Rechercher
Rechercher

Politique - Focus

Les Frangié entre déni et autocritique

« J’aurais préféré que l’iftar de Nasrallah se tienne après les législatives car on a utilisé cette carte contre les Marada », confie Tony Frangié à « L’OLJ ».

Les Frangié entre déni et autocritique

Le député Tony Frangié (à gauche) en compagnie de son père Sleiman Frangié. Photo d’archives Marc Fayad

« Il n’y a aucun lien entre les résultats des législatives et la présidentielle. » Par ces propos, tenus au lendemain du scrutin du 15 mai, le chef des Marada, Sleiman Frangié, donnait le sentiment d’être dans le déni de la défaite qu’il venait de subir dans son fief à Zghorta lors de la consultation populaire. Mais il adressait surtout un message clair à ses alliés comme à ses adversaires : il est toujours dans la course pour le palais de Baabda.

La bataille électorale du 15 mai était particulièrement chaude au Liban-Nord III regroupant les cazas de Zghorta, Bécharré, Koura et Batroun. D’abord parce qu’il s’agit d’une circonscription à majorité chrétienne écrasante. Ensuite parce que les principaux présidentiables s’y sont affrontés. C’est le cas de Sleiman Frangié lui-même, mais aussi de ses deux principaux adversaires chrétiens, le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, et celui du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Ce qui explique le fait que la compétition électorale dans cette circonscription donnait un avant-goût de la présidentielle programmée pour octobre prochain.

Dans ce contexte, le chef du CPL a conservé son siège maronite à Batroun et celui de Georges Atallah (grec-orthodoxe) dans le Koura, et ce après avoir perdu le troisième siège maronite de Zghorta de Michel Moawad, qui a claqué la porte du groupe parlementaire aouniste et démissionné de la Chambre à la suite de la tragédie du 4 août 2020 au port de Beyrouth.

Lire aussi

Élections législatives : quelles leçons pour la contestation ?

De son côté, le chef des FL est parvenu à reconduire Sethrida Geagea, députée maronite de Bécharré pour un nouveau mandat. Il a, en outre, vengé la défaite de Fadi Karam en 2018, en récupérant le siège grec-orthodoxe de ce dernier au Koura aux dépens du Parti syrien national social, dont le caza était pourtant un bastion. Samir Geagea a surtout gagné son pari à Batroun, fief de son rival aouniste. Son candidat Ghayath Yazbeck, arrivé en tête des scores individuels dans le caza (11 094 voix) a remporté haut la main la bataille face à M. Bassil, sans pour autant causer sa défaite. Sleiman Frangié, lui, sort le plus affaibli, en dépit d’une importante percée à Bécharré : l’élection de William Tok qui brise le monopole FL de la représentation dans ce fief de Samir Geagea.

Changement significatif

À l’issue des législatives de 2022, le leader des Marada voit son bloc parlementaire de cinq députés (en 2018), dont trois Marada ou apparentés, disparaître. Son fils Tony est le seul député Marada à être reconduit pour une nouvelle législature. Les deux autres sièges du caza ont été emportés par le chef du Mouvement de l’indépendance, Michel Moawad, adversaire traditionnel des Frangié, et Michel Doueihy, membre du collectif Chamalouna issu du mouvement de contestation d’octobre 2019. Historiquement, Sleiman Frangié parvenait généralement à emporter deux sièges maronites à Zghorta. Les législatives de 2005 font exception à la règle. À l’issue du scrutin tenu quelques mois après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le chef des Marada subit une défaite face à ses adversaires du 14 Mars, Samir Frangié, Jawad Boulos et Nayla Moawad. Un résultat qui s’explique par le découpage électoral en vigueur à l’époque, joignant Tripoli à Zghorta, Koura et Batroun. Résultat : les voix des électeurs de Zghorta fondaient dans le raz de marée haririen.

Lire aussi

Comment la communauté internationale voit le nouveau Parlement libanais

Autre résultat exceptionnel pour M. Frangié : à l’issue des législatives de 2009, il a raflé les trois sièges maronites du caza. Mais en 2018, Michel Moawad brise donc ce monopole en lui arrachant un siège. La consultation du 15 mai est donc le premier scrutin qui se solde par un échec de M. Frangié dans son propre bastion en dépit d’un découpage électoral qui ne lui est pas nécessairement désavantageux (en 2018, il emportait avec son allié PSNS quatre sièges sur dix dans la même circonscription. À cela s’ajoute le fait que la défaite des Marada a profité à une figure émergente issue du mouvement de contestation.

