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Économie - Commerce

Pourquoi le Liban essaye-t-il à nouveau d’adhérer à l’OMC ?

Le pays du Cèdre est le deuxième sur la liste des nations candidates et peut espérer faire aboutir le processus d’ici à 2024.

Pourquoi le Liban essaye-t-il à nouveau d’adhérer à l’OMC ?

Le ministre libanais de l’Économie et du Commerce, Amine Salam, en compagnie de la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala (les deux au centre), lors de la 12e conférence ministérielle de l’organisation en juin dernier. Photo D.R.

Et une tentative de plus ! Cela fait plus de vingt ans, 23 ans pour être précis, que le Liban a déposé sa candidature pour devenir un membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Une période pendant laquelle les autorités libanaises ont amorcé sans jamais les mener jusqu’au bout plusieurs rounds de négociations avec l’organisation internationale, qui été créée en 1995 à la place du GATT, avec pour mission d’harmoniser le commerce entre ses 164 membres de manière à accélérer la libéralisation de leurs échanges et lutter contre le protectionnisme.

Plusieurs années après sa dernière tentative en 2016, Beyrouth semble décidé à remettre le couvert et l’a fait savoir le 14 juin dernier au siège de l’OMC à Genève à travers la voix de son ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Amine Salam.

Invité à la 12e conférence ministérielle de l’organisation par le ministre saoudien du Commerce Majid ben Abdallah al-Kassabi, le ministre a en effet annoncé qu’il avait fait part du « désir du Liban de reprendre les négociations » préalables à une possible adhésion, et ce à l’occasion d’un entretien avec la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala. Amine Salam a lié cette initiative au paquet de réformes que le Liban doit lancer afin de rétablir la confiance de la communauté internationale, qui n’a cessé de s’effondrer au même rythme que l’environnement des affaires dans le pays, en crise profonde depuis 2019.

Le ministre faisait alors référence à l’accord préliminaire conclu avec le Fonds monétaire international, le 7 avril dernier, pour obtenir un prêt de 3 milliards de dollars sur quatre ans, sous condition d’entreprendre plusieurs réformes en amont : unifier le taux de change, assainir les finances publiques, lutter contre la corruption ou encore restructurer le secteur bancaire.

Objectif 2024

Contacté par L’Orient-Le Jour, Amine Salam s’est avancé sur une possible date d’adhésion en 2024, le Liban étant le deuxième pays sur la liste à pouvoir rejoindre l’organisation, après l’archipel des Comores, dont l’adhésion devrait être finalisée d’ici à la fin de l’année. Le pronostic se base selon lui sur les propos de Ngozi Okonjo-Iweala, lors de leur réunion à la cité de Calvin.

Cette échéance coïncide avec la programmation de la 13e conférence ministérielle de l’OMC, qui pourrait être organisée aux Émirats arabes unis. Amine Salam a ajouté que le riche État du Golfe pourrait alors faire du Liban son « champion » et ainsi l’assister sur le plan technique, légal et politique à aller vers le processus. Un allié qui pourrait peser lourd dans la mesure où certains membres de l’OMC pourraient prendre le pays du Cèdre en grippe, comme l’Arabie saoudite qui n’a toujours pas levé l’interdiction d’importer des produits libanais sur son territoire, imposée en avril 2021, ou encore Israël, avec qui le Liban est techniquement en état de guerre.

Selon lui, deux facteurs motivent la volonté du Liban de remettre le cap sur l’OMC. Le pays a tout d’abord fait sauter un des verrous qui vouaient son adhésion à l’échec en votant, le 21 février dernier, une loi sur la concurrence (n° 281/2022) qui a scellé le sort des agences exclusives jusqu’ici protégées par un décret de 1967. À noter que l’adoption de ce texte a aussi mis 20 ans à se concrétiser.

