Rechercher
Rechercher

Société - Disparition

Roy Nasnas, le « sauveur de vies »

L’infectiologue et professeur universitaire, mort hier à 67 ans des suites d’un cancer du pancréas, avait tissé avec ses patients des relations exceptionnelles.

Roy Nasnas, le « sauveur de vies »

Le professeur Roy Nasnas, infectiologue de renom au Liban, s’est éteint ce lundi de Pâques à l’HDF. Photo Hôpital libanais Geitaoui-CHU

Il faisait partie de ces géants du monde médical libanais que l’on voudrait éternels. Un infectiologue brillant, passionné, visionnaire, humain, engagé dans sa mission jusqu’à l’infini. Celle de sauver des vies. Celle aussi de former des générations futures de praticiens. Même si pour ce faire, il devait se lever aux aurores et se coucher tard au service de ses patients, week-ends et jours fériés compris. Le professeur Roy Nasnas s’en est allé ce lundi de Pâques, une fête qu’il affectionnait particulièrement, emporté par un cancer du pancréas.

Le médecin interniste le plus apprécié du pays s’est éteint à l’Hôtel-Dieu de France (HDF) à Beyrouth où il était hospitalisé depuis le mois de janvier, après vingt mois de soins et d’espoirs vains de rémission. Une institution qu’il avait quittée en 2018, à quelques années de la retraite, mais qui était toujours sa « maison », comme il se plaisait à le dire. Diagnostiqué en juillet 2020, il a miraculeusement réchappé à la double explosion du port de Beyrouth, un mois plus tard, dans son cabinet médical de l’Hôpital libanais Geitaoui-CHU. « Il pensait que c’était un signe et que Dieu ne voulait pas encore de lui », se souvient son épouse, Graziella Salloum Nasnas, contactée par L’Orient-Le Jour. Mais celui que ses patients avaient fièrement baptisé « le sauveur de vies » et le personnel infirmier « le maître » a fini par perdre sa propre bataille contre la Grande Faucheuse. Il avait 67 ans. « Pas un jour, même sur son lit d’hôpital, il n’a cessé de soigner ses malades », confie son fils Patrice. C’est dire l’engagement, voire l’acharnement de ce « workaholic » à la fois proche de la science, de ses patients et de sa famille. « Même lorsque nous étions à la piscine, il ne pouvait s’empêcher d’ouvrir sa tablette entre deux baignades, pour suivre les récentes publications médicales », se rappelle le jeune homme.

Encyclopédie vivante

Roy Nasnas laisse derrière lui son épouse et leurs trois enfants, Patrice, résident en troisième année de spécialisation en maladies infectieuses à l’Université libanaise, Stéphanie, avocate, et Cédric, étudiant en septième année de médecine à l’Université Saint-Joseph. « L’amour de sa petite famille l’a porté dans son engagement auprès de sa grande famille, l’Hôtel-Dieu de France et l’Hôpital libanais Geitaoui », précise son fils.

Le médecin est aussi pleuré par ses patients, qui lui vouent une reconnaissance éternelle et multiplient les hommages émus. « Pour guérir ses patients face à la maladie, il se comportait comme un général courageux sur un champ de bataille. Il utilisait toutes les armes à sa disposition, prenant des risques calculés, mais audacieux et ne baissant la garde qu’une fois la victoire assurée », raconte l’un de ses patients, sous couvert d’anonymat. « Grâce au professeur Nasnas qui lui a diagnostiqué une maladie rare, mon père a gagné dix ans de vie », soutient la fille d’un autre patient. « Il a soigné ma sœur, puis ma mère comme la prunelle de ses yeux. Nous avons de la chance de l’avoir connu », fait remarquer Bélinda Ibrahim, une amie de longue date du disparu. Son décès fait le buzz sur les réseaux sociaux où les hommages à ses compétences, son dévouement, son humanité se multiplient.

Roy Nasnas s’est toujours distingué par sa curiosité hors pair. « Il était imbattable au Trivial Pursuit. C’était une encyclopédie vivante », reconnaît son fils. Certains le surnommaient même l’érudit.

Élève des frères de Gemmayzé, il décroche son bac libanais haut la main. « Il était major de promotion sur l’ensemble du pays », commente son épouse. Même parcours brillant à la faculté de médecine de l’USJ où il occupe la première place durant sept années consécutives, avant de se distinguer tout autant lors de ses spécialisations à Paris et Toulouse. « Le seul examen qu’il a échoué dans sa vie, c’était le permis de conduire, se souvient-elle. Bien entendu, il s’est rattrapé plus tard, développant même une passion pour les rallyes automobiles. »

C’est à l’Hôtel-Dieu de France que le spécialiste trace son chemin et asseoit sa réputation dans la microbiologie, les maladies internes et les maladies infectieuses. Son cabinet ne désemplit pas. Ses confrères saluent son diagnostic infaillible, résultat d’une vision globale du patient, d’un travail acharné et d’une relation exceptionnelle avec ses malades. « C’était un grand bûcheur. Il était charismatique. Il était aussi très fidèle à ses malades et eux lui étaient tout autant attachés », souligne le docteur Georges Dabar, directeur médical à l’HDF. Mais ce qui distingue le spécialiste, c’est cette capacité à marier la microbiologie hospitalière à la médecine interne. « Le professeur Nasnas a réussi à bâtir une discipline hybride qui n’existe ni en France ni aux États-Unis. Nous manquions de médecins internistes. Nous manquions aussi de prise en charge du patient de A à Z. Il a relevé le pari en solo, avec excellence », affirme-t-il.

