Rechercher
Rechercher

Culture - Entretien exclusif

Beyrouth accueillera en octobre son premier festival littéraire et les académiciens du Goncourt

Parce que la « culture n’est pas un accessoire ni un luxe », dixit l’ambassadrice de France Anne Grillo, et comme marque de soutien à une cité meurtrie qui a longtemps été la capitale du livre de la région, 50 auteurs francophones investiront 30 lieux de la ville du 25 au 30 octobre 2022 pour un rendez-vous avec un événement inédit, un festival international et francophone du livre intitulé « Beyrouth Livres », initié et porté par l’Institut français du Liban (IFL) avec les acteurs du livre francophones et libanais. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le festival s’ouvrira avec l’annonce depuis Beyrouth et par l’ensemble de l’académie Goncourt des 4 finalistes du prix Goncourt 2022. Mathieu Diez, attaché pour le livre et le débat d’idées à l’IFL et commissaire général de cet événement festif et « crises proof » en dévoile, et en primeur pour « L’Orient-Le Jour », les temps forts.

Beyrouth accueillera en octobre son premier festival littéraire et les académiciens du Goncourt

Mathieu Diez : « Une cinquantaine d’auteurs internationaux invités seront déployés à travers Beyrouth, mais aussi dans les régions. » Photo M.G.H

Le Liban a fêté en 2018 la 25e édition de son Salon du livre francophone. Et depuis 4 ans, cet événement, qui était devenu un incontournable des annales culturelles locales et régionales, a disparu de l’agenda. « Beyrouth Livres » est-il en quelque sorte la version 2.0 du Salon ?

En 2019, le Salon avait en effet été annulé en raison de la thaoura, ensuite il y a eu la pandémie, l’explosion au port de Beyrouth et les crises diverses…

J’ai assumé mes fonctions en septembre 2021 et je n’ai jamais assisté au Salon du livre de Beyrouth. Mais je me suis beaucoup documenté et d’après les nombreux témoignages, j’ai ressenti l’attachement affectif profond des Libanais, même non francophones, envers ce Salon qui était comme le vaisseau amiral de la francophonie dans l’événementiel culturel du Liban.

En octobre 2021, nous avons organisé le Festival de la bande dessinée à Beyrouth qui s’était révélé comme une sorte de ballon d’essai. Il a eu une bonne réception et cela nous a fait réfléchir sur ce nouveau format d’organisation où plusieurs événements se déroulent dans plusieurs lieux de la ville. Parce que, de toute façon, le format tel qu’il se tenait avant ne fonctionne plus dans le Liban d’aujourd’hui, malheureusement. Le Salon était basé sur la vente de livres importés qui sont désormais inaccessibles à la plupart des Libanais. Avoir cela comme cœur de l’événement est décalé à présent, presque indécent. Il faut également considérer la situation économique des libraires et des éditeurs qui fait que ce montage est inopérant. Sans oublier le fait que le mécénat est désormais compliqué. Il fallait alors se tourner vers un format différent et organiser un festival littéraire.

En quoi ce festival est-il différent des Salons précédents ?

Le Salon du livre, c’était une logique de stands, d’éditeurs, une foire du livre adossée à une agora et des panels de très bonne qualité, réunissant plusieurs intervenants. Le format, bien différent, dans lequel nous allons basculer est celui d’un festival littéraire moderne et pluridisciplinaire, comme il s’en monte dans de nombreux pays. Ce sera le premier festival international et francophone du livre de Beyrouth, intitulé « Beyrouth Livres ». Francophone parce qu’il est important de garder l’identité francophone du festival. Son ADN, ce sont des auteurs qui écrivent en français. Mais cela dit, le festival sera accessible aux non-francophones : les rencontres, conférences et panels seront traduits simultanément vers l’arabe et l’anglais.

Concrètement, comment se déroulera ce festival littéraire ?

Une cinquantaine d’auteurs internationaux invités seront déployés à travers la ville de Beyrouth (mais aussi dans les régions) avec des rendez-vous dans une trentaine de lieux dispersés à Hamra, Gemmayzé, Monnot, l’Institut français de Beyrouth, etc. pour des escales dans des musées, des théâtres, des galeries, dans la rue...

L’idée, c’est d’inventer des formats nouveaux, un peu comme nous avions fait lors du Festival de la bande dessinée et un peu comme ce que je faisais avant, lorsque je m’occupais du festival Lyon BD (dont il a été le fondateur puis directeur sur plusieurs années). Il s’agit également de programmer des événements pluridisciplinaires, de confronter des auteurs avec des comédiens, des musiciens ou des danseurs pour des concerts dessinés, des lectures à voix haute… Cette diversité de formats, adossée à une diversité de lieux et à un éclatement sur la ville, c’est quelque chose de très moderne mais aussi de très accessible. Nous pouvons toucher un public très large, de tous âges, de plusieurs catégories socio-professionnelles et même des gens qui ne lisent pas, ou pas encore.

C’est un format qui est, toutes mesures gardées, « crises proof » (imperméable aux crises). Il est adapté à la situation actuelle du Liban. Tout sera gratuit. C’est un festival non pas basé sur la vente de livres, mais sur la rencontre avec les auteurs, les écrivains.

