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Politique - Éclairage

Karish : Israël a-t-il commis une violation du droit international ?

Profitant du flou entretenu par le Liban au sujet de ses revendications, l’État hébreu impose un fait accompli : l’arrivée dans une zone contestée d’un navire destiné à l’exploitation du champ gazier.

Karish : Israël a-t-il commis une violation du droit international ?

Un véhicule de la Finul en patrouille, hier, le long de la côte de Naqoura, à la frontière libano-israélienne. Mahmoud Zayyat / AFP

Cela faisait plus d’un an que les experts mettaient en garde contre un tel scénario et dictaient, presque mot pour mot, les mesures à prendre pour l’éviter. Mais peine perdue. L’arrivée dimanche du navire relevant de l’entreprise Energean Power, dans une zone qui pourrait être contestée par le Liban, pour exploiter le champ gazier de Karish pour le compte de l’État hébreu a suscité une levée de boucliers de la part des officiels libanais qui ont pointé un doigt accusateur sur Israël sans toutefois s’aventurer à parler de violation à ce stade. Y a-t-il eu ou non violation aux yeux du droit international ? Le fait accompli imposé par l’État hébreu peut-il être réversible au profit du Liban ?

Des lectures divergentes

Il n’est jamais trop tard pour rectifier le tir, du moins juridiquement parlant, assurent certains experts qui divergent toutefois sur la question de savoir s’il y a eu ou non violation du droit international, sachant que le Liban a entretenu le flou pendant des mois sur ses revendications. « Le Liban officiel continue de balancer entre deux lignes, la ligne 23 et la ligne 29. Aucun pays au monde n’a jamais tergiversé entre deux lignes en inventant un nouveau lexique, comme par exemple le fait de parler d’“une ligne officielle” et d’une seconde ligne dite “ligne de négociations” », commente un expert proche du dossier.

L'édito d'Anthony Samrani

Frontière maritime : stop à la surenchère!

Le Liban a soumis en 2011 un décret (numéro 6433) aux Nations unies dans lequel il opte pour la ligne 23, tout en s’octroyant une marge de manœuvre et la possibilité de réviser ses revendications. L’une des clauses de ce décret prévoit qu’au cours des négociations, Beyrouth pourrait modifier sa ligne si de nouveaux éléments devaient apparaître. Une clause qui vient compliquer encore plus les choses puisque les pourparlers entamés en 2020 avec Israël, par l’intermédiaire d’une médiation américaine, se faisaient sur base de ce décret revendiquant une zone de 860 km2 délimitée au sud par la ligne 23. Des experts militaires et civils avaient cependant présenté une revendication maximaliste de 1 430 km2 supplémentaires, limitée par la ligne 29, qui engloberaient partiellement le champ de Karish, soit près de 2/3 de la zone en faveur du Liban et un tiers pour Israël. Depuis, ils pressent, sans succès, les autorités d’amender le décret 6433 auprès des Nations unies, condition sine qua non pour officialiser cette requête. Or, Beyrouth tend aujourd’hui à considérer que la zone vers laquelle s’est dirigé le navire pourrait être une zone disputée en dépit du fait que le décret n’a toujours pas été amendé. Pour l’heure, on ne sait toujours pas si Israël compte entamer les travaux d’extraction dans la partie qui lui revient de droit, c’est-à-dire celle qui constitue le tiers auquel l’État hébreu peut prétendre, ou si ses ambitions s’étendent également aux deux tiers qui doivent en principe revenir de droit au Liban une fois la ligne 29 officiellement entérinée.Rizk Zgheib, maître de conférences en droit international à la faculté de droit et des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph et avocat à la Cour, interprète de manière extensive le décret de 2011 en estimant qu’à travers ce texte, le Liban s’est réservé le droit de revoir à la hausse ses revendications qui peuvent s’étendre au-delà de la ligne 23. « Si la zone dans laquelle la société mandatée par Israël fait partie de la zone disputée – ce qui n’est pas encore certain pour l’heure –, nous sommes face à un conflit », dit-il. Selon cette thèse, il y aurait donc eu effectivement violation par Israël. Un avis que contestent d’autres experts juridiques. « En droit, il y a le principe du parallélisme des formes, et toute modification doit avoir lieu par décret amendé en Conseil des ministres », souligne l’expert cité plus haut. Si, dès le départ, il y avait une position claire de la part de l’État libanais, à ce moment-là, on aurait pu dire qu’Israël a violé le droit international. Ce qui n’est pas le cas, analyse-t-il. D’où la demande incessante formulée par plusieurs parties libanaises, dont les députés issus de la contestation, pour amender le décret et réclamer la ligne 29.

