdad et Sanaa. Les pharisiens voyaient Notre-Seigneur Jésus-Christ comme une menace vitale pour la survie de leur secte justifiant ainsi de telles alliances. De même aujourd’hui tout honnête homme attaché à la liberté de sa patrie est une menace vitale pour la secte néo-safavide justifiant tout type d’alliance.

    Citoyen libanais

    09 h 08, le 14 août 2022

  • Non mais plutôt en réponse à la découverte du complot contre Bolton haha lol

    Bery tus

    06 h 26, le 14 août 2022

  • ET BIEN VOILA ON Y EST ! Musulman chiite, fan DE KHOMEINY… Donc IDIOT UTILE dont le crime permettra DE JETER LE BLÂME SUR L'IRAN ET DE CHERCHER DES DISPUTES . COUSU ! NON ?

    aliosha

    21 h 21, le 13 août 2022

  • Les États Unis et La France se font aveugles, ils ne critiquent même pas ce qui offrent 3.5 million de dollars plus 600,000 $ bonus pour la tête d'un écrivain abattu férocement en publique. Jugé heretic par le pays qui offre publiquement la récompense, est ce que l'accord nucléaire surpasse le respect de la loi civil judiciaire? Et ce pays qui ce proclame protecteur des paroles de Dieux cherche à signé un accord avec les pays qui soit disant encadre les heretics. Quelle masquerade!

    Sarkis Dina

    18 h 33, le 13 août 2022

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