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Sport - Cyclisme / Éclairage

Un concentré d’Oranje féminin

Pour le Tour de France Femmes, le public au rendez-vous mais un format à affiner.

Un concentré d’Oranje féminin

Le maillot jaune du Tour de France Femmes n’a connu que des épaules néerlandaises, de Lorena Wiebes à Annemiek van Vleuten (lauréate au final), en passant par Marianne Vos. Et tous les maillots distinctifs ont fini dans la musette des Pays-Bas, avec, de gauche à droite : Marianne Vos (vert), Annemiek van Vleuten (jaune), Shirin van Anrooij (blanc) et Demi Vollering (à pois). Jeff Pachoud/AFP

Une mainmise totale : avec une Néerlandaise, Annemiek van Vleuten, devant une autre, Demi Vollering, le podium final du Tour de France Femmes a illustré la domination des Pays-Bas sur la course et plus généralement sur le cyclisme féminin.

Le maillot jaune n’a connu que des épaules Oranje… Ainsi, la sprinteuse Lorena Wiebes l’a cédé à Marianne Vos, qui l’a cédé à Annemiek van Vleuten. Même destin pour le maillot vert ou celui à pois. Seul le blanc a échappé, un temps, à une Néerlandaise, mais Shirin van Anrooij ne l’a plus lâché depuis qu’elle a fait main basse dessus au Markstein. Tous les maillots distinctifs ont donc fini dans la musette des Pays-Bas, qui se sont adjugé six des huit étapes. Ils étaient d’ailleurs la nation la plus représentée au départ (28 coureuses cyclistes). Une suprématie s’expliquant par l’immense culture vélo où la part modale de la bicyclette dans les déplacements était déjà de 27 % en 2002, selon des chiffres de la Commission européenne.

À vélo par -18 °C

« Quand nous sommes jeunes, nous allons à l’école à vélo », confirme la double championne du monde Anna van der Breggen (2018 et 2020), devenue directrice sportive de l’équipe SD Worx. « C’est le début. Pour devenir coureur, il faut déjà aimer faire du vélo », ajoute-t-elle.

« Je suis allée pendant six ans à l’école à vélo et il n’y avait pas un jour où mes parents m’ont dit qu’ils me déposeraient », raconte la lauréate du Tour Annemiek van Vleuten. « Je me souviens d’un jour où il faisait -18 degrés. J’y suis quand même allée en roulant avec beaucoup de couches de vêtements sur les mains et la tête. Je pense que, de façon générale, les filles néerlandaises sont éduquées pour être coriaces et ne pas se plaindre de la pluie, de la glace ou du froid », rajoute la championne du monde 2019.

Avant la génération dorée des Anna van der Breggen, Annemiek van Vleuten et Marianne Vos – triple championne du monde (2006, 2012 et 2013) –, Keetie Hage – deux fois titrée aux Mondiaux (1968 et 1976) – puis Leontien Zijlaard van Moorsel – championne du monde (1991, 1993) et olympique (2000) – avaient montré la voie. Le fil se perpétue avec des talents comme Demi Vollering (2e du Tour), qui n’a que 25 ans, ou Lorena Wiebes, âgée de 23 ans, qui est imbattable au sprint. Comme si cela ne suffisait pas, un nouveau nom est sorti de la pépinière néerlandaise avec Shirin van Anrooij, maillot blanc de meilleure jeune après sa 14e place au général à seulement 20 ans. Un foisonnement de talents qui doit au nombre de licenciées à la fédération : celle-ci, la KNWU, dénombrait environ 16 % de femmes parmi ses membres, selon des chiffres de 2019.

« Il y a vraiment beaucoup de filles qui font des courses, décrit Shirin van Anrooij. Pour donner une idée, à 7 ou 8 ans, il y a des qualifications pour sélectionner environ une centaine de coureuses pour la course du championnat des Pays-Bas. » Stakhanoviste qui multiplie les stages d’altitude, Annemiek van Vleuten pointe aussi la mentalité néerlandaise comme facteur : « C’est peut-être dans notre nature d’être des entrepreneurs aux Pays-Bas. Nous sommes proactifs, estime la championne olympique du contre-la-montre. Les Néerlandaises ont été les premières à faire des stages en altitude. Dans d’autres pays, les coureuses attendent qu’on les organise pour elle. Nous, nous sommes à l’initiative. Je ne parle pas seulement de moi, mais aussi d’Ellen van Dijk ou Lucinda Brand. »

Cercle vertueux

La génération dorée a aussi entraîné un cercle vertueux permettant à des équipes de se monter et d’évoluer : elles sont quatre formations néerlandaises parmi les quatorze WorldTeams. « Si vous êtes un sponsor, vous choisissez les sports les plus suivis, résume Anna van der Breggen. Dans d’autres pays, le cyclisme féminin est moins connu, alors ils choisissent d’autres sports. »

Quant au premier Tour de France cycliste version féminine organisé depuis 33 ans, il a proposé des innovations séduisantes comme les consignes des équipes façon F1, connaissant un franc succès d’audience télévisée et sur le bord des routes, mais le format de la course reste à affiner selon certains acteurs.