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Le second facteur n’est ni plus ni moins que le fait que le Liban a réussi à convaincre le FMI, sollicité deux ans plus tôt, de donner son blanc-seing à un accord préliminaire. Une étape qui, bien que non contraignante sur le fond, n’en demeure pas moins concrète. Le plus dur reste cependant à faire, à savoir transformer l’essai en souscrivant à un programme d’assistance financière du FMI en bonne et due forme, comme l’a souligné la directrice générale de l’OMC à Amine Salam. Durant son discours de juin, le ministre avait assuré que les dirigeants libanais étaient « confiants » sur la capacité du pays à atteindre les objectifs fixés et « bénéficier des effet positifs » qu’offre le statut de membre de l’OMC.

Bouclier international

Mais quels sont ces effets positifs ? Interrogé à ce propos, le ministre évoque en premier lieu le « bouclier international » dont pourra bénéficier le pays, petit et vulnérable, en cas de problème rencontré pour exporter ou importer des marchandises. Il estime ainsi que le Liban aurait eu moins de difficultés à se fournir en blé suite aux perturbations provoquées par le conflit entre la Russie et l’Ukraine, les deux plus grands producteurs mondiaux de céréales. « Si nous étions membre de l’OMC, les exportateurs n’auraient pas pu refuser aussi facilement » de vendre du blé au Liban, plutôt que de le réserver aux pays plus riches, regrette le ministre.

Cette protection s’inscrit dans un cadre plus global d’accords multilatéraux entre les 164 membres de l’OMC, explique le président du Mouvement international des chefs d’entreprise libanais (Midel) Fouad Zmokhol. Il met en exergue le fait que « les accords bilatéraux qui prévalaient auparavant ont été remplacés par des accords multilatéraux, chapeautés par l’OMC », et qu’ils sont aujourd’hui « nécessaires pour relancer la confiance » d’investisseurs et de commerçants refroidis par le défaut de paiement de l’État libanais sur ses obligations en devises en mars 2020. « Tous les échanges dépendent d’abord de la confiance, avant toute autre considération », ponctue encore Fouad Zmokhol.

Il ajoute que l’OMC offre également un cadre dédié pour résoudre les conflits liés au commerce. En cas de litige entre deux pays membres, l’OMC impose en effet que l’affaire soit jugée par une juridiction tierce, donc plus neutre, évitant les problèmes de partialité liée au fait que ce soit un juge appartenant à l’un de deux pays qui s’opposent qui se voit remettre le dossier.

Les tarifs douaniers

Au-delà de ces considérations, l’une des pierres angulaires de l’adhésion à l’OMC se situe sur le plan de la fiscalité, et plus précisément des tarifs douaniers. Un pays membre de l’organisation ne peut en effet plus taxer une majorité d’importations, même si certaines exceptions sont prévues (si le pays concerné traverse par exemple une crise économique). Une situation « gagnant-gagnant », selon Amine Salam, car le Liban importe plus « de 90 % de ses besoins », ce qui représente une large part de produits dont le prix de vente pourra être moins cher, dans un pays où plus de 74 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon l’Escwa.

L’ancien ministre de l’Économie Mansour Bteich est moins catégorique, dans la mesure où il met en avant le fait que les tarifs douaniers augmentent les recettes de l’État, qui peuvent être réaffectées dans le développement et la compétitivité de l’appareil industriel local. Or, si certains effets de la crise, comme la dépréciation de la livre, ont pu contribuer à baisser les coûts de production locaux (en diminuant les salaires), d’autres conséquences comme l’explosion des prix de l’énergie et du transport provoquée par la levée des subventions sur le carburant, la hausse des cours du brut et l’effondrement du secteur de l’électricité publique, ont eu l’effet inverse. En résumé, le ministre considère nécessaire d’étudier la question avant de décider si sacrifier les revenus des droits de douane aura plus d’avantages que d’inconvénients.

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Mais cette question serait déjà réglée, pour Amine Salam, qui révèle que le centre du commerce international discute actuellement avec le Liban au niveau des coûts de production des entreprises du pays, pour pouvoir mettre en place des tarifs douaniers dans l’intérêt de tous. Un rapport devrait être envoyé au Conseil des ministres à fin juillet, selon lui.

