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Économie - Disparition

Raymond Audi, esthète et architecte de Bank Audi, est décédé

Considéré par beaucoup comme un important mécène, le banquier lègue un héritage artistique particulièrement riche au Liban. 

Raymond Audi, esthète et architecte de Bank Audi, est décédé

Raymond Audi. Photo Michel Sayegh

Il aura réussi à transformer une entreprise familiale, fondée au début du XIXe siècle, en une banque de renommée internationale. Architecte de Bank Audi, Raymond Audi est décédé ce vendredi à 89 ans. Président honoraire du conseil d’administration de l’établissement depuis 2017, après avoir laissé sa place de président du conseil d’administration qu’il occupait depuis 1998 à Samir Hanna, l’ancien directeur de la banque depuis sa création officielle en 1962, avec son père Wadih Audi et ses frères Georges et Jean, a notamment chapeauté l’expansion de Bank Audi en dehors des frontières libanaises.

Si Raymond Audi est ainsi l’un des piliers du secteur bancaire libanais, en développant notamment la première banque d’investissement au Liban en 1974, il a également fait une incursion dans l’horizon politique du pays en 2008 lorsqu’il est nommé ministre des Déplacés sous la primature de Fouad Siniora. Un poste pour lequel il avait démissionné de la présidence du conseil d’administration de Bank Audi afin d’éviter tout conflit d’intérêts, mais qu’il n’occupera que jusqu’en 2009, date de la démission de cet exécutif.

Pourtant, comme l’indiquait L’Orient-Le Jour en 2012, peut-être aurait-il fallu le nommer ministre de la Culture. Né d’une mère artiste peintre, cet « esthète » a notamment contribué à embellir la ville de Saïda, au Liban-Sud, dont il est originaire, en fondant par exemple le célèbre musée du Savon, au sortir des vieux souks. Il a également contribué à mettre en valeur le patrimoine socioculturel et architectural de la ville via la Fondation Audi créée par ses soins en 2000. Cet « homme aux chantiers permanents », comme titrait le Commerce du Levant en 2005, aura même soutenu l’ascension de l’Everest et des six sommets de l’athlète libanais Maxime Chaaya.

Décoré de l’ordre national du Cèdre au grade d’officier (1998), de la Légion d’honneur au grade de chevalier (2003), Raymond Audi possède à son palmarès une collection de distinctions, dont celle de « banquier de l’année » reçue en 2014 par l’Association des banquiers arabes à Londres.

Expansion internationale
Ayant commencé sa carrière par un stage à la banque Misr, Raymond Audi se rend ensuite au Koweït dans les années 1950 où il rencontre Hajj Hamad al-Houmaïdi, qui vient de créer la Banque commerciale du Koweït et souhaite s’étendre au Liban en association avec la famille Audi. Ce sera chose faite quelques années plus tard pour un partenariat à succès, malgré une période turbulente au Liban (la faillite de la banque Intra en 1967 et la guerre civile de 1975 à 1990), qui permettra le développement du groupe Audi, en fera l’un des principaux établissements bancaires au Liban et le lancera à l’international. Ainsi, sous la présidence de Raymond Audi, plusieurs filiales sont créées à l’étranger, notamment en Suisse (1975), en France (1979), en Jordanie (2004), en Syrie (2005), en Égypte, au Soudan et en Arabie saoudite (2006), ainsi qu’au Qatar (2007).

Resté un an à la tête de l’Association des banques au Liban (1993-1994), Raymond Audi a légué son savoir-faire financier à sa fille, Shérine Audi, qui est aux manettes de Bank Audi France en tant que directrice générale depuis 2010 et fait partie du conseil d’administration du groupe Audi et de celui lié à la conformité (lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme). Shérine Audi est ainsi la seule à avoir suivi son père dans le secteur financier, ses deux frères Pierre et Paul ayant choisi d’autres voies, en l’occurrence la mise en scène et la philosophie. Avec 5,01 % des parts du groupe au 31 décembre 2021, la famille Audi est son 4e plus grand actionnaire.

Héritage familial
Cet amateur d’art n’hésite pas à jeter des ponts entre cet engouement et le monde des finances, comme lorsqu’il confiera au célèbre architecte Kevin Dash les plans du siège social de Bank Audi au cœur de Beyrouth. Un bâtiment célébré par les amateurs d’art pour sa collection riche de centaines de toiles de peintres français comme Jacques Villon, Édouard Villard et Bernard Buffet, mais aussi libanais comme Amine el-Bacha, Chafic Abboud ou encore Mohammad el-Rawas, ainsi que des sculptures telles que la Tour Dentellière de Jean Dubuffet. Sans oublier la célèbre Villa blanche, connue sous le nom de villa Audi, dans le quartier d’Achrafieh, que Raymond Audi a transformée en musée de mosaïques. Trésorier du Comité des amis du musée national de Beyrouth, qu’il a contribué à restaurer, Raymond Audi laisse ainsi une trace indélébile au Liban en lui léguant une panoplie de créations et d’investissements, comme Faqra Club, fondé en 1974, qui a transformé cette localité du Kesrouan en cité des neiges prisée jusqu’à ce jour des amateurs de glisse. Il quitte aussi un pays en grave crise économique et financière depuis bientôt trois ans.

