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Santé - Commentaire

Les divers risques médicaux provoqués par le climat

Les divers risques médicaux provoqués par le climat

Les incendies constituent des dangers, non seulement en détruisant les habitations et les installations de soins de santé, mais aussi en émettant des particules nocives qui augmentent le risque de mortalité des cancers du sein et du foie. David McNew/AFP

Lorsque les catastrophes naturelles forcent les gens à faire leur valise et à fuir vers des lieux plus sûrs, des objets importants sont oubliés. Suite à la saison 2007 des incendies en Californie, les estimations indiquaient «  qu’au moins un membre de famille par ménage a oublié des médicaments sur ordonnance lors de l’évacuation  ». De même, lorsque l’ouragan Harvey menaçait d’inonder la maison de ma propre mère au Texas en août 2017, elle a oublié de prendre ses médicaments dans sa hâte d’échapper à la trajectoire de la tornade — même si en temps normal elle fait ses bagages méticuleusement avant de partir en voyage.

Avec les changements climatiques qui contribuent à accentuer la gravité et la fréquence de tels événements catastrophiques, prévenir les interruptions dans les soins de santé et répondre aux besoins en santé non comblés des personnes déplacées deviendront des tâches de plus en plus urgentes. Nous savons déjà que les conditions météorologiques extrêmes alimentent les migrations et le nombre d’apatrides, déplaçant 21,5 millions de personnes par an – 41 personnes par minute. Les ouragans, les cyclones, les inondations et les incendies perturbent régulièrement l’accès aux services de prévention (comme les tests courants de dépistage du cancer), les services de santé mentale et les traitements de maladies chroniques. En raison d’une grave sécheresse et de la guerre civile, la plupart des réfugiés syriens ont perdu l’accès aux soins de santé et on a constaté plus tard qu’ils souffraient de maladies chroniques comme le cancer, l’hypertension et le diabète.

Les catastrophes causées par des événements climatiques constituent des risques directs et indirects d’interruption des soins de santé. Selon une étude de 2019 publiée dans le Journal of General Internal Medicine, le taux de survie des patientes atteintes du cancer du sein dont les traitements étaient directement interrompus par l’ouragan Katrina était nettement moins élevé qu’un groupe de contrôle.

De même, les expositions indirectes aux produits chimiques, aux agents pathogènes d’origine hydrique et aérienne et à la pollution de l’air en particules découlant de catastrophes naturelles seraient, à l’évidence, de nature à augmenter le risque de cancer. Ainsi pendant l’ouragan Harvey, des installations chimiques et des raffineries ont été inondées, émettant des substances cancérigènes dans les milieux ambiants. Et les chercheurs nous mettent en garde que des produits chimiques actuellement inertes comme l’insecticide lindane peuvent devenir progressivement cancérigènes avec le réchauffement de la planète.

Les incendies constituent des dangers du même ordre, non seulement en détruisant les demeures des gens et les installations de soins de santé, mais aussi en émettant des particules nocives qui augmentent le risque de mortalité des cancers du sein et du foie. Les crises cardiaques, les accidents cardio-vasculaires et les troubles respiratoires comme l’asthme et les maladies pulmonaires obstructives chroniques s’ensuivent souvent en raison des flammes. De nouvelles recherches, menées sur une période de 20 ans, indiquent que les gens vivant à 50 km de feux de forêts au Canada subissent un risque indirect de tumeurs au cerveau de 10 % plus élevé et un risque indirect accru de 4,9 % de cancer du poumon par rapport aux populations vivant plus éloignées des foyers d’incendie.

Même si les interventions de secours focalisent nécessairement sur les contrecoups immédiats des catastrophes, ces effets directs et indirects sur la santé ont tendance à persister. Si l’on ne fait pas plus d’efforts pour maintenir la continuité des soins, la saison annuelle des feux de forêts pourrait bien se faire appeler la « saison du cancer ».

Il est urgent de trouver des méthodes plus équitables pour lutter contre les risques accrus de cancer et de maladies chroniques découlant des situations d’urgence provoquées par les aléas climatiques. Des alertes envoyées aux téléphones portables et des listes de vérification pour les soins dans le contexte d’une maladie chronique peuvent aider à sauver des vies lors des situations d’urgence et des évacuations. Outre le fait d’assurer un abri sûr, la mise en œuvre de protocoles d’alerte préventive devrait également comprendre des mesures pour administrer des médicaments sur ordonnance courants, assurer des services de télémédecine, des services virtuels de santé mentale, des formations virtuelles sur les soins à apporter par les effectifs médicaux en temps de crise et des directives thérapeutiques pour les différentes strates de ressources.

Parmi les nombreux drames provoqués par la crise climatique, on retrouve le fait que ceux qui ont le moins contribué au problème sont ceux qui en seront le plus touchés. Pour s’attaquer à cette iniquité, l’Union internationale contre le cancer (et ses partenaires) a lancé la coalition pour l’accès aux médicaments d’oncologie pour rendre plus accessibles les médicaments contre le cancer dans les pays moins nantis.

L’empreinte de carbone du secteur de la santé est l’un des enjeux connexes. Dans ce cas-ci, les soins chirurgicaux contribuent notoirement aux émissions de gaz à effet de serre. L’administration de l’anesthésiant sevoflurane pendant une heure revient à un trajet de 32 km avec un véhicule à moteur à combustion interne et une heure d’inhalation de l’agent anesthésique desflurane équivaut à un trajet d’environ 643 km. En conséquence, le service d’anesthésiologie du Michigan a lancé une initiative pour des traitements anesthésiques écologiques pour explorer des moyens de réduire les émissions de ce secteur, comme la promotion d’un usage accru de sevoflurane au lieu du desflurane. Récemment, les instances médicales se sont engagées à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Finalement, même si nous savons que les populations déplacées par les changements climatiques sont exposées à un éventail de risques sanitaires, il faudra plus de recherches et d’informations pour améliorer nos connaissances sur cette vaste question complexe. Par exemple, il faut en savoir plus sur les effets dévastateurs des canicules, des pénuries d’eau, de l’insécurité alimentaire, des comorbidités et de la déshydratation des traitements du cancer qui amplifient les inégalités liées au bilan négatif en cancérologie des populations déplacées par les situations d’urgence liées au climat.

L’Organisation mondiale de la santé, les autorités nationales, les effectifs médicaux et les groupes de protection de la santé ont le devoir moral de s’attaquer à la crise sanitaire qui pointe à l’horizon en raison des changements climatiques. Notre capacité à vivre sainement dépend d’une planète en santé. À force de changements climatiques, les protocoles et politiques concernant la santé doivent eux aussi évoluer.

*Aditi Hazra est professeure adjointe à la faculté de médecine de Harvard et étudie le rôle de la génomique dans le diagnostic et le traitement du cancer et est intervenante en aide humanitaire détenant une formation d’ambulancière et une expérience dans les soins de santé prodigués aux réfugiés.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier.

© Project Syndicate, 2022.

Lorsque les catastrophes naturelles forcent les gens à faire leur valise et à fuir vers des lieux plus sûrs, des objets importants sont oubliés. Suite à la saison 2007 des incendies en Californie, les estimations indiquaient «  qu’au moins un membre de famille par ménage a oublié des médicaments sur ordonnance lors de l’évacuation  ». De même, lorsque l’ouragan...

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