Comment expliquer ce résultat ?

Par la loi en vigueur, dit-on dans des cercles proches du leader zghortiote. Selon les chiffres officiels publiés par le ministère de l’Intérieur, la liste menée par les Marada et leurs alliés (dont le PSNS, l’aile Assaad Hardane) a obtenu 26 475 voix contre 14 121 pour celle du collectif civil Chamalouna. Des chiffres un peu plus détaillés obtenus par L’Orient-Le Jour indiquent que la liste de la contestation a été accréditée de 4 072 voix dans le caza de Zghorta, contre 4 013 à Batroun, 3 324 dans le Koura et 1 500 voix seulement à Bécharré. Cela fait dire à certains proches des cercles de M. Frangié que les résultats enregistrés par les Marada à Zghorta sont la conséquence directe de la loi électorale qui rend toute percée électorale plus facile à Zghorta qu’ailleurs. Mais il y a aussi le changement significatif que le soulèvement populaire d’octobre 2019 a apporté aux choix des Libanais, anéantis par les crises chroniques et qui veulent demander des comptes à la classe politique traditionnelle, dont Sleiman Frangié est une figure incontournable.

L’aveu de Tony Frangié

Contacté par L’OLJ, Tony Frangié reconnaît que les tendances populaires ont subi une métamorphose. « Nous n’avons jamais prétendu monopoliser la représentation parlementaire à Zghorta. Mais aujourd’hui, il est évident que des changements importants sont survenus », affirme-t-il. Un point sur lequel le député réélu converge avec son nouveau collègue, Michel Doueihy. « Il y a un nouveau mode d’action politique qui devrait être adopté pour répondre aux attentes des gens », souligne ce dernier à L’OLJ.

Lire aussi

Un bilan en demi-teinte pour les Kataëb

Prié de détailler les raisons du déclin des Marada, Tony Frangié n’hésite pas à se livrer à une autocritique: « Il faut dire que nous n’avons pas été à la hauteur, et parfois absents », avoue-t-il. Petite consolation: « Nous avons travaillé pour obtenir entre 29 et 30 000 voix. Notre score est de 26 475, un résultat qui demeure satisfaisant », estime M. Frangié, dont le parti effectue à l’heure actuelle « une lecture approfondie » des résultats du scrutin.

Les législatives sont intervenues à cinq mois de la fin du mandat présidentiel. Le secrétaire général du Hezbollah a tenté de réduire les tensions entre ses deux alliés, Sleiman Frangié et Gebran Bassil en les réunissant sous sa houlette autour d’un iftar le 8 avril dernier. « J’aurais préféré que cette rencontre se tienne après le scrutin parce que certains ont utilisé cette carte contre nous », confie Tony Frangié. « Cette démarche de Hassan Nasrallah a desservi Sleiman Frangié, mais aussi Gebran Bassil », commente Kamal Richa, analyste politique et expert électoral. « C’est à cause de cette réunion tripartite que les tensions entre les deux hommes ont baissé, comme l’ont montré les dernières interviews de M. Frangié qui a perdu en termes de popularité », poursuit-il, estimant qu’aussi bien Gebran Bassil que son adversaire zghortiote sont désormais loin de pouvoir accéder à Baabda, notamment après les résultats du scrutin. Une lecture que les Marada ne partagent pas. « Celui qui va élire Sleiman Frangié à la présidence va le faire pour sa ligne stratégique, ses positions politiques, son esprit d’ouverture et sa capacité de dialogue avec beaucoup de parties sur la scène politique et non pour son poids parlementaire », estime un proche des Marada sous couvert d’anonymat.

« Il n’y a aucun lien entre les résultats des législatives et la présidentielle. » Par ces propos, tenus au lendemain du scrutin du 15 mai, le chef des Marada, Sleiman Frangié, donnait le sentiment d’être dans le déni de la défaite qu’il venait de subir dans son fief à Zghorta lors de la consultation populaire. Mais il adressait surtout un message clair à ses alliés...

commentaires (10)

Frangié ne doit pas beaucoup se faire d'illusions. Après tout ce qui est arrivé, il ne doit pas rêver. D'ailleurs, en dehors de toute considération, son profil général, personnel, éducatif, et politique ne sied pas du tout pour la fonction présidentielle.

