Une semaine après ses déboires avec Primesouth, dans une affaire d’arriérés de paiement a priori en voie de résolution, le fournisseur public Électricité du Liban se retrouve une nouvelle fois contraint d’accroître le rationnement déjà extrême imposé aux foyers libanais. La faute, cette fois encore, à un retard désormais chronique d’approvisionnement en carburant via le dernier canal encore accessible au pays en crise aiguë depuis 2019 : l’accord d’importation et d’échange d’hydrocarbures irakiens.
Or la livraison du mois prévue dans ce cadre ne sera ni déchargée ni prête à l’emploi avant le 28 juillet, selon un communiqué d’EDL publié hier, qui affirme se baser sur des données du ministère de l’Énergie et de l’Eau. La situation oblige donc le fournisseur à mettre « provisoirement » à l’arrêt la centrale thermique de Zahrani (Liban-Sud), une des deux unités de production majeures encore approvisionnée en carburant. Le site possède une capacité totale d’environ 450 mégawatts (MW), dont seule une portion est déployée depuis plusieurs mois faute de carburant suffisant.
En éteignant Zahrani, EDL espère maintenir un niveau minimum de courant jusqu’au 25 juillet en comptant sur les unités encore en marche de la centrale de Deir Ammar (450 MW, qui ne fonctionne pas à plein régime comme Zahrani) et celles de Baalbeck (Békaa) et de Tyr (Liban-Sud), qui déploient moins de 100 MW chacune et ne fonctionnent pas non plus à plein régime.
« En ajoutant les 100 MW de capacités hydrauliques disponibles, cela devrait totaliser 300 MW tout au plus à l’échelle nationale, soit à peine de quoi fournir une heure de courant par jour à tous les abonnés d’EDL, si le réseau arrive à rester stable à ce faible niveau », a expliqué à L’Orient-Le Jour Marc Ayoub, chercheur au Issam Fares Institute for Public Policy and International Affairs de l’AUB. Le plus grave, c’est que les Libanais ne peuvent déjà pas compter sur plus de deux à quatre heures d’électricité publique par jour, en moyenne et dans le meilleur des cas, depuis des mois et avec d’importantes disparités d’une région à l’autre. Une pénurie qui a accru leur dépendance aux générateurs privés, tandis que leur facture énergétique a explosé avec la levée des subventions de la Banque du Liban sur le mazout.
Cinq jours de carburant
Passé le 25 juillet, EDL redémarrera Zahrani avec « cinq jours » de carburant dans ses cuves, soit de quoi en théorie tenir jusqu’à ce que le prochain chargement soit livré et prêt à l’emploi. Pour conclure, le fournisseur explique avoir dû prendre ces mesures pour jongler au mieux avec les faibles quantités de carburant qui lui sont livrées via l’accord avec l’Irak, ces dernières ayant diminué comme peau de chagrin parallèlement à la hausse des cours mondiaux du pétrole qui s’est accentuée depuis le début de la guerre en Ukraine fin février. Ainsi, EDL a indiqué n’avoir reçu que 33 900 tonnes de gasoil pour juin (un des combustibles utilisés par ses centrales), lors de la dernière livraison, réparties entre Deir Ammar et Zahrani. Un total en nette baisse par rapport à ce qu’elle recevait il y a un peu moins d’un an, lorsque l’accord avec l’Irak avait commencé à être mis en œuvre, et qui ne lui permet plus de tenir que « 18 jours » sur un mois en fonctionnant plus ou moins normalement. Enfin, ce n’est pas la première fois depuis le début de l’année qu’EDL affirme devoir limiter sa production pour pouvoir tenir jusqu’au prochain ravitaillement.
Sous assistance respiratoire depuis le début de la crise et abandonnée par la classe dirigeante, Électricité du Liban est structurellement incapable de financer ses besoins en carburant sans avances du Trésor, ses tarifs étant figés, ses revenus encaissés en livre (qui a perdu 95 % de sa valeur) et ses pertes devenues importantes. Alors que les volets de l’initiative américaine annoncée en août dernier et visant à pallier une partie du déficit de production d’EDL ne se sont toujours pas concrétisés, le Liban tente de prolonger son accord avec l’Irak, conclu pour un an et qui arrive à échéance fin août, pour se maintenir. Si Bagdad s’est dit disposé à renouveler cet accord, ce sera cependant au prix de certains aménagements, selon ce qui est ressorti des échanges lors de la récente visite officielle en Irak du ministre sortant de l’Énergie Walid Fayad.
Interrogé par L’Orient Today, le ministre a affirmé avoir proposé aux hauts responsables irakiens que le renouvellement de l’accord s’accompagne d’une « hausse des tarifs de l’électricité » au Liban. Une garantie donnée alors que le pays n’a toujours pas réglé son ardoise pour la première année en vertu du mécanisme qui prévoit le déblocage d’une enveloppe servant à acheter des « services » au Liban. Le tout pour une facture dont le montant exact n’est pas connu. Selon Walid Fayad, la liste des services doit encore être définie. Le ministre a enfin ajouté que la décision de renouveler ou non l’accord était entre les mains des autorités irakiennes et qu’il explorait d’autres pistes parmi les pays arabes pour acheter du carburant pour EDL, citant l’Algérie comme une des alternatives possibles.
"accroître le rationnement" ??? Je suis a 45mn/jour !!! Heureusement qu'on peut metre du solaire dans nos montagnes.
09 h 23, le 14 juillet 2022