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La lettre aux abonnés

Nous sommes tous devenus torticoliques

Chère abonnée, cher abonné,

« Un moment, je me suis cru en Italie. La lumière, les oiseaux et le vert pâle du palais de l’autre côté de la rue. Même le type qui gueulait dans la rue. Vraiment, l’Italie », a-t-il dit. « Et puis j’ai tourné la tête et j’ai vu un immeuble encore à moitié détruit. Et puis mon nez s’est mis à couler, mes yeux à piquer. La pollution. Beyrouth... »

Nous sommes, ces jours-ci au Liban, dans un état étrange. Un moment flou, comme l’atmosphère des derniers jours, chargée de poussière.

A deux semaines des législatives, les premières depuis la thaoura, nous nous prenons à y croire encore, alors qu’au fond, nous n’y croyons plus vraiment. Ou est-ce l’inverse ?

A l’instar de Salma, qui voyage le 15 mai, mais ira voter dès l’ouverture des bureaux de vote avant de filer à l’aéroport. « Je ne peux pas ne pas voter, même si j’ai peu d’espoir que les choses changent vraiment, dans ce pays, après les élections », dit-elle.

Elle n’y croit pas beaucoup, parce que les partis traditionnels qui nous ont emmenés dans le mur, sont toujours là et bien là. Elle n’y croit pas non plus parce que l’opposition a déçu, notamment en raison de son incapacité à présenter un front uni pour ce scrutin pourtant crucial.

On a également du mal à y croire parce que nous avons tous compris, passé l'extraordinaire moment d’élan dans la rue, que le processus serait long et difficile. Mais on y croit tout de même, parce qu’il y a eu la thaoura, parce qu’il s’est passé quelque chose.

On y croit, parce que la crise nous a tous écrasés, violemment, et que « personne ne peut décemment accepter de continuer comme ça ». On n’y croit pas parce que justement, malgré la crise, malgré tout, certains vont continuer de voter « comme avant ».

« Un soldat, la semaine dernière, me racontait comment il ne parvient plus à vivre, à survivre même, avec sa solde qui ne vaut plus rien. Il m’expliquait qu’il ne pouvait plus acheter les médicaments de sa mère, qu’il a repoussé son mariage. Impossible pour lui de s’installer avec sa fiancée. Mais quand je lui ai demandé pour qui il allait voter le 15 mai, il m’a sorti le nom d’un des c… qui nous a plongés dans cet enfer. J’ai failli le gifler », racontait Nour, il y a quelques jours. Depuis, derrière chaque visage creusé par la fatigue et le poids de la crise, elle ne voit plus un Libanais en peine, un Libanais prêt à tout changer, mais un type qui votera pour les mêmes criminels.

Mais elle ira tout de même voter. Parce que voilà.

Moment de flottement. On regarde à gauche, on regarde à droite, on cherche l’espoir, on pense le voir. Est-ce un mirage ? A force de chercher partout, de regarder à droite, à gauche, on se colle des torticolis. « Dans ce pays, nous sommes tous devenus torticoliques à force de chercher l’espoir », nous disait une jeune Libanaise.

Improbable néologisme qui résume tout.

Et pourtant, elle ira voter, cette jeune Libanaise. Elle ira voter parce qu’elle refuse de rendre les armes avant même que la bataille, la vraie, la seule qui vaille, celle des urnes, ait commencé.

Emilie Sueur

Rédactrice en chef de L’Orient-Le Jour

Chère abonnée, cher abonné,

« Un moment, je me suis cru en Italie. La lumière, les oiseaux et le vert pâle du palais de l’autre côté de la rue. Même le type qui gueulait dans la rue. Vraiment, l’Italie », a-t-il dit. « Et puis j’ai tourné la tête et j’ai vu un immeuble encore à moitié détruit. Et puis mon nez s’est mis à couler, mes yeux à piquer. La...

commentaires (1)

les libanais seraient ils des aveugles nes,des masochistes ? je prefere cette qualification plutot qu'a celle qui les decrirait comme des arrieres mentaux, de debiles impardonnables.

Gaby SIOUFI

09 h 54, le 30 avril 2022

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Commentaires (1)

  • les libanais seraient ils des aveugles nes,des masochistes ? je prefere cette qualification plutot qu'a celle qui les decrirait comme des arrieres mentaux, de debiles impardonnables.

    Gaby SIOUFI

    09 h 54, le 30 avril 2022

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