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Culture - Rencontre

Prix Leica Women Foto Project 2022, Rania Matar dédie « Where Do I Go ? » à ceux qui restent au Liban

Le projet de l’artiste photographe libano-américaine, présenté par Fotografiska New York aux côtés des deux autres lauréates de ce prix dans le cadre de l’exposition « The Bind of Humanity », est une progression naturelle et organique de son album « SHE » publié chez Radius Books.

Prix Leica Women Foto Project 2022, Rania Matar dédie « Where Do I Go ? » à ceux qui restent au Liban

Rania Matar ne perd pas son objectif : photographier les jeunes filles et raconter leurs histoires. Photo Leandro Justen

Les œuvres de la photographe libano-américaine Rania Matar, une des trois lauréates du prestigieux prix Leica Women Foto Project Award 2022, ont été sélectionnées par Fotografiska à New York dans le cadre de l’exposition The Bind of Humanity (Le lien de l’humanité). Cette exposition explore trois projets primés : Where Do I Go? de Rania Matar, Wildflower de Rosem Morton et Remember September de September Bottoms. Les trois lauréates de la cuvée 2022 du prix mis en place par Leica Camera USA ont été soigneusement choisies par onze femmes influentes dans les domaines de la photographie, de l’art et du journalisme. Le jury de cette année comprend notamment Amanda Hajjar, directrice des expositions chez Fotografiska New York, également américaine d’origine libanaise. L’initiative vise à étendre la représentation diversifiée en favorisant l’inclusion des femmes dans le monde de la photographie.

« Rescapée du 4 août 2020 ». Courtoisie de l’artiste et galerie Tanit

Rania Matar est née et a grandi au Liban jusqu’en 1984, année où elle s’est installée aux États-Unis. Aujourd’hui mère de quatre enfants, l’architecte de formation est devenue photographe et enseigne son art au Massachusetts College of Art and Design. Elle effectue de fréquents déplacements au pays natal avec une attention particulière depuis la tragédie du 4 août 2020. Ayant remporté en 2018 le prix Guggenheim Fellowship, elle consacre son travail à l’exploration des questions d’identité personnelle et collective en photographiant l’adolescence féminine dans ses deux cultures. Dans sa série lauréate, elle trouve également l’espoir et l’inspiration dans la jeune génération de femmes. « Where Do I Go ? est une progression naturelle et organique de mon projet SHE qui vient de paraître chez Radius Books et pour lequel j’ai obtenu le prix Guggenheim Fellowship en 2018. Sa publication a été retardée à cause du Covid. Ce qui m’a permis d’y insérer des photos que j’ai prises après le 4 août 2020. Ce livre accompagne l’exposition dans une édition numérotée et signée », précise la photographe.

Après l’explosion du 4 août 2020, Rania Matar se rend au Liban en pleine pandémie du coronavirus, dans le but de photographier les dégâts du port et les destructions alentour. « J’ai réalisé que les jeunes femmes sorties de l’adolescence m’inspiraient bien plus que la destruction. J’ai trouvé également de l’espoir auprès d’elles, indique l’artiste. Au lieu de me concentrer sur la destruction, je suis tombée en admiration devant leur créativité, leur force, leur beauté et leur résilience. J’ai eu un sentiment d’urgence à collaborer avec elles en leur donnant une voix et le pouvoir de s’exprimer. Je me suis concentrée sur leur présence majestueuse. » « Chaque rencontre était intense, urgente et significative. Le besoin de s’accrocher à la créativité et à l’expression de soi semblait plus important que jamais. Nous créions ensemble la scène pour raconter l’histoire, leurs histoires individuelles et notre histoire collective », souligne-t-elle.

« Jeune fille sur l’arbre ». Courtoisie de l’artiste et galerie Tanit

Histoires de femmes

Grâce à Leica Women Foto Project, Rania Matar réalise vraiment « l’importance de son projet ». « C’est en visitant, accompagnée d’une amie, un vieil atelier de soierie à Kafarmatta au Liban, un lieu perdu, que je me trouve devant un mur en coin portant un graffiti en arabe : d’un côté du mur “La weyn” (Où vais-je ?) et de l’autre “Rouh” (Vas-t’en). Nous sommes tous perplexes sur la voie à suivre et notre voie est inscrite sur ce mur », assure-t-elle. « Et c’est là le titre de mon projet », dit Rania Matar. « Où vont ces jeunes femmes qui se trouvent à ce carrefour? J’avais leur âge lorsque j’ai quitté le Liban en 1984 pendant la guerre civile. Certaines partent, d’autres n’ont pas les moyens de quitter le pays. Je veux les responsabiliser et raconter leur histoire. Ce travail est encore en cours. En regardant les photographies que j’ai faites jusqu’à présent, je suis absolument convaincue que, malgré la situation très difficile actuelle, la créativité et la résilience de cette jeune génération prévaudront », assure l’artiste.

Son cheminement est « très personnel ». « La récompense de Leica Women Foto Project Award 2022 représente beaucoup pour moi », dit-elle. « Car le travail de ces jeunes filles est collaboratif. Il y a un élément de performance aussi. La jeune fille qui a été entièrement défigurée par l’explosion a voulu poser au milieu des débris de verre, le 3 août 2021, après avoir subi des chirurgies réparatrices. Pour elle, c’était important de le faire “juste un an après” », relève Rania Matar. « Je suis fascinée par leurs histoires personnelles. Car chaque photo est l’histoire d’une femme et aussi l’histoire de toutes ces Libanaises qui ont quitté le pays à leur âge. Moi, je me retrouve dans toutes ces jeunes filles qui sont en train de lutter dans leur désir de partir ou choisir de rester. Je ne veux pas porter un message négatif, car voir cette créativité m’a donné beaucoup d’espoir. C’est donc une identité collective », commente-t-elle.

Pour mémoire

Ces confinés derrière la fenêtre... et l’objectif de Rania Matar

Les photographies de Rania Matar figurent dans de nombreux musées, notamment le Museum of Fine Arts de Boston, le Carnegie Museum of Art, le National Museum of Women in the Arts. Une rétrospective de son œuvre a été récemment présentée au Cleveland Museum of Art et au Amon Carter Museum of American Art, lors d’une exposition individuelle, In Her Image : Photographs by Rania Matar. Elle est aussi auteure de quatre ouvrages et le dernier en date, SHE, vient de paraître.

Fotografiska est une institution prestigieuse dédiée à la photographie fondée à Stockholm en 2010. Son extension new-yorkaise, inaugurée en 2019 à Park Avenue South, dans un joyau architectural de style Renaissance flamande, ni musée ni galerie, propose une programmation éclectique, des restaurants raffinés et « de nouvelles perspectives surprenantes ». Fotografiska produit des expositions tournantes dynamiques et originales, couvrant divers genres photographiques dans des environnements inclusifs et immersifs. Avec une présence à Stockholm, New York et Tallinn, elle se veut le premier lieu de rassemblement mondial pour la photographie et la culture.

The Bind of Humanity se déroulera jusqu’au 17 avril.

Les œuvres de la photographe libano-américaine Rania Matar, une des trois lauréates du prestigieux prix Leica Women Foto Project Award 2022, ont été sélectionnées par Fotografiska à New York dans le cadre de l’exposition The Bind of Humanity (Le lien de l’humanité). Cette exposition explore trois projets primés : Where Do I Go? de Rania Matar, Wildflower