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Société - Polémique

Au conseil municipal de Tripoli, le président fait l’unanimité contre lui

Plusieurs élus ont présenté une plainte contre Riad Yamak pour mauvaise gestion et/ou corruption, et de hauts responsables appellent à l’élection d’un nouveau président. Lui-même se dit victime d’une campagne politique.

Au conseil municipal de Tripoli, le président fait l’unanimité contre lui

Le siège de la municipalité, brûlé pendant les émeutes de janvier 2021, n’est toujours pas réhabilité. Fathi al-Masri/AFP

La municipalité de Tripoli est secouée par une violente polémique qui oppose le président de son conseil municipal, Riad Yamak, à la majorité des membres, dont ceux proches du Premier ministre Nagib Mikati, d’autres désignés par le député Achraf Rifi et même certains indépendants. Yamak, qui apparaît très isolé, est accusé par certains (principalement les indépendants) de négligence et de mauvaise gestion, et par d’autres (notamment les affiliés à des forces politiques) de corruption.

Si les tensions au sein du conseil ne sont pas nouvelles – une certaine paralysie entache son action depuis quasiment un an et demi –, un développement nouveau est venu envenimer encore plus la situation : alors que le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui, lui-même originaire de la ville, a transféré le 8 juin dernier le dossier de Yamak au parquet financier, sur base d’accusations de gaspillage de deniers publics et de dépenses non justifiées lancées par sept des membres du conseil municipal, il a envoyé récemment une circulaire en vue de l’élection de nouveaux président et vice-président. Sur base de cette circulaire, le mohafez du Liban-Nord Ramzi Nohra, réputé proche du Courant patriotique libre, a appelé à une réunion le 1er août qui serait consacrée au vote de confiance puis à l’élection.

Aux dernières élections municipales à Tripoli en 2016, la liste du député Achraf Rifi, alors ministre démissionnaire de la Justice, avait raflé tous les sièges face à une vaste coalition comprenant notamment l’ancien Premier ministre Saad Hariri et l’actuel, Nagib Mikati. Ahmad Amareddine, soutenu par Rifi, avait été élu à la tête du conseil cette année-là. Trois ans plus tard, en 2019, Riad Yamak, un indépendant qui faisait partie de l’équipe d’origine, a été élu président. Ses relations avec l’ancien ministre Rifi se sont dégradées depuis. Quant aux élections municipales, elles ne se sont pas tenues comme prévu en 2022, mais ont été reportées d’un an par le gouvernement.

Riad Yamak, au centre de la polémique à Tripoli. Photo d’archives ANI

Une décision au cours d’une réunion sans quorum

Mohammad Nour Ayoubi est l’un des sept élus à avoir présenté une plainte contre Riad Yamak auprès du ministre de l’Intérieur pour gaspillage de deniers publics et de propriétés de l’État, ciblant plus particulièrement une sombre affaire de distribution d’aides alimentaires à Tripoli pour la somme de trois milliards de livres. « Appeler à l’élection de nouveaux président et vice-président est tout à fait légal puisque cela fait trois ans que ceux-ci sont en poste et que la prorogation du mandat du conseil ne signifie pas celle du mandat du président », dit-il à L’Orient-Le Jour. Ayoubi, lui-même frère du secrétaire général de la Jamaa Islamiya, assure que « le conflit avec Riad Yamak n’a rien de personnel, mais nous nous posons des questions sur des affaires entourées de flou ». Il fait remarquer qu’au cours de ses trois années de présidence, M. Yamak n’appelait à des réunions que deux fois par mois, révélant que durant une réunion début juin, au cours de laquelle le quorum n’était pas assuré puisqu’il se tenait en présence de six élus seulement, la décision de dépenser 34 milliards de livres a été prise.

