Le leader druze Walid Joumblatt a critiqué mardi soir les menaces du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, contre Israël, dans un contexte de montée des tensions autour du tracé de la frontière maritime entre le Liban et l'Etat hébreu. Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) a ainsi appelé le leader chiite à éviter au Liban un conflit, estimant que toute guerre équivaudrait à une "auto-destruction".
"Attendre l'instant propice"
"Au secrétaire général du Hezbollah je dis : tu peux envoyer des drones et lancer des missiles, mais essaie de réfléchir à la riposte, même si tu crois en une dissuasion militaire", a affirmé M. Joumblatt, lors d'une interview télévisée sur la chaîne LBCI. S'adressant toujours à Hassan Nasrallah, il a ajouté : "Tu as les capacités et des données. Si tes propos s'inscrivent dans le cadre de menaces, soit". Et de poursuivre : "Il (le chef du Hezbollah, NDLR) se comporte comme un acteur du jeu des nations. Mais nous devons nous tenir à l'écart de ce jeu. Il devrait essayer de nous éviter une guerre et nous laisser nous concentrer sur les dossiers internes". Le leader druze a toutefois reconnu que "nous ne pouvons rien faire contre le Hezbollah et l'Iran. Il faut attendre l'instant propice pour mettre l'arsenal du parti sous la houlette de l’État libanais". "Si la guerre éclate, elle équivaudrait à une auto-destruction commune (...)", a-t-il prévenu.
La tension entre le Liban et Israël est palpable depuis des semaines, en raison du litige autour du tracé de la frontière maritime sur fond d'exploitations de gaz offshore. Cette tension est montée d'un cran lorsque, début juillet, le Hezbollah a lancé trois drones en direction du champ de Karish qu'Israël veut exploiter, des engins qui ont été abattus. Par la suite, Hassan Nasrallah avait clairement menacé l'Etat hébreu de guerre, avant de relativement tempérer ces menaces, après les craintes suscitées au Liban.
"Nous n'avons pas besoin de l'argent des druzes d'Israël"
Walid Joumblatt a également abordé le dossier sensible de la brève arrestation il y a neuf jours de l'archevêque de Jérusalem et Haïfa, Mgr Moussa el-Hage, par la Sûreté générale, lorsque celui-ci arrivait au Liban-Sud en provenance d'Israël. Mgr Hage avait été interrogé pendant 13 heures par les autorités libanaises, alors qu'il transportait 460.000 dollars et des médicaments fournis par des Libanais de diverses confessions résidents en Israël, à leurs proches dans un pays en plein effondrement. Dans une interview accordée à L'Orient-Le Jour, l'archevêque a estimé que sa détention visait à envoyer "un message musclé au patriarche" maronite, Béchara Raï, qui entretient des relations houleuses avec le Hezbollah.
"Il y avait peut-être une erreur dans le timing de l'arrestation de l'archevêque Moussa el-Hage, mais ce dernier transportait de l'argent fourni par des familles qui se trouvent en Palestine occupée et qui ont, à une période donnée, collaboré avec les Israéliens. Nous n'avons pas besoin de l'argent des druzes d'Israël car cet argent est suspect", a estimé Walid Joumblatt. Il a dans ce contexte critiqué le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui a accusé le commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire par intérim, Fadi Akiki, sur ordre de qui Mgr el-Hage a été détenu, d'être un "traître". "Le chef des FL n'a pas le droit de qualifier le juge Akiki de traître. Réclamer la mise à l'écart du magistrat donnera au Hezbollah le droit de faire de même concernant le juge Tarek Bitar chargé de l'enquête sur l'explosion au port de Beyrouth", a ainsi estimé le leader druze.
"Tunnel sombre"
Enfin, le chef du PSP a abordé la question de la formation du gouvernement, qui n'avance pas, alors que le mandat du chef de l'Etat, Michel Aoun, expire en octobre, faisant craindre une vacance du pouvoir. "Nous sommes entrés dans un tunnel sombre", a déploré Walid Joumblatt, à cet égard, alors que le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, ne parvient pas à s'entendre sur une mouture de cabinet avec le président Aoun, dans un pays habitué aux tractations politiques et marchandages interminables lors de ces échéances.
Au sujet de la présidentielle, le leader druze est resté évasif, se contentant de critiquer les candidats officieux à la magistrature suprême, à savoir le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, le chef du courant Marada, Sleiman Frangié, ou encore le patron des FL, Samir Geagea. "Que ces candidats présentent un programme politique, économique et fiscal", a lancé le chef du PSP. "Il se peut que nous ne votions pour aucun d'entre eux", a-t-il indiqué. Commentant le profil du commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, considéré comme un candidat potentiel au poste, Walid Joumblatt a affirmé que celui-ci "effectuait un excellent travail au sein de l'armée".
commentaires (15)
"un tunnel sombre .." ou "de la glace froide "
OBEGI CHARLES
20 h 45, le 28 juillet 2022