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Campus - MULTICULTURALISME

Quand l’origine des plats traditionnels favorise le dialogue des cultures

Porté par l’association française Konstelacio, le projet Ursino engage des adolescents de 9 pays autour des traditions culinaires. Au Liban, c’est un groupe de 3e de l’école des Trois Docteurs, à Beyrouth, qui a participé à cette activité, autant formatrice que ludique.

Quand l’origine des plats traditionnels favorise le dialogue des cultures

Les participants de l’école des Trois Docteurs, élèves et éducateurs, avec des membres de l’association Konstelacio. Photo Simon Guyomard

À travers son projet Ursino, l’association Konstelacio — constellation en langue espéranto — veut tracer des ponts entre des jeunes de cultures différentes via les traditions culinaires. Signifiant « ourse » en espéranto, le mot ursino a été choisi par l’association pour renvoyer à la constellation de la Grande Ourse, surnommée la casserole comme un clin d’œil à l’art culinaire. Ce projet itinérant engage des adolescents de la France, du Liban, de l’Italie, du Maroc et de l’Irlande, dans une première étape qui s’étalera jusqu’à la fin de cette année, puis d’autres, issus de la Nouvelle-Zélande, du Bénin, de l’Argentine et du Canada, lors de la seconde étape qui s’achèvera fin 2023. « Les cultures, c’est comme les étoiles. Elles sont plus ou moins éloignées les unes des autres. Elles ont toutes leurs histoires. Plus on en est proche, plus elles nous éblouissent et moins on voit les autres. Mais quand on les relie, on leur trouve un sens que représentent les constellations », explique, un brin poétique, Charlotte Courtois, fondatrice et coordinatrice de l’association dont l’objectif est la sensibilisation au dialogue entre les cultures. Pour Konstelacio, inciter les jeunes à accorder de la valeur à leurs propres identités culturelles est tout aussi important que de susciter leur intérêt dans la découverte des autres cultures. Dans cette perspective, le projet Urbino propose aux adolescents de partir en quête des racines de leurs plats traditionnels et des origines des ingrédients qui les composent pour qu’ils découvrent que, en fin de compte, ceux-ci se sont enrichis, au fil du temps, grâce au métissage culturel. « L’idée est de montrer que nos cultures sont déjà le résultat de dialogues et de rencontres entre les peuples. Même des plats typiques de nos cultures contiennent des ingrédients qui viennent d’ailleurs », poursuit Charlotte Courtois. Pour Nayla Khoury Daoun, directrice de l’école des Trois Docteurs qui, au Liban, a pris part au projet, Ursino est une leçon d’histoire. Si ce projet sensibilise sur « la diversité culturelle », il permet également de constater « qu’il y a des habitudes qui se ressemblent parfois dans des pays éloignés, et parce qu’on ne les connaît pas, on a tendance à s’en méfier. Cela permet de développer la tolérance », assure-t-elle. Charlotte Courtois indique d’ailleurs que si le Liban compte parmi les pays sélectionnés pour prendre part au projet, c’est non seulement grâce à la renommée de sa gastronomie, mais aussi pour son art culinaire, qui s’est enrichi à travers les phases de son histoire grâce aux nombreux échanges avec les autres peuples, ou encore pour le rôle qu’a joué la diaspora dans la diffusion de ses plats emblématiques.

