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Politique - Décryptage

Retour de Hochstein : pourquoi le Hezbollah ne partage pas l’optimisme officiel

Retour de Hochstein : pourquoi le Hezbollah ne partage pas l’optimisme officiel

La plateforme d’Energean Power traversant, sur cette photo datée du 3 juin 2022, le canal de Suez, en route vers le champ gazier de Karish. Autorité du canal de Suez/HO/AFP

Alors que le Liban officiel est suspendu à la visite de l’émissaire américain Amos Hochstein prévue dimanche, considérant qu’elle devrait constituer un pas positif dans le dossier du tracé de la frontière maritime avec Israël, les milieux proches du Hezbollah restent, eux, circonspects et méfiants. Pour eux, l’optimisme des officiels libanais est injustifié et il ne faudrait donc pas avoir de très grandes attentes au sujet de cette visite qui devrait durer deux jours. Elle devrait, en principe, permettre au Liban de connaître la position israélienne à l’égard de sa dernière proposition consistant à élargir la ligne 23 pour inclure la totalité du champ maritime de Cana dans l’espace maritime libanais, alors que le tracé originel prévoit d’attribuer une partie de cette zone à Israël. Une proposition qui se résume, en d’autres termes, à dépasser les lignes pour se concentrer sur l’exploitation des ressources gazières et pétrolières dans les champs de Cana pour le Liban et de Karish pour les Israéliens.Toutefois, dans son dernier discours, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a ajouté une condition qu’il juge utile et concrète pour le Liban. Il a alors estimé qu’il ne suffit pas de délimiter les superficies exploitables pour chaque partie, il faut également lever le veto interdisant aux compagnies étrangères de commencer à travailler dans l’espace maritime du Liban. Nasrallah avait d’ailleurs dit : Si le Liban ne peut pas exploiter ses ressources gazières et pétrolières, les Israéliens ne pourront pas le faire non plus, pas seulement dans le cadre du champ de Karish, mais « au-delà, bien au-delà de ce champ ». Il a ainsi repris la formule devenue célèbre pendant la guerre de juillet 2006, lorsqu’il avait annoncé que le Hezbollah comptait bombarder Haïfa, et « au-delà, bien au-delà de cette ville ». À travers cette phrase, le chef du Hezb a donc voulu imposer une nouvelle équation qui permettrait au Liban de commencer effectivement à prospecter puis à forer et à extraire ses ressources pétrolières et gazières. Il a misé sur le fait que les Américains et les Européens ont un besoin urgent du gaz et du pétrole contenus dans les eaux du bassin méditerranéen et, en même temps, sur le fait que les Israéliens ont hâte de les leur vendre, alors que les premières extractions du champ de Karish devraient se faire en septembre. C’est pour cette raison qu’il a considéré cette échéance comme une date butoir : soit d’ici à septembre les compagnies étrangères pourront entamer au large des côtes libanaises les travaux de prospection, soit les Israéliens ne pourront pas exploiter les ressources du champ de Karish.

Selon les milieux proches du Hezbollah, Nasrallah a joué ainsi à quitte ou double et il n’écarte pas la possibilité d’une guerre. En effet, si son équation est rejetée, le Hezbollah devra lancer une attaque pour empêcher l’exploitation par les Israéliens des ressources du champ de Karish, ou d’un autre. D’ailleurs, au large des côtes de Gaza, les différentes factions palestiniennes sont en train de suivre l’exemple du Hezbollah, et la situation pourrait rapidement dégénérer en confrontation généralisée. Selon les milieux proches du Hezbollah, Nasrallah a pesé le pour et le contre, et au cours des semaines qui ont précédé son discours du 13 juillet, il a multiplié les réunions pour étudier toutes les hypothèses. Selon ces milieux, il est apparu que ni les Américains, ni les Européens et encore moins les Israéliens ne veulent d’une guerre. C’est pourquoi cela pourrait être le bon moment pour que le Liban améliore ses conditions. D’ailleurs, c’est après ce discours que la visite de Hochstein à Beyrouth a été annoncée.