Le décret 6433 est la clé

Devant le fait accompli imposé par Israël, le Liban peut-il encore rectifier le tir ? « Il n’est jamais trop tard. Il peut poursuivre les compagnies privées impliquées et Israël pour violation du principe d’interdiction d’exploitation unilatéral des gisements disputés. Mais encore une fois, il ne peut le faire que s’il modifie le décret 6433 », précise l’expert. Si, en droit, le Liban peut toujours faire valoir ses revendications, ce n’est pas le cas sur le plan stratégique. Les autorités libanaises ont réagi tardivement, sachant qu’elles étaient au courant depuis plus d’un an des préparatifs israéliens en amont.

« Il aurait fallu que le Liban, qui était déjà au courant de la présence du navire dans le port de Singapour, fasse en sorte d’empêcher ce navire de quitter les lieux et de parvenir à destination. Les préparatifs en amont ont occasionné des frais importants à l’État hébreu. Il en va de même de la structure d’extraction qu’Israël a déjà mise en place et qui constitue en elle-même un investissement important », rappelle l’expert. Le retour en arrière serait par conséquent extrêmement difficile.

Pour mémoire

Frontières maritimes : le Liban doit sortir au plus vite de sa position de faiblesse dans les négociations

Le Liban aurait pu inverser le rapport de force plus facilement en empêchant Israël d’agir de la sorte et en créant une « situation d’instabilité » pour les sociétés privées mandatées. Selon l’expert, le Liban peut toutefois réduire les dégâts, même à ce stade. Même si l’État hébreu commence l’extraction, il peut poursuivre les compagnies privées impliquées ainsi qu’Israël pour violation du principe d’interdiction d’exploitation unilatérale des gisements disputés. « Mais encore une fois, il ne peut le faire que s’il modifie le décret 6433. »

Package deal ?

Qu’elle soit voulue ou pas, cette omission de la part de l’État libanais signifie clairement que « le Liban n’a tout simplement pas fait son devoir de base », commente pour sa part Mohammad Obeid, un analyste connu pour être proche du Hezbollah, mais dont il est parfois assez critique. Depuis le début, le parti chiite – qui est pourtant en faveur d’une revendication maximaliste – a décidé de s’en remettre à l’État qui est, selon lui, le seul habilité à gérer ce dossier. « C’est un argument qui n’est pas convaincant. Si c’était le cas, le Hezbollah devrait à ce moment-là s’en remettre à l’État aussi pour tout ce qui concerne la protection des frontières », dit-il. Comprendre que l’argument de la nécessité de la résistance et de son arsenal n’est plus justifié.

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Rejoignant plusieurs autres avis, il explique la tergiversation de l’État libanais par un package deal qui aurait été conclu entre le médiateur américain Amos Hochstein et le chef du Courant patriotique Gebran Bassil qu’il aurait rencontré à deux reprises, une fois à Berlin et une autre à l’aéroport de Beyrouth. En acceptant une délimitation minimale de la frontière maritime, le chef de l’État Michel Aoun, qui a entretenu le flou sur sa position, aurait négocié une éventuelle levée des sanctions américaines dont fait l’objet le chef du CPL.