Des plats libanais typiques ou menacés de disparition

Au Liban, Konstelacio a ainsi accompagné treize adolescents de 14 ans, élèves de l’école des Trois Docteurs, établissement scolaire inclusif accueillant, au même titre que ses autres élèves, des enfants présentant des difficultés d’apprentissage. Mené en trois phases correspondant chacune à une semaine, le projet a débuté au Liban en octobre 2019, avant qu’il ne soit interrompu par les manifestations de la thaoura puis suspendu à cause de la pandémie de coronavirus. Lors de la première semaine, ces élèves, qui avaient alors 12 ans, avaient collecté des recettes traditionnelles auprès de leurs familles et de leur communauté. « J’ai voulu participer à ce projet pour connaître ma culture et mes traditions », se rappelle ainsi Kyra Moubarak. L’équipe de Konstelacio avait poussé ces jeunes à enquêter sur d’autres aspects que les recettes, comme leurs souvenirs et les rituels liés au plat, la personne qui leur a transmis la recette ou ses variantes potentielles. « Cela les a engagés dans des discussions avec leur entourage, observe Charlotte Courtois. Lorsqu’on intervient auprès des enfants, on est toujours dans l’objectif de susciter des questionnements pour qu’ils puissent découvrir par eux-mêmes et apprendre à partager leur propre culture », ajoute-t-elle. Ce sont les plats typiques ou ceux en voie de disparition qui ont été retenus. Avec son groupe, Kyra Moubarak avait proposé la recette de la mjaddara. « C’est un plat connu au Liban. Nous avons recherché des plats similaires. Nous nous ne nous attendions pas à autant de recettes alternatives ! » lance-t-elle.Revenue au Liban au printemps dernier, l’équipe de Konstelacio a repris les ateliers d’Ursino en mai. En deux semaines, travaillant en groupe, les élèves, aujourd’hui en classe de 3e, ont mené des recherches historiques pour découvrir l’origine des plats et des ingrédients. « Je ne m’attendais pas à ce que l’histoire des ingrédients me fascine autant », avoue Michel Yaacoub, qui a travaillé sur les recettes du cheikh el-mehchi et de la moussakka’a à base d’aubergine.Lors de la seconde phase, les informations obtenues par les jeunes ont été envoyées à l’ONG libanaise Food Heritage Foundation pour vérification et correction. L’un des principes d’Ursino est de collaborer avec des entités locales, des historiens de l’alimentation et un chef cuisinier. Au Liban, le chef Youssef Akiki a ainsi parlé aux élèves de son parcours, de recettes qui se perdent, et les a même invités à effectuer un stage chez lui. Lors de la troisième phase, Konstelacio a réalisé des vidéos où les jeunes participants expliquent leurs découvertes. « Ce qui est intéressant dans cette approche, c’est la notion intergénérationnelle, mais inversée. Normalement, ce sont les anciens qui apprennent à leurs enfants ce qu’est leur culture, mais là, ce sont les jeunes qui partent chercher l’information, qui l’analysent et qui la retransmettent, enrichie de leurs recherches », indique avec enthousiasme Charlotte Courtois. Kyra Moubarak précise d’ailleurs qu’Ursino lui a ouvert les yeux sur les traditions et la culture culinaires du Liban. « Cette expérience m’a aidée à me rapprocher de mon propre pays », confie-t-elle.Dans un souci de partage, leurs petits films seront diffusés sur la page YouTube, les réseaux sociaux et le site web de l’association au fur et à mesure du déroulement des projets dans les pays. « J’espère que le projet Ursino permettra, via les vidéos, que les gens comprennent mieux les cultures des autres », ambitionne Michel Yaacoub. « Le fait que nous ayons pu montrer notre culture au monde entier est incroyable. Et voir autant de pays à travers le monde partager les mêmes cultures est vraiment excitant », se réjouit Kyra Moubarak.À la fin du projet, Konstelacio publiera un livre de recettes de cuisine qui inclura 5 recettes par pays, leurs photos, ainsi que des anecdotes et des rituels rapportés par les élèves et assortis d’éléments historiques issus de leurs recherches. Pour en savoir plus sur ce projet : Instagram @konstelacio_officiel ; Facebook Konstelacio et sur Youtube

www.youtube.com/user/konstelacio


À travers son projet Ursino, l’association Konstelacio — constellation en langue espéranto — veut tracer des ponts entre des jeunes de cultures différentes via les traditions culinaires. Signifiant « ourse » en espéranto, le mot ursino a été choisi par l’association pour renvoyer à la constellation de la Grande Ourse, surnommée la casserole comme un clin d’œil à...

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