À l’exception du lundi (jour de la 2e étape), l’audience a dépassé les deux millions de téléspectateurs de moyenne sur France Télévisions les autres jours de la semaine de course, selon les chiffres communiqués par le groupe. Soit la moitié de celle de la Grande Boucle masculine, qui a réuni quatre millions de téléspectateurs en moyenne. Un score comblant la directrice du Tour de France Femmes : « Savoir comment ça allait marcher en matière d’audience, c’était un peu une interrogation et les gens ont répondu plus que présent. Moi-même, je suis impressionnée », avait livré Marion Rousse au départ de l’ultime étape dimanche dernier. Avec même plus de 30 % de part d’audience et 2,7 millions de personnes devant leur écran samedi pour l’avant-dernière étape, décisive, ayant permis à Annemiek van Vleuten de revêtir le maillot jaune.

Le public présent au bord des routes est plus difficile à compter. Ce sont les coureuses qui en parlent le mieux : « Samedi, j’entendais pas mal de fois mon nom. En haut du Grand Ballon, j’avais des frissons parfois », témoigne la championne de France 2021 Evita Muzic. « Toutes les filles le diront, c’est la course où il y a eu le plus de public au bord des routes », assure-t-elle. « Il y a tellement de gens venus nous voir, on sent dans chaque village que ce Tour est bien en vie. Ce n’est pas une course de second plan à côté du Tour masculin. C’est un super début », confirme Annemiek van Vleuten. « Nous ne savions pas à quoi nous attendre. C’est au-delà de ce que j’imaginais », a confirmé l’autre grande femme de ce Tour de France, Marianne Vos.

En outre, ce Tour de France Femmes inaugurait la diffusion des consignes des équipes comme elles existent en F1. Ces interventions des directeurs sportifs étaient données en léger différé et après modération pour ne pas trahir des secrets tactiques. Des encouragements aux conseils de placement avant une section à risques, ces moments ajoutent au sentiment d’immersion. « Les hommes ont dit non, alors nous avons dit oui », explique le patron de la formation FDJ-Suez, Stephen Delcourt, qui a poussé pour l’adoption de cette nouveauté. « Tout ce qui peut faire grandir notre sport, nous le faisons », ajoute-t-il.

« Je regrette toujours qu’il n’y ait pas de contre-la-montre », a glissé pour sa part la Suissesse Marlen Reusser, spécialiste de l’effort solitaire, après sa victoire dans la 4e étape à Bar-sur-Aube. « Un chrono, ça fait aussi moins d’audience, a rappelé Marion Rousse. Cette année, c’était hyper important d’être attractif. Mais nous ne nous interdisons pas d’en mettre dans les prochaines années. » Comme d’ajouter de la haute montagne, cette première édition s’étant limitée au massif vosgien. « Évidemment que nous pouvons aller dans les Pyrénées ou les Alpes », a-t-elle assuré dimanche dernier, à moins de trois mois du dévoilement du parcours 2023. « J’adorerais grimper l’Alpe-d’Huez l’an prochain, mais pas si cela rend la course moins attrayante pour le public », a relativisé Annemiek van Vleuten après avoir écrasé le premier rendez-vous en montagne samedi dernier. « L’important, c’est qu’il y ait du spectacle et de belles luttes », a-t-elle poursuivi.

Plateau inégal

Cependant, Stephen Delcourt regrette que « les écarts de niveau provoquent beaucoup d’incidents », lui qui militait pour moins d’équipes au départ (au nombre de 24 formations). Sa coleader Marta Cavalli, 2e du Giro et plus sérieuse rivale de van Vleuten, a été éliminée dès le deuxième jour après une chute. L’Italienne a été percutée par l’Australienne Nicole Frain, de l’équipe continentale Parkhotel Valkenburg, arrivée à pleine vitesse dans une chute car elle pensait avoir « vu un trou » où passer. « Notre sport n’est pas mature, il y a de grands écarts de niveau et c’est normal. Je comprends que les organisateurs aient voulu accompagner certaines équipes en les faisant participer à cette grande course, mais il y a des cyclistes qui n’ont pas l’expérience », a estimé le patron de la formation FDJ-Suez. « C’est la première année, donc il y aura évidemment quelques petits changements (dans le futur), a lâché sans plus de précision Marion Rousse. Mais la base est solide. »

Clément VARANGES/AFP

Une mainmise totale : avec une Néerlandaise, Annemiek van Vleuten, devant une autre, Demi Vollering, le podium final du Tour de France Femmes a illustré la domination des Pays-Bas sur la course et plus généralement sur le cyclisme féminin.Le maillot jaune n’a connu que des épaules Oranje… Ainsi, la sprinteuse Lorena Wiebes l’a cédé à Marianne Vos, qui l’a cédé à Annemiek...

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