Bien sûr, les librairies seront associées, parce qu’il faut également les soutenir, et ceux qui le voudront pourront acquérir des livres. Mais l’important, c’est que tout le monde pourra aller dans un théâtre écouter un auteur, le rencontrer, parler librement avec lui, voir ces formats un petit peu hybrides avec d’autres disciplines.

Vous insistez sur l’accessibilité, la pluridisciplinarité, le croisement des arts et des lettres…

En effet, c’est très important. Le français ne sera pas une condition d’accès au contenu et aux auteurs. Mais plutôt quelque chose qui va intéresser le public parce qu’on l’aura rendu accessible à ceux qui ne parlent pas ou ne lisent pas le français. Il n’y a pas de condition pour participer à « Beyrouth Livres ». Ni économique ni culturelle.

L’un des temps forts de ce festival est bien sûr la venue des membres de l’académie Goncourt et l’annonce depuis Beyrouth des 4 finalistes du prestigieux prix. Qui, que, quoi, comment ?

L’ambassadrice de France Anne Grillo a invité l’académie Goncourt à venir au Liban, pays qui possède déjà des liens avec l’institution littéraire puisque plusieurs de ses membres s’y sont rendus à l’occasion de plusieurs Salons du livre. Par le fait que nous sommes en train de recréer un événement littéraire dans des conditions qui ne sont pas très évidentes et par le lien que l’académie possède avec le Liban, ils ont généreusement accepté l’invitation. Les académiciens tiendront donc leur 3e déjeuner à la résidence des Pins, à l’issue duquel ils annonceront les 4 finalistes du prix, le mardi 25 octobre.

Les membres de l’académie Goncourt participeront eux aussi à des événements littéraires dans la capitale et même dans les régions. Il y aura une grande rencontre le mercredi 26 en fin d’après-midi avec tous les académiciens réunis sur une scène ouverte au public.

À signaler par ailleurs que la clôture du festival, le dimanche 30 octobre, verra la proclamation du Goncourt choix de l’Orient en présence des 33 jurés régionaux.

Les dix membres de l’académie Goncourt : Didier Decoin, Françoise Chandernagor, Tahar Ben Jelloun, Patrick Rambaud, Paule Constant, Philippe Claudel, Pierre Assouline, Éric-Emmanuel Schmitt, Camille Laurens et Pascal Bruckner. Photo académie Goncourt sur Facebook

Parmi les auteurs invités, des noms à dévoiler déjà ?

Je peux en mentionner quelques-uns : l’écrivain, éditeur, journaliste et diplomate français Daniel Rondeau ; l’auteur et réalisateur en solitaire de Kirikou Michel Ocelot ; l’académicienne, philosophe et philologue Barbara Cassin ; Ryoko Sekiguchi, une auteure japonaise qui vit à Paris et qui écrit en français sur le Liban. Mais aussi l’écrivaine, journaliste, éditrice et Prix Femina 2021 Clara Dupond Mono ; les auteurs de bande dessinée Fabien Toulmé et Charles Berberian; l’illustrateur et auteur de littérature de jeunesse et de bande dessinée Marc Boutavant ; l’auteure Marie Darrieussecq ; le créateur de Max et Lili et de SamSam Serge Bloch. Évidemment, il y aura aussi des auteurs libanais comme Chérif Majdalani, Hyam Yared, Lamia Ziadé, Michèle Standjovski, Mazen Kerbage, Zeina Abirached et d’autres qui restent à confirmer.

C’est un plateau d’auteurs dont je suis fier. Je suis fier également de la diversité de la francophonie venant de 15 pays qui y sont représentés. Nous dévoilerons plus tard les auteurs venant d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, du Cameroun, du Togo, du Tchad, d’Égypte, du Canada, de Suisse, de Belgique, d’Haïti et de France évidemment. Le parlement des écrivaines francophones (elles sont une quinzaine) a également répondu à l’invitation. Dans ce festival, les femmes seront mieux représentées que les hommes.

L’IFL possède 8 antennes à travers le pays. Pensez-vous les inclure dans ce festival littéraire ?

Le festival ne se limitera pas géographiquement à Beyrouth, afin de ne pas exclure une grande partie de la population qui ne pourra pas venir dans la capitale. Nous réfléchissons à des projets qui nous permettront d’être un peu partout. Une partie des auteurs du festival seront invités à venir au Liban en amont et ils pourront avoir quelques grands rendez-vous à Tyr, à Saïda, à Deir el-Qamar, à Tripoli et même à Baalbeck parmi les ruines. Ils seront accueillis aussi dans les antennes, mais pas que. Nous avons des discussions avec le palais Debbané, avec la Fondation Audi… C’est un projet initié et porté par l’IFL, mais auquel sont associées les ambassades francophones de même que des représentations de Belgique, de Suisse, du Canada... Les universités aussi, de même que plusieurs partenaires libanais. C’est un festival par et pour les Libanais avec une dimension internationale.