Pour mémoire

Quand le mohafez du Nord « séquestre » le premier édile de Tripoli

Pour Jamil Jablaoui, un autre membre du conseil municipal, Riad Yamak serait coupable de négligence envers la ville et ses souffrances plutôt que de corruption. « Le président du conseil municipal a complètement démissionné de ses fonctions, et il est resté étranger aux dossiers chauds qui affectent la ville, comme celui du mazout et des générateurs, ou encore ceux de la pénurie de pain, de la sécurité sanitaire et alimentaire… Et ce malgré l’adoption par la municipalité d’un projet de caisse conjointe devant recevoir les aides des ONG en vue d’aider la population à passer ce cap difficile », explique-t-il à notre journal. Il rappelle que Riad Yamak est resté inactif dans des affaires d’empiétements sur les biens-fonds publics, même quand l’armée proposait d’aider à évacuer les contrevenants. L’élection d’un nouveau président s’impose, selon lui.

« Qu’on me juge devant l’opinion publique »

De son côté, sans surprise, le principal intéressé dénonce une cabale contre sa personne visant à ternir sa réputation. « Je ne suis pas attaché à ce poste, assure-t-il à L’Orient-Le Jour. Mais je dois défendre la ville, parce que je suis convaincu qu’elle est visée par ces accusations, et je dois me défendre moi-même. » Pour lui, ces accusations relèvent de la « diffamation, d’autant plus que le parquet financier n’a pris aucune décision contre moi ». « Si je suis coupable de quoi que ce soit, qu’on me juge devant l’opinion publique, mais je défie le ministre de l’Intérieur de faire une quelconque démarche publique dans ce sens », ajoute-t-il.

Pour Riad Yamak, « il est suspect que l’élection d’un nouveau président se limite à la municipalité de Tripoli, alors que la prorogation d’un an dans le reste des municipalités du Liban ne s’est pas accompagnée d’une mesure similaire ». Il fait allusion à « des causes politiques bien connues », sans vouloir spécifier lesquelles. Toutefois, de source bien informée dans la ville de Tripoli, il s’agirait d’une allusion à son refus de répondre favorablement à des demandes provenant de responsables haut placés qui auraient souhaité le recrutement de leurs proches dans certains projets de la ville.

Dans les milieux du ministre de l’Intérieur, on dément catégoriquement que celui-ci ait une quelconque raison personnelle d’en vouloir à Riad Yamak. Selon ces sources, l’appel à de nouvelles élections a été lancé suivant les procédures définies par la direction des municipalités au sein du ministère et conformément au désir des autres élus, fatigués de constater cette paralysie au sein de l’une des plus grandes municipalités du Liban.

Quelle que soit la vérité dans cette affaire, l’élu ne compte pas se taire. Il a déjà consulté ses avocats en vue d’un recours contre la session de vote à la municipalité, sur base d’une « infraction » à la loi selon lui : en effet, il estime qu’un vote de confiance contre un président de conseil municipal devrait avoir lieu durant ses années de mandat, et non en période de prorogation.

Entre-temps, il semble fort probable que dans la ville réputée la plus pauvre sur la Méditerranée, la population, excédée par un quotidien de plus en plus difficile, soit à mille lieues de s’intéresser aux querelles de clochers de ses élus.

La municipalité de Tripoli est secouée par une violente polémique qui oppose le président de son conseil municipal, Riad Yamak, à la majorité des membres, dont ceux proches du Premier ministre Nagib Mikati, d’autres désignés par le député Achraf Rifi et même certains indépendants. Yamak, qui apparaît très isolé, est accusé par certains (principalement les indépendants) de...

commentaires (2)

Malheureusement comme PARTOUT au Liban...

Derwiche Ghaleb

13 h 27, le 27 juillet 2022

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Commentaires (2)

  • Malheureusement comme PARTOUT au Liban...

    Derwiche Ghaleb

    13 h 27, le 27 juillet 2022

  • "Les peuples ont les dirigeants qu'ils méritent". Montesquieu. La populace tripolitaine l'a élu, oui ou non? Alors qu'elle vive avec les conséquences de sa propre décision...

    Mago1

    01 h 56, le 27 juillet 2022

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