L’avis des industriels

Les principaux intéressés concernant les taxes douanières à l’entrée semblent enfin favorables à une adhésion libanaise à l’OMC, à en croire Salim Zeenni, nouveau président de l’Association des industriels (AIL). Pour cette dernière, l’abolition des taxes douanières consécutive à une adhésion du Liban à l’OMC « permettrait aux entrepreneurs qui travaillent dans les règles d’être à égalité avec le marché noir, qui importe des produits en contrebande, sans payer d’impôts ». Pour lui, l’argument consistant à affirmer qu’appliquer des barrières à l’entrée (les taxes douanières) protège l’industrie libanaise ne tient pas, une position qui s’aligne sur celle mise en avant en 2020 par un membre de l’Association des commerçants, Adnan Rammal.

Mais s’ils sont d’accord sur la finalité du processus, certains industriels craignent toutefois que le Liban ne soit pas à même de négocier une adhésion à l’OMC à des conditions suffisamment favorables pour ses propres acteurs économiques. Ils mettent en avant le fait que les accords commerciaux de libre-échange signés par le Liban avec l’Union européenne et les pays arabes ont généralement bénéficié davantage aux partenaires du Liban, insiste un des membres de l’AIL, Paul Abi Nasr. Concrètement, ces partenaires bénéficient d’exemptions de taxes, mais bloquent l’entrée des produits libanais sur leurs marchés via des barrières non tarifaires : critères de transparence et de qualité excessifs exigés par l’UE, ou encore des restrictions à l’importation du textile vers le Maroc et l’Égypte, deux pays dont une grande partie de la population vit de cette activité, pour ne citer que ces deux exemples. Or les aménagements de ce type de barrières non tarifaires « sont discutés lors des négociations des accords », précise l’industriel. Il est donc indispensable, selon lui, que les personnes qui s’en occupent soient suffisamment compétentes. Mais cette denrée est désormais de plus en plus rares dans une fonction publique dont les rémunérations ont été sapées par la dépréciation de la livre et qui est de plus en plus désertée par ses talents, que ce soit au ministère de l’Économie ou au sein d’autres administrations.


Et une tentative de plus ! Cela fait plus de vingt ans, 23 ans pour être précis, que le Liban a déposé sa candidature pour devenir un membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Une période pendant laquelle les autorités libanaises ont amorcé sans jamais les mener jusqu’au bout plusieurs rounds de négociations avec l’organisation internationale, qui été créée...

commentaires (3)

Un ministre seul, quelque soit ses compétences, ne peut pas savoir ce qui convient ou pas. Ce sont les acteurs de l'économie qui devraient mettre en place une task force pour préparer le chemin vers l'adhésion ou pas. En général, les pays nets exportateurs qui en profitent pas les nets importateurs.

Céleste

19 h 54, le 18 juillet 2022

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Commentaires (3)

  • Un ministre seul, quelque soit ses compétences, ne peut pas savoir ce qui convient ou pas. Ce sont les acteurs de l'économie qui devraient mettre en place une task force pour préparer le chemin vers l'adhésion ou pas. En général, les pays nets exportateurs qui en profitent pas les nets importateurs.

    Céleste

    19 h 54, le 18 juillet 2022

  • mais pas que, notre ministre incapable de la moindre initiative positive -a part celles ou il s'affiche devant les cameras en gueulant fort a menacer ( qui je ne sais pas ) ?, mais qui n'a aucune honte a depenser NOS sous lors de ses voyages qu'il sait infructueux, ne serait ce que pour nous.

    Gaby SIOUFI

    10 h 55, le 18 juillet 2022

  • accepter de faire adherer le Liban au OMC, maintenant ? ce serait tout bonnement aussi surprenant ridicule et inutile que remettre le prix nobel a la birmane Aung San Suu Kyi, qui vite fait fut aussi poursuivie et inculpee de mille et un crime .

    Gaby SIOUFI

    10 h 53, le 18 juillet 2022

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