Que pourrait offrir ce festival à la jeunesse du pays ?

Au moment du Festival de la bande dessinée en octobre 2021, nous nous sommes rendu compte de l’appétence du scolaire et de la jeunesse, qui pendant ces dernières années n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent. Nous allons donc créer plusieurs temps forts durant le festival qui leur seront dédiés. Comme par exemple le « Quart d’heure de lecture nationale ». L’objectif de cet événement est d’inviter la jeunesse à découvrir le goût de la lecture en s’offrant, comme ce qui se pratique dans les écoles françaises depuis 2018, 15 minutes de lecture d’un livre au choix. C’est beau, ce côté « on s’arrête et tout le monde lit ». Ce sera sans doute le lundi du début du festival, vers 11h. Et là aussi, il s’agira d’inviter toutes les écoles du pays à participer, et non seulement les francophones homologuées, dans l’esprit de diversité et d’inclusion du festival.

Quid des professionnels du livre qui tablaient sur le Salon pour présenter les dernières parutions à Beyrouth ?

Autour de cette programmation ouverte au grand public, il y aura des rencontres entre les professionnels du livre. Ils viendront du Canada, de Suisse, de Belgique pour aller à la rencontre des acteurs du livre ici, que ce soit les éditeurs, les libraires, les auteurs, les maisons des écrivains. Nous comptons également sur la participation de plusieurs festivals littéraires comme Québec en toutes lettres, Passa porta (Belgique), Lyon BD...

Quatre ans sans Salon du livre, cela veut dire qu’il y a sans doute des liens qui se sont distendus. Ce n’est pas que le dialogue se soit éteint entre les acteurs du livre libanais et ceux des pays francophones, mais il s’agit de réinitier une dynamique en présentiel très fructueuse. Tout cela ayant pour objectif de remettre Beyrouth sur la carte comme étant la capitale du livre de la région et de réinstaurer des croisements entre les pôles francophones.

Cette première édition est ambitieuse, malgré un pays en crise…

Ambitieuse, oui, parce qu’il fallait démarrer en force. Par sa souplesse, sa mobilité, la gratuité de son accès, le fait qu’il se tienne dans une constellation de lieux de psychologies très différentes (café, musée, galerie, bistrot, théâtre, salle de concert) et non pas dans un grand lieu unique, le festival peut s’adapter. Cela ne résout pas la crise, mais cela permet qu’il n’y ait pas de prérequis économiques pour que les gens puissent en profiter.

Aujourd’hui, il y a toujours beaucoup d’incertitudes, mais si nous prenons cela comme une raison pour ne pas faire quelque chose, nous ne ferons rien. Or il faut accepter la réalité du schéma. Et nous faisons des choses et nous y arrivons. D’une certaine manière, le Covid nous a peut-être rendus assez perméables, il nous a appris à jongler avec les incertitudes.

Le Liban a fêté en 2018 la 25e édition de son Salon du livre francophone. Et depuis 4 ans, cet événement, qui était devenu un incontournable des annales culturelles locales et régionales, a disparu de l’agenda. « Beyrouth Livres » est-il en quelque sorte la version 2.0 du Salon ? En 2019, le Salon avait en effet été annulé en raison de la thaoura, ensuite il y a eu la...

commentaires (3)

Francais , arabe et anglais. Dans mon opinion on pourrait ajouter peut-etre espagnol et italien, grecque, armenien (autres turque, perse ?). En ce qui concerne l'espagnol j'ai l'experience qu'il y a beaucoup de libanais d'amerique du sud; j'ai rencontre au Liban plusieurs gens qui parlent espagnol donc il doit y avoir un marche la-bas aussi pour espagnol.

Stes David

17 h 30, le 20 juin 2022

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Francais , arabe et anglais. Dans mon opinion on pourrait ajouter peut-etre espagnol et italien, grecque, armenien (autres turque, perse ?). En ce qui concerne l'espagnol j'ai l'experience qu'il y a beaucoup de libanais d'amerique du sud; j'ai rencontre au Liban plusieurs gens qui parlent espagnol donc il doit y avoir un marche la-bas aussi pour espagnol.

    Stes David

    17 h 30, le 20 juin 2022

  • Francais , arabe et anglais. Dans mon opinion on pourrait ajouter peut-etre espagnol et italien, grecque, armenien (autres turque, perse ?). En ce qui concerne l'espagnol j'ai l'experience qu'il y a beaucoup de libanais d'amerique du sud; j'ai rencontre au Liban plusieurs gens qui parlent espagnol donc il doit y avoir un marche la-bas aussi pour espagnol.

    Stes David

    17 h 30, le 20 juin 2022

  • Francais , arabe et anglais. Dans mon opinion on pourrait ajouter peut-etre espagnol et italien, grecque, armenien (autres turque, perse ?). En ce qui concerne l'espagnol j'ai l'experience qu'il y a beaucoup de libanais d'amerique du sud; j'ai rencontre au Liban plusieurs gens qui parlent espagnol donc il doit y avoir un marche la-bas aussi pour espagnol.

    Stes David

    17 h 30, le 20 juin 2022

Retour en haut