Cela faisait plus d’un an que les experts mettaient en garde contre un tel scénario et dictaient, presque mot pour mot, les mesures à prendre pour l’éviter. Mais peine perdue. L’arrivée dimanche du navire relevant de l’entreprise Energean Power, dans une zone qui pourrait être contestée par le Liban, pour exploiter le champ gazier de Karish pour le compte de l’État hébreu a...

commentaires (7)

POSER LA QUESTION EST BIZARRE. AVEC LES PLANS DE LA LIGNE 23 DEPOSEE A L,ONU PAR NOS ABRUTIS CORROMPUS ET MAFIEUX... ISRAEL EST DANS SON DROIT.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 39, le 09 juin 2022

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • POSER LA QUESTION EST BIZARRE. AVEC LES PLANS DE LA LIGNE 23 DEPOSEE A L,ONU PAR NOS ABRUTIS CORROMPUS ET MAFIEUX... ISRAEL EST DANS SON DROIT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 39, le 09 juin 2022

  • "… Israël a-t-il commis une violation du droit international ? …" - Ben non voyons, puisque le "droit international" c’est eux…

    Gros Gnon

    08 h 35, le 08 juin 2022

  • A L,AUTHENTIQUE LIBRE EXPRESSION. CE NE SONT PAS DES FAUX PAS, MAIS DES TRAHISONS DUMENT RÉFLÉCHIES ET DÉCIDÉS,

    ABOUZEID Ibrahim

    23 h 04, le 07 juin 2022

  • I; EST MALHEUREUX DE LE CONSTATER ET DE LE DIRE. TOUS LES FAUX PAS FURENT FAITS PAR LES ABRUTIS QUI NOUS GOUVERNENT. ISRAEL NE FAIT QUE SON INTERET.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 31, le 07 juin 2022

  • ?????????????

    Eleni Caridopoulou

    16 h 19, le 07 juin 2022

  • On hausse la voix, on se montre agressif et menaçant puis on annonce la visite du médiateur américain incessamment sous peu alors qu’il n’a pas l’intention de venir avant de voir à quoi ils font allusions avec leurs propos virulents et leurs menaces à deux balles. Ils ont donné l’ordre au président fantoche de ne rien signer, maintenant ils veulent suivre ses directives, donc les leurs et à la fin ils, comme nous, n’auront que nos yeux pour pleurer ou alors que nous ne serons plus là pour pleurer mais au moins on aurait réussi indirectement à débarrasser le pays de leur existence à tous, ces voleurs vendus. Chaque chose à un prix. Le notre sera exorbitant après des années d’humiliation et de privations nous seront obligés d’accepter notre sort décidé par une bande de chacals assoiffés de sang puisqu’ils n’ont rien d’autre à offrir que leur terreur et leur violence.

    Sissi zayyat

    14 h 28, le 07 juin 2022

  • Ce dossier est assez sérieux pour le confier aux politiciens, quand l’un conclu à un secret package deal et l’autre (frangié) déclare qu’il n’y a pas assez de ressources à exploiter. Tout est dit dans le dernier paragraphe, qui n’a rien d’une rumeur publique. Qu’Israël viole le droit international, c’est bien connu par les observateurs, et cet Etat est bien à la hauteur de sa réputation. On pourrait parler de viol de droit international d’une formation politico-militaire libanaise sur ses engagements dans d’autres pays. Pour les Israéliens, le différend maritime avec le Liban sera résolu via une médiation américaine, pour un traçage définitif. Mais alors pourquoi cette précipitation avec l’arrivée soudaine de l’unité flottante, si les voisins du sud reconnaissent le différend. Ils sont "sûrs de leur bon droit", d’abord, le médiateur a conclu un package deal, donc partie prenante qui peut affecter les entretiens, ensuite la zone contestée n’appartient pas encore à personne. Ce dernier argument, je l’ai entendu dans les années 80 à propos de la Cisjordanie, et on voit bien où cela a mené. Dernier rebondissement dans cette affaire, l’émissaire américain n’est pas pressé de revenir au Liban, alors que M. Berry annonce son arrivée.

    Nabil

    12 h 38, le 07 juin 2022

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