L’HDF et Geitaoui, sa grande famille

Après trente-trois ans passés au sein de l’institution privée de santé rattachée à l’Université Saint-Joseph, le praticien décide de jeter l’éponge. « Proche de l’âge de la retraite, il ne pouvait imaginer laisser tomber la quarantaine de patients hospitalisés qu’il devait traiter chaque jour », explique son épouse. En 2018, il est accueilli à bras ouverts par l’Hôpital libanais Geitaoui-CHU, où il développe les deux services de médecine interne et de maladies infectieuses. Il occupe alors la double fonction de chef de service des départements de médecine interne et de maladies infectieuses. Il poursuit parallèlement sa mission de professeur à la faculté de médecine de l’UL. Et dès l’apparition de la pandémie de Covid-19, crée une unité pour le coronavirus.

« C’était un être exceptionnel et brillant. Il avait un esprit de synthèse sans pareil et des connaissances scientifiques immenses. Sa mort constitue une grande perte pour les étudiants, les patients et l’ensemble du monde médical », affirme le professeur Pierre Yared, directeur général de l’institution médicale et ancien doyen de la faculté de médecine de l’UL. « Le professeur Roy Nasnas a fait honneur à la profession médicale. C’était une référence pour nous tous. Et nous sommes fiers de lui », résume le président de l’ordre des médecins, le professeur Charaf Abou Charaf.

Il faisait partie de ces géants du monde médical libanais que l’on voudrait éternels. Un infectiologue brillant, passionné, visionnaire, humain, engagé dans sa mission jusqu’à l’infini. Celle de sauver des vies. Celle aussi de former des générations futures de praticiens. Même si pour ce faire, il devait se lever aux aurores et se coucher tard au service de ses patients, week-ends...

commentaires (9)

J'ai eu la chance de l'avoir en tant que prof pour la préparation du concours d'entrée et en tant qu'ami.

antoine haroun

01 h 46, le 20 avril 2022

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • J'ai eu la chance de l'avoir en tant que prof pour la préparation du concours d'entrée et en tant qu'ami.

    antoine haroun

    01 h 46, le 20 avril 2022

  • Il est déjà au Paradis ?????

    Eleni Caridopoulou

    18 h 33, le 19 avril 2022

  • Repose en Paix Roy. tu sera s toujours present dans nos pensées.

    Michel KARAM

    17 h 31, le 19 avril 2022

  • Allah yarhamak Roy!

    Wlek Sanferlou

    14 h 59, le 19 avril 2022

  • Quel grand homme... comparé a toute ces petites gens que le systeme politique nous propose... Repose en paix.

    Tina Zaidan

    10 h 44, le 19 avril 2022

  • No Comments,GOD....

    Marie Claude

    06 h 31, le 19 avril 2022

  • Qu’il repose en paix ! Un grand professeur qui a tant fasciné, impressionné, et inspiré ! Sur son bureau à l’HDF je me souviens encore qu’il avait ce fameux dicton « When I’m right, no one remembers. When I’m wrong, no one forgets ». Ça m’avait marqué. Adieu Roy !

    JoNad

    05 h 21, le 19 avril 2022

  • Avec Roy, on était camarades de classe durant 11 années au Collège du Sacré-cœur des frères à Gemmayzé, la 12ème année en 1972 on a inauguré le collège Mont la salle en classe terminale. Aussi, à la Faculté de Médecine FFM, durant 7 ans jusqu'au diplôme en 1980. En plus de tout ce qui est écrit dans cet article, c'est un esprit vif, intelligent, serviable, et amical. J'étais un peu étonné quand je l'ai appelé récemment, et il n'a pas répondu, car souvent il rappelle lui-même quand il devient disponible. Condoléances à sa famille, avec grand regret pour son absence,qui sonne, comme s'il avait consommé toute une vie en si peu de temps.

    Esber

    01 h 22, le 19 avril 2022

  • As a student of Dr. Nasnas, I feel a huge personal loss. Dr. Nasnas was a consummate professional, clinician, scientist, and all-around nice person. His knowledge base in medicine and infectious disease was truly encyclopedic. He has diagnosed, treated and cured so many patients. He was a national treasure. He will be sorely missed by all the people he has touched that include his students, trainees, and many many patients. I want to offer my sincere condolences to his immediate and large extended family that include the medical community at large and Lebanese citizenry. May he rest in peace.

    Mireille Kang

    01 h 08, le 19 avril 2022

Retour en haut