Le point de vue de...

Parlementarisme précaire et convergence introuvable

Parlementarisme précaire et convergence introuvable

D.R.

D eux illusions hâtivement partagées aux premiers jours après les élections semblent s'être largement dissipées depuis.

Ainsi en est-il de la bancale majorité « souverainiste » dont on croyait que le seul écueil réside dans la fracture entre les néo-souverainistes de la « Thawra » et les vieux-croyants du 14-Mars, les Forces libanaises (FL) à leur tête.

Il s'est avéré subrepticement puis au grand jour que l'hémicycle est resté plutôt comme après les élections de 2018, sous la houlette du Hezbollah et de sa double alliance avec le chef pérenne de la chambre et les aounistes, profitant de surcroît du naufrage du pôle hégémonique haririste sur l'échiquier sunnite.

Corrélativement, la chimérique réhabilitation du Parlement comme épicentre de la vie politique semble s'être elle aussi volatilisée, le « jeu institutionnel » encore plus étouffé qu'auparavant.

Les emballements sur le « retour de la politique » se sont montrés après tout si insipides qu'elles n'ont pas pu inciter à de belles prises de bec parlementaires jusqu'à présent, mais plutôt à des scènes de vantardise au milieu de tout ce marasme et de tout ce désarroi dans un pays laissé aux abois.

Pourtant, le Hezbollah n'avait nullement besoin d'exceller en dextérité pour cacher dans son long chapeau de magicien les deux lapins invisibles de la majorité parlementaire « réelle » et de la permanente suspension du jeu des institutions. À vrai dire, c'est la perte d'une vue d'ensemble de la nature du nouveau Parlement qui a subjugué les engagements ainsi que les attentes de tous les adversaires du Hezbollah durant la période de la campagne électorale.

Le Hezb n'avait nul besoin de chercher à pirater leur attention. Une distraction fondamentale surdéterminait leurs perspectives, alors même que leurs slogans se recoupaient quand il s'agissait du Hezb et de sa mainmise sur le pays.

Pour les FL et pour ceux du « changement », la question la plus évidente à se poser à la veille d'une échéance électorale, à savoir qui va remporter la nouvelle majorité parlementaire, ne se posait que sporadiquement et dans les marges. On cherchait plutôt à se démener autant que possible de la charge démoralisante soupçonnée sous-jacente à un tel ordre de questionnement.

Au principe du réel on a préféré, et pour des mois consécutifs, l'euphorie, puis le déni, n'acceptant guère de réaliser tout simplement que le Hezbollah détient les fils dans ce paysage parlementaire, et qu'on ne saurait se passer de la discussion sur les meilleures conditions propices à contrecarrer sa prépondérance et que, en se refusant le dialogue lucide entre différents, entre ceux de l'ancien 14-Mars qui se traitent les uns les autres comme parias d'ailleurs et les néo-souverainistes d'une partie au moins des députés du 17 octobre, il ne resterait plus grand chose à faire à l'intérieur des institutions.

Un tel dialogue n'a aucune garantie d'y aboutir, encore que la dissension n'est nullement minime au sujet des banques, du dit fond souverain, de la répartition des pertes ainsi que des perspectives du redressement. Il reste pourtant si nécessaire de l'entamer, faute de quoi les anti-hezbollahi de l'actuel Parlement vont perdre leur temps à se bouder et à se snober les uns les autres en s'enlisant dans l'étourderie de l'attente des échéances législatives de 2026 comme si on ne devait se contenter pour cette année que des fanfaronnades célébrant ce qui s'amorce seulement comme prélude. Ce « préludisme » n'est qu'une forme si niaise de fatalisme. Il est urgent de penser et d'agir dans l'ici et le maintenant.

Faute de coordination « 14/17 », les scènes de la réélection de Nabih Berri, de l'élection d'Élias Bou Saab et de l'éviction des députés du 17 octobre des commissions parlementaires n'ont fait qu'augmenter la déception et la méfiance mutuelle entre les nostalgiques du moment 2005 et ceux du moment 2019.

Or, que dire lorsque ceux qui sont censés être les plus expérimentés ont préféré manquer à leur engagement parlementaire et feindre l'amateurisme en se refusant de nommer un candidat au poste de Premier ministre lors des consultations « contraignantes », alors que du moins, quoique après maintes tractations, la majorité des élus du 17 octobre a su éviter le vote blanc ?

Il demeure qu'il n'y a plus suffisamment de temps pour les remords et l'amertume. Les élections présidentielles s'approchent. Un éventuel vide constitutionnel s'annonce au milieu de l'effondrement. La frustration se généralise et les dissensions s'approfondissent. Une prise de conscience critique et sereine de la totalité de la situation présente est exigée, mais elle ne serait rendue possible en se tenant à l'écart d'un appel à la grande convergence entre ceux qui tiennent à des narrations différentes, à des ordres de responsabilisation différents, mais qui ne peuvent en même temps ne pas partager un point d'intersection essentiel, en admettant que le problème de la mainmise du Hezbollah sur le pays et les institutions est encore plus pénible que tous les autres problèmes, et qu'à un « Que faire ? » face au Hezbollah devrait faire écho simultanément une meilleure reconnaissance de la déchirure interne autour de ce problème, une déchirure ne pouvant être assumée sans revenir à se poser les conditions de refondation des deux contrats, social et politique, entre Libanais.

D eux illusions hâtivement partagées aux premiers jours après les élections semblent s'être largement dissipées depuis. Ainsi en est-il de la bancale majorité « souverainiste » dont on croyait que le seul écueil réside dans la fracture entre les néo-souverainistes de la « Thawra » et les vieux-croyants du 14-Mars, les Forces libanaises (FL) à leur tête. Il s'est avéré...

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