
Le patriarche Béchara Raï lors de la réunion mensuelle des évêques maronites, hier à Bkerké. Photo ANI
Bkerké n’en démord pas. Le patriarcat maronite poursuit son forcing pour une participation massive aux élections législatives qui débuteront en fin de semaine par le vote des émigrés et se poursuivront le 15 mai sur le territoire libanais. Cela fait plusieurs semaines que le patriarche Béchara Raï lance des appels allant dans ce sens et exhorte les Libanais à opérer dans les urnes le changement auquel ils aspirent. Et c’est dans cette continuité que s’inscrit le communiqué publié hier à l’issue de la réunion mensuelle des évêques maronites, tenue à Bkerké sous la présidence de Mgr Raï.
Les prélats ont bien évidemment incité les électeurs à se rendre massivement aux urnes. Mais ils ont surtout réaffirmé « le devoir des responsables d’œuvrer à aplanir tout obstacle qui se dresserait face à la tenue des élections législatives » et à « libérer les électeurs et candidats des pressions successives qui mettent en péril la bonne tenue de ce scrutin ». Le patriarcat redoute-t-il un torpillage des élections à la dernière minute ? « Que voulez vous de plus pour justifier ces craintes? » répond Sejaan Azzi, ancien ministre proche de Bkerké sollicité par L’Orient-Le Jour. « Ils sont en train de manipuler les bureaux de vote à l’étranger », rappelle-t-il. Une critique à peine voilée à l’adresse du ministère des Affaires étrangères chargé d’organiser le vote des expatriés les 6 et 8 mai. Dirigée par Abdallah Bou Habib, proche du tandem Baabda-Courant patriotique libre, la diplomatie libanaise se trouve depuis quelques jours au centre d’une polémique portant sur le vote des Libanais établis à l’étranger, notamment en Australie, où certains électeurs avaient dénoncé la distribution géographique des bureaux de vote, distants parfois de plusieurs heures de route, ce qui pourrait rendre leur accès difficile, voire impossible. Cette affaire avait poussé les députés des Forces libanaises il y a deux semaines à présenter une motion de censure à l’encontre de Abdallah Bou Habib, qu’ils accusent de manquements à sa fonction concernant les législatives. Leur démarche n’a pas abouti toutefois au Parlement, faute de quorum. « Il y a aussi les menaces physiques que les candidats subissent pour se retirer de la course », rappelle encore Sejaan Azzi. L’ancien ministre fait référence aux pressions subies par plusieurs opposants chiites au Hezbollah, dont certains ont même été victimes d’agression. Tel est notamment le cas du cheikh Abbas Jaouhari, dignitaire chiite qui s’est allié aux Forces libanaises pour former une liste commune dans la circonscription de Baalbeck-Hermel, fief incontesté du parti pro-iranien. Si le cheikh a malgré les pressions maintenu sa candidature, deux membres chiites de sa liste ont, eux, fait marche arrière. Hier, Antoine Habchi, actuel député FL de Baalbeck-Hermel qui brigue un second mandat parlementaire, a dénoncé ces « intimidations ». Il a fait état de l’agression mardi d’un autre candidat chiite de la liste FL dans la circonscription, Hussein Raad, lors de funérailles. « Le Hezbollah est responsable de toute goutte de sang qui sera versée », a-t-il tonné au cours d’un point avec les journalistes tenu au Club de la presse à Furn el-Chebback.
Sur un autre registre, Sejaan Azzi évoque les entraves d’ordre logistique, comme le refus de certains enseignants et juges, généralement chargés de prendre part à l’organisation du scrutin, de mener cette mission dans le contexte de crise économique et financière aiguë qui secoue le pays depuis plus de deux ans.
Les grandes lignes du changement
En dépit de tous ces obstacles, le patriarche maronite presse pour que le scrutin se tienne dans les délais impartis, et que les Libanais puissent saisir cette opportunité pour opérer un véritable changement. Car pour le chef de l’Église maronite, le scrutin devrait être l’occasion pour les Libanais « de recouvrer leur droit à l’autodétermination des mains de ceux qui ont exposé le Liban à l’effondrement et négligé la mainmise sur les institutions de l’État et ses décisions », comme il l’a déclaré dans son homélie dimanche dernier. Des propos assez virulents à l’égard du Hezbollah et de son allié chrétien, le président de la République Michel Aoun. « Il est évident que le patriarche n’est pas favorable aux choix de la présidence. Il est contre la classe au pouvoir qui a géré le pays pendant trois décennies », commente Sejaan Azzi. Il précise toutefois que cela ne signifie pas que le prélat maronite est favorable à l’un ou l’autre des groupes nés dans la foulée de la révolte d’octobre 2019.
D’autant que « le changement n’est pas du ressort des ONG et groupements issus de la contestation uniquement », soutient l’ancien ministre du Travail. Mgr Raï appelle-t-il donc à voter pour le camp politique hostile au Hezbollah, dont font partie les Forces libanaises, mais sans le nommer ? « Le patriarche accomplit un devoir en appelant les gens à se rendre aux urnes, se contente de souligner M. Azzi. Il a défini les grandes lignes du changement, notamment la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux et le contrôle des frontières. »
Le problème c’est que les chiites de l’Iran sont différents des chiites arabes !! Mais faudrait que les chiites se réveillent pour pouvoir le clamer haut et fort
14 h 27, le 05 mai 2022