Crise nationale
À fin décembre 2018, soit quelques mois avant le début de cette crise, Bank Audi était la plus grande banque du pays en termes d’actifs (47,22 milliards de dollars) et de dépôts (31,966 milliards), devant BLOM Bank et la SGBL. Depuis, Bank Audi, à l’instar de tous les établissements bancaires du pays, est la cible de la colère d’une grande partie de la population, en raison de l’imposition de restrictions sur les dépôts en devise à l’entame de la crise. L'établissement est également cité dans des affaires portées devant les justices libanaise et suisse.

Au cours des dernières années de sa vie, Raymond Audi aura donc été témoin d’un changement de monde, et aura notamment vu le groupe qu’il a contribué à bâtir au-delà des frontières du pays être contraint de se séparer de plusieurs filiales et agences à l’étranger. 

Il aura réussi à transformer une entreprise familiale, fondée au début du XIXe siècle, en une banque de renommée internationale. Architecte de Bank Audi, Raymond Audi est décédé ce vendredi à 89 ans. Président honoraire du conseil d’administration de l’établissement depuis 2017, après avoir laissé sa place de président du conseil d’administration qu’il occupait depuis 1998...

commentaires (10)

Toute notre compassion

mère brigitte may

21 h 14, le 16 juillet 2022

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Toute notre compassion

    mère brigitte may

    21 h 14, le 16 juillet 2022

  • Sincères Condoléances à la famille Audi. Un des bons Libanais des années d’or du Liban. Bien qu’il était un entrepreneur hardi et réussi, Mr Raymond Audi était toujours prêt à aider les bons gens autant que possible. Toujours bon conseil, à qui l’écoute. Parmi ses conseils, je retiens qu’il est mieux de rester toujours flexible, même en vieillissant, pour réussir et mieux savourer la vie. Amoureux de l’art et perfectionniste, il s’intéressait au plus petit beau détail. D’exemple le kiosk de garde de la villa Audi, que j’avais le rôle de concevoir et bâtir, en tant qu’architecte de la banque, lorsqu’il passait pour inspecter le détail de l’auvent en béton brut, pendant la construction. Je m’imagine qu’actionnaire à 5%, les Audi n’auront pas pu éviter le sévère comportement de la banque envers les déposants. Adieu Raymond Audi.

    Hani Akaoui / SKEMATICS

    21 h 01, le 16 juillet 2022

  • Sincères Condoléances à la famille Audi. Un des bons Libanais des années d’or du Liban. Bien qu’il était un entrepreneur hardi et réussi, Mr Raymond Audi était toujours prêt à aider les bons gens autant que possible. Toujours bon conseil, à qui l’écoute. Parmi ses conseils, je retiens qu’il est mieux de rester toujours flexible, même en vieillissant, pour réussir et mieux savourer la vie. Amoureux de l’art et perfectionniste, il s’intéressait au plus petit beau détail. D’exemple le kiosk de garde de la villa Audi, que j’avais le rôle de concevoir et bâtir, en tant qu’architecte de la banque, lorsqu’il passait pour inspecter le détail de l’auvent en béton brut, pendant la construction. Je m’imagine qu’actionnaire à 5%, les Audi n’auront pas pu éviter le sévère comportement de la banque envers les déposants. Adieu Raymond Audi.

    Hani Akaoui / SKEMATICS

    20 h 40, le 16 juillet 2022

  • on ne dit pas du mal des morts dit on, oui mais ......

    Gaby SIOUFI

    09 h 33, le 16 juillet 2022

  • Un grand homme. On a besoin de plus de Raymond Audis et de moins de Nabih Berris dans le pays. RIP...

    Tina Zaidan

    08 h 51, le 16 juillet 2022

  • Un grand Homme s'en est allé. Il appartenait à la race des Seigneurs. Reposez en Paix Monsieur Raymond ???? Rajiha Waegell

    Kelotamam

    21 h 02, le 15 juillet 2022

  • Toutes mes condoléances aux proches. Un bâtisseur et un ambitieux qui s'en va...

    Georges Olivier

    20 h 11, le 15 juillet 2022

  • L’homme avec le plus d’éthique que j’ai rencontré. Qu’il repose en paix

    hakim fouad

    20 h 02, le 15 juillet 2022

  • POURTANT ILS ONT MAL GERE, POUR NE PAS DIRE VOLE, LES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS ET LES ONT POUSSE AVEC LES AUTRES BANQUES A L,APPAUVRISSEMENT ET A LA FAMINE ET AU DESESPOIR D,UN LENDEMAIN INCONNU POUR EUX ET LEURS FAMILLES. - ALLAH YIRHAMOU.

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    19 h 05, le 15 juillet 2022

  • Requiescat In Pace Raymond

    Gros Gnon

    18 h 34, le 15 juillet 2022

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