La députée Cynthia Zarazir, issue de la contestation contre la classe politique traditionnelle, a dénoncé mardi dans une interview publiée sur les réseaux sociaux le machisme et les intimidations dont elle est victime au Parlement, après s'être fait insulter par un député du mouvement chiite Amal, du président de la Chambre Nabih Berry.
Lors de la réunion parlementaire de mardi matin, l'élu Kabalan Kabalan a appelé la députée de Beyrouth "députée-cafard", dans un jeu de mot en arabe autour du nom de famille de la députée, assimilé au mot "sarasir", qui signifie "cafards" au pluriel en arabe.
Réagissant à cette sortie en marge de la séance, elle a fustigé le fait que, depuis son entrée au Parlement, "aucun respect ne lui a été témoigné qui pourrait prouver que ceux avec qui (elle va) passer quatre ans sont premièrement humains et deuxièmement des gens respectueux". Elle a indiqué se faire chahuter par les députés des partis traditionnels "dont la misogynie dépasse la virilité". "On m'a remis un bureau "sale" dans lequel elle a trouvé "des magazines Playboy et des préservatifs usagés, sur le sol et dans les tiroirs". Elle cite aussi les moqueries sur son nom de famille et le fait qu'on ne lui a pas assigné de place de parking. "Si ces gens se comportent de la sorte avec une députée élue, comment vont-ils traiter les gens qui ont voté pour eux ?", s'insurge-t-elle.
"Voyous du quartier"
Dans un entretien avec la chaîne locale MTV, Mme Zarazir a d'ailleurs raconté avoir été victime d'"intimidations" de la part de deux députés à son arrivée à l'hémicycle dans la matinée, rappelant qu'elle fait souvent l'objet de remarques à caractère sexuel. "Je leur ai dit qu'ils n'étaient plus des voyous du quartier, mais des députés de la nation et qu'ils devraient avoir honte", a-t-elle ajouté.
Contactée par L'Orient-Le Jour pour réagir à ses accusations, la députée n'a pas répondu à nos sollicitations, la séance parlementaire du soir étant encore en cours.
Au cours de la même séance parlementaire, un autre incident a montré le caractère misogyne des remarques pouvant être faites par le député et le président de la Chambre. Alors que la collègue de Mme Zarazir, Halimé Kaakour, demandait la parole lors d'un vote, M. Berry lui a intimé de "s'asseoir et se taire". "C'est quoi cette façon patriarcale de faire ?", s'est indignée l'élue. Le député Farid Haykal el-Khazen a alors demandé que le mot "patriarcale" soit barré du compte-rendu de la réunion, et a obtenu gain de cause. "Patriarcale ne fait pas référence au patriarche" maronite, Béchara Raï, a lancé, sur un ton ironique, la députée Paula Yacoubian, elle aussi issue de la contestation, en s'adressant à M. Khazen. "Cela veut dire condescendant", a-t-elle ajouté.
Sur un ton sarcastique, le parti Lana, dont est issue Mme Kaakour, a publié sur sa page Twitter une "leçon du jour", reprenant des explications sur le terme +patriarcat+, un mot "nouveau pour le président du Parlement et de certains députés".
Lors d'une précédente séance, M. Berry avait déjà lancé une remarque désobligeante à la députée Paula Yacoubian, refusant de répondre à l'une de ses invectives concernant le dossier du litige frontalier avec Israël en déclarant qu'il n'allait "rien dire parce que son mari est un ami".
Seulement huit femmes sont actuellement membres du Parlement libanais, sur un total de 128. Quatre d'entre elles appartiennent au groupe issu de la contestation : Cynthia Zarazir, Paula Yacoubian, Najat Aoun et Halimé Kaakour, deux aux Forces libanaises : Ghada Ayoub et Sethrida Geagea ; une au mouvement Amal, Inaya Ezzeddine, et une au Courant patriotique libre (aouniste) Nada Boustany.
commentaires (19)
Où est le corbeau de perchoir de tout ce qui est dit. Le Parlement, n’est-il pas sous son contrôle?
Georges S.
00 h 06, le 28 juillet 2022