Le médiateur américain Amos Hochstein, qui mène des pourparlers entre Israël et le Liban sur leur litige frontalier, est arrivé à Beyrouth dimanche pour poursuivre ses tractations, apportant notamment avec lui une nouvelle proposition israélienne, alors que le Hezbollah a diffusé en début de journée une vidéo dans laquelle il menace les navires situés dans le champ de Karish qui se trouvent "dans son collimateur". Ce champ pourrait être situé dans une zone contestée entre le pays du Cèdre et son voisin du sud, sur fond de tensions entre les deux pays qui sont lancés dans la course à l'exploitation des hydrocarbures offshore.
D'après un haut responsable israélien, qui s'exprimait sous couvert d'anonymat à Reuters, M. Hochstein va transmettre aux dirigeants libanais qu'il a prévu de rencontrer une nouvelle proposition de la part d'Israël "qui inclut une solution permettant à Beyrouth de développer des réserves de gaz dans la zone contestée tout en préservant les droits commerciaux d'Israël". Si cette nouvelle donne est acceptée, cela donnerait aux Libanais l'opportunité de faire "quelques forages", a ajouté cette source sans donner plus de précision. "L'offre transmise est sérieuse et peut transformer le Liban de pays économiquement ruiné et victime de crises énergétiques en un pays producteur de gaz", a-t-elle ajouté.
Selon des médias locaux, l'émissaire US est arrivé en début d'après-midi à Beyrouth, en provenance d'Athènes où il se trouvait au début du week-end. Il s'est immédiatement entretenu avec le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, avant de se réunir, en présence de l'ambassadrice américaine Dorothy Shea, avec le ministre sortant de l'Énergie Walid Fayad.
Pas de "coopération"
À l'issue de la réunion, M. Fayad a fait état d'une "atmosphère positive" et expliqué que M. Hochstein lui avait effectivement fait part d'une nouvelle proposition. Sans s'étendre sur le sujet, il a déclaré qu'il n'y a "aucune intention de coopérer dans l'exploitation (des ressources en hydrocarbures, ndlr) entre le Liban et Israël".
Il a ensuite été reçu par le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, qui a déclaré, selon des propos publiés sur le site de l'institution militaire, que cette dernière "respectera toute décision prise par les autorités politiques" dans ce dossier. Le diplomate américain s'est également entretenu avec le vice-président du Parlement Élias Bou Saab. Le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, avait précisé plus tôt à la chaîne locale al-Jadeed que M. Hochstein doit s'entretenir au cours de sa visite avec le président Michel Aoun, le chef du Parlement Nabih Berry et le Premier ministre désigné Nagib Mikati, ajoutant que tous les responsables libanais lui feront part d'un "position unifiée", à savoir la volonté libanaise d'un retour aux négociations à Naqoura. "MM. Aoun, Berry et Mikati sont d'accord sur cela", a-t-il ajouté. Des pourparlers décrits par Beyrouth comme étant "indirects" avec l'État hébreu avaient commencé en octobre 2020 et avaient été suspendus en mai 2021, suite à des revendications jugées maximalistes des négociateurs libanais.
Début juin, lors d'une visite du médiateur après l'arrivée d'une plateforme gazière au large d'Israël qui a relancé les tensions entre les deux parties, le Liban lui avait confié une réclamation d'une zone délimitée par la ligne 23, permettant d'inclure la totalité du champ gazier de Cana, dans une proposition qui laisse à Israël celui de Karish, bien que des activistes et experts militaires libanais militent pour que la zone revendiquée par Beyrouth s'étende jusqu'à la ligne 29, incluant Karish. Cette revendication maximaliste n'a jamais été officialisée par les dirigeants à Beyrouth.
"Dans le collimateur"
Cela n'empêche pas le Hezbollah de multiplier ses menaces contre Israël, menaces qui s'étaient caractérisées par l'envoi de drones vers Karish. Et quelques heures avant l'arrivée d'Amos Hochstein, le parti chiite a publié une nouvelle vidéo dans laquelle il menace les navires et plateformes se trouvant sur ce champ qui sont "dans son collimateur".
Sur une musique mêlant roulement de tambours de guerre et cliquetis des aiguilles d'une montre, l'on commence par entendre dans cette vidéo le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avertir que "jouer avec le temps est inutile". Des images de drones s'enchaînent ensuite, montrant des navires avec leur description et coordonnées. La vidéo, publiée par le média de guerre du parti pro-iranien, affiche de images et informations présumées de l'Arendal Spirit, une plateforme flottante battant pavillon des Bahamas et dont la dernière position connue, selon le site marinetraffic.com se situait, il y a deux jours, au large de Naqoura. "À 90 km des côtes libanaises" selon le Hezbollah, se trouve également la plateforme "de production" Energean, dont l'arrivée sur le champ de Karish début juin avait relancé le débat sur le litige frontalier. Un navire de forage, le Stenna Icemax", est également décrit, alors que s'intercalent des images de missiles et du drapeau du Hezbollah, avant que la vidéo ne se termine sur les mots, en arabe et hébreu, "dans le collimateur".
Sur Al-Jadeed, le ministre Bou Habib, s'est distancé des menaces du Hezbollah. "La vidéo des drones diffusée par le Hezbollah ne représente pas le point de vue de l'État libanais. Toute décision concernant le tracé de la frontière maritime revient au gouvernement libanais" et non au parti chiite, a déclaré le chef de la diplomatie.
Jusqu'à présent, Israël n'a pas réagi à la vidéo.
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20 h 31, le 31 juillet 2022