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Culture - Spectacle

Danser sur « Like a Virgin », dans un paradis déjanté

À Paris, le Théâtre 14 a proposé à son public une création du plasticien Mehdi-Georges Lahlou, « 72 vierges », incarnée par Pearl Manifold, Hala Omran, Ghita Serraj et Tamara Saadé, qui partage avec « L’OLJ » cette expérience insolite sur les planches.

Danser sur « Like a Virgin », dans un paradis déjanté

Hala Omran et Tamara Saadé dans le spectacle « 72 vierges » de Mehdi-Georges Lahlou. Photo DR

Le premier tableau de 72 vierges est glacial, figé, pesant. Quatre jeunes femmes, hiératiques, sont installées sur des chaises clairsemées, sous un éclairage cru d’hôpital. Comme l’explique la comédienne et dramaturge Tamara Saadé, la performance théâtrale de Mehdi-Georges Lahlou présentée au Théâtre 14, à Paris, provient de son travail de plasticien. « Si Mehdi-Georges a déjà fait quelques mises en scène, il est avant tout plasticien et s’intéresse à la scène. Ce spectacle est une extension d’un projet plastique qu’il avait déjà entamé, appelé 72 vierges, pour lequel il avait moulé son visage en blanc en 72 fois, avec des voiles blancs. Là, il a voulu en faire un spectacle vivant, en insérant quatre actrices dans l’installation », précise la jeune Libanaise qui travaille actuellement avec plusieurs compagnies théâtrales. Le parti pris dramaturgique de Mehdi-Georges Lahlou n’est pas narratif, mais plutôt post-dramatique, le point de départ de sa dernière œuvre est une interrogation linguistique. « Mehdi-Georges est parti de l’histoire des 72 vierges qui attendraient les martyrs. Il a souhaité détourner cette projection, qui ne serait pas dans les textes sacrés et qui est utilisée à des fins politiques. Il a fait des recherches, avec le dramaturge marocain Youness Anzane, sur le mot “houri”, censé faire référence aux vierges promises, et ils se sont rendu compte que dans les textes, ce terme pouvait signifier “aux grands yeux noirs”, ou même “fruit”, sans référence genrée. Ils ont donc imaginé cette salle d’attente du paradis, où attendent quatre jeunes filles », explique la comédienne.

Sur l’air de « Like a virgin », de Madonna, le paradis se transforme en boîte de nuit. Photo DR

Le chant et la danse envahissent la scène

Peu à peu, les quatre femmes sur scène se mettent à émettre des sons, qui ressemblent à ceux des oiseaux, puis les mots, le chant et la danse envahissent la scène, dont le décor se pare de moucharabiehs colorés. Puis la comédienne syrienne Hala Omran lance un appel à la prière, qu’elle détourne sur l’air de Like a Virgin de Madonna et le paradis se transforme en boîte de nuit. Tamara Saadé insiste sur la dimension symbolique de cette métamorphose scénique. « C’est une façon de manifester une prise de parole dispersée. Nous commençons à nous exprimer en français et en arabe, en rendant compte des différentes acceptions du mot “houri”. Lorsque l’espace se transforme en cabaret, chacune d’entre nous prend la parole de manière improvisée et le théâtre rejoint la performance, où la danse et le corps sont essentiels alors que l’on raconte nos anecdotes, qui nous révèlent en tant que femmes. On part de la figure de “houri” qui est standard et qui ne parle pas, pour ensuite prendre forme et nous incarner. Nos histoires personnelles se construisent sur le fond sonore créé par le rappeur palestinien né au Liban, Osloob. »

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Parmi les bribes narratives partagées sur scène, la déclaration d’amour d’une comédienne à son mari Arnaud et le récit de leur rencontre. Tamara livre le ressenti d’une relation amoureuse fondée sur un contrat entièrement fondé sur un engagement total à une « cause », qui débouche sur une grossesse.

Les actrices Hala Omran (première à gauche), Tamara Saadé (assise devant), Ghita Serraj et Pearl Manifold. Photo DR

Avant le Théâtre 14, 72 vierges a été produit en octobre dernier au Centre dramatique national de Rouen, avec 8 représentations, puis joué au Centre Wallonie-Bruxelles, à Paris. Tamara Saadé constate que la réception de ce spectacle dépend de la capacité de chacun à recevoir une œuvre dans la sensation plutôt que dans l’intellect. « Au Théâtre 14, quelques personnes du public m’ont dit qu’elles ne voyaient pas du tout de quoi il s’agissait. Il y a eu de l’incompréhension par rapport aux sons que nous émettons, ou bien aux danses qui nous mènent à l’épuisement. C’est une œuvre qui joue avec des symboles, avec l’intuition et les sensations, où Mehdi-Georges véhicule sa vision des femmes et de la liberté. On retrouve aussi tout son travail sur les motifs religieux, lui qui est de mère espagnole et de père marocain. D’ailleurs, une de ses installations concerne des talons aiguilles et un tapis de prière. Selon moi, 72 vierges ne relève pas du blasphème, ce sont des artistes qui essaient de rendre des questions plus personnelles, en jouant avec des symboles, pour les bousculer et les rendre plus intimes », conclut l’actrice principale du film La Grande Nuit (Sharon Hakim, 2021).

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