Esber

01 h 51, le 29 mai 2022

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Frangié ne doit pas beaucoup se faire d'illusions. Après tout ce qui est arrivé, il ne doit pas rêver. D'ailleurs, en dehors de toute considération, son profil général, personnel, éducatif, et politique ne sied pas du tout pour la fonction présidentielle.

    Esber

    01 h 51, le 29 mai 2022

  • À mon avis Hezbollah a desservi les deux aspirants aux présidentielles et le troisième est dans tous les cas hors question. Il cherche ailleurs, toujours à mon avis modeste. Les sieurs en question portent des handicaps trop inconvénients pour le Hizbollah et il se trouvera probablement d’autres qui s’y prêteront soit par conviction à qui y croit soit par amour du pouvoir

    Khazzaka May

    15 h 19, le 28 mai 2022

  • Nous avons besoin d’un président anti armes anti hezb (et la je parle du parti politique et non d’une communauté) NOUS AVONS BESOIN D’UN PRÉSIDENT AVEC TOUT CE QUE CELA SIGNIFIE ON NE VEUT PLUS DE PRÉSIDENT À DEMI MESURE ET LE SEUL QUI PEUT PORTER CE PANTALON EST LE HAKIM

    Bery tus

    14 h 09, le 28 mai 2022

  • Il n’y aura pas de nouveau président au Liban dans l’équation politique actuelle. Le duo chiite bloquera l’élection jusqu’à obtenir les trois tiers

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 07, le 28 mai 2022

  • La ligne stratégique des Frangieh est leur alignement aveugle sur la Syrie et Nesrallah. Qu'ils redeviennent libanais avant de pretendre à la presidence

    Nouna Chidiac

    08 h 46, le 28 mai 2022

  • tony frangieh doit imperativement realiser-et agir dorenavant en consequence- que le baratin usite antan ne passe plus . ou presque plus pour etre honnete. S'il tient a se faire percevoir comme un jeune politique proche de la contestation il devra commencer illico par denigrer l'approche paternelle d'allie a la famille assad de syrie, celle aussi des armes illegales iraniennes sur notre territoire. autrement il pourra toujours courir.... apres les qqs partisans qui leur reste aux frangieh.

    Gaby SIOUFI

    08 h 29, le 28 mai 2022

  • Le dernier samouraï.

    PPZZ58

    08 h 01, le 28 mai 2022

  • Pour la présidence, leCPL a déjà donné (et lamentablement échoué), les FL sont trop anti-hezbollah pour que ça marche, les maradas sont trop pro-syriens pour prétendre succéder à quelqu’un d’autre que Assad. Il faudrait quelqu’un de plus neutre. Michel Mouawad qui a mangé à tous les râteliers depuis 2018? Jawad Boulos qui est vraiment neutre et a l’avantage d’être éduqué? Et pourquoi pas une femme pour mettre tout le monde d’accord?

    Gros Gnon

    07 h 27, le 28 mai 2022

  • Frangieh et Bassil , deux candidats à la présidence de l’Etat alors que tous les deux sont pour la milice sectaire illégale et armée…donc contre l’Etat ! Par ailleurs quelles sont les réalisations grandioses à l’actif de ces deux messieurs ? Il est honteux pour les Libanais d’évoquer ces deux nuls pour nous gouverner.

    Goraieb Nada

    07 h 07, le 28 mai 2022

  • SVP eclairez nous: quelles sont les characteristiques d'un potentiel candidat a la presidence au Liban? Qu'est ce que ces trois leaders ont avance en terme de contributions pour le development d'un Liban moderne, un etat fort? Leur cv? Clentelisme? Heritage politique? Integrite et vision hors normes? Education? Parcours humanitaire ou academique/politique impressionants? Relations internationales? Soumission a un parti arme ou a un autre etat qui a toujours oeuvre a la domination/destruction de notre economie et du pays? Est ce qqu'un des lecteurs a une reponse?

    Sabri

    04 h 51, le 28 mai 2022

Retour en haut