Les milieux proches du Hezbollah ne sont toutefois pas convaincus de l’imminence d’un accord. Ils pensent plutôt que les Américains chercheront à gagner du temps jusqu’en septembre en faisant des promesses trompeuses et vagues aux responsables libanais pour noyer le poisson et permettre aux Israéliens de commencer à extraire le gaz de Karish alors que le Liban est encore plongé dans ses contradictions et dans des formalités sans fin. Comme c’est notamment le cas au sujet de l’acheminement vers le Liban du gaz égyptien et de l’électricité jordanienne, promis depuis bientôt un an. Cette conviction chez les milieux proches du Hezbollah est basée sur le fait que, selon eux, depuis octobre 2019, le plan américain est de pousser les Libanais à se révolter contre la formation chiite. Mais en raison du lien étroit existant entre le Hezbollah et son environnement populaire – qui s’articule sur plusieurs éléments dont la dimension religieuse, les aides sociales et la résistance proprement dite –, le plan prévoyait selon eux de laisser les Libanais souffrir à petit feu, pour les pousser au désespoir et au dégoût, au lieu de frapper un grand coup en une fois, ce qui pourrait provoquer une réaction violente et une révolte. Depuis trois ans, toujours selon les milieux proches du Hezbollah, un véritable travail de sape a été accompli pour détruire le moral des Libanais, tout en leur donnant, de temps en temps, un souffle d’espoir pour qu’ils soient encore plus déçus ensuite. Or, toujours dans cette logique, si les Libanais et les Israéliens aboutissent à un accord sur la délimitation de la frontière maritime, cela ouvrirait pour le Liban de nouvelles perspectives économiques qui balayeraient d’un seul coup tout le travail accompli au cours des trois dernières années. Les autorités américaines sont-elles disposées à modifier leur plan pour détruire l’influence du Hezbollah au Liban ? Ce dernier a de sérieux doutes sur cette question.

Alors que le Liban officiel est suspendu à la visite de l’émissaire américain Amos Hochstein prévue dimanche, considérant qu’elle devrait constituer un pas positif dans le dossier du tracé de la frontière maritime avec Israël, les milieux proches du Hezbollah restent, eux, circonspects et méfiants. Pour eux, l’optimisme des officiels libanais est injustifié et il ne faudrait donc...

commentaires (10)

Il est logique d'empêcher Israel d'exploiter et de vendre son gaz tant que le Liban ne peut pas le faire . L'accord devrait être un accord gagnant-gagnant , et l'action actuelle du Hezb est de garantir cette gageure .

Chucri Abboud

10 h 47, le 01 août 2022

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Il est logique d'empêcher Israel d'exploiter et de vendre son gaz tant que le Liban ne peut pas le faire . L'accord devrait être un accord gagnant-gagnant , et l'action actuelle du Hezb est de garantir cette gageure .

    Chucri Abboud

    10 h 47, le 01 août 2022

  • Rett beau Rett sauve nous de la débâcle journalistique!!!!!! Apporte lui avec toi quelques fleurs bourgeonnantes signe d’éclosion d’une nouvelle génération consciente de la plume qui écrit et non qui rit!

    PROFIL BAS

    19 h 49, le 31 juillet 2022

  • Waw au lieux que le gouvernement discute c’est le Hezbollah et cie. C’est vrai que nous sommes un protectorat des mollahs iraniens j’aura voulu la France……

    Eleni Caridopoulou

    19 h 39, le 29 juillet 2022

  • La voix de son maître a encore décrypté.

    Citoyen Lambda

    11 h 33, le 29 juillet 2022

  • Les guerres dites moderne du 21iem siècle, sont de plus en plus basées sur une large échelle par l’affaiblissement économique, financier, culturel et sociale des nations qui ne se soumettent pas à la doctrine du prétendant à la domination. Comme cela fut au moyen-âge d’affamer les villes qui ne se soumettent pas à l’envahisseur. Les empires se sont toujours imposés soit par les armes, soit par la famine et souvent par les deux.

    DAMMOUS Hanna

    10 h 47, le 29 juillet 2022

  • Ça y est la politique fiction nous manquait. On reprend saison 3 Épisode 1

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 22, le 29 juillet 2022

  • Les Libanais seuls paient le prix des tractations discrètes qui ont lieu. Israel, l’Iran, le hezbollah, l’Amerique…tout ce beau monde se parle, communique et tisse des entendements secrets, parfois contre nature ! Nous avons appris que les déclarations publiques expriment parfois le contraire de la réalité. Attendons voir à quelle sauce nous allons être mangés

    Goraieb Nada

    08 h 52, le 29 juillet 2022

  • hezb, aurait voulu ecrire S hadad est pessimiste connaissant bien le jeu que ses allies chretiens jouent, qu'il craint etre contraire aux interets du pays(et/ou de ses maitres persans). yaani en d'autres termes, elias bou saab,jobrano et berry tous reunis auraient fait -deja-enterrer toute issue. ceci dit, avant que d'entrer dans les meandres du business mondial du gaz et du petrole, S hadad devrait s'approfondir afin d'eviter des sorties telles que l'europe veut du gaz a tot prix, etc.....business bcp plus complique dont S haddad ignore tout. bref, pour nous autres libanais, tres probable que les craintes de nasroullah soient confirmees . Guerre ou pas guerre? that is the question !

    Gaby SIOUFI

    08 h 15, le 29 juillet 2022

  • Sauf ordre contraire émanant de Téhéran (dépendant du sort des négociations sur le nucléaire), le Hezbollah reste opposé à tout accord avec l'Etat hébreux. L'envoi des fameux drones le prouve.

    Yves Prevost

    07 h 28, le 29 juillet 2022

  • Scarlett, tu es incollable. Quelle génie !! PN

    Naayem Francoise

    00 h 16, le 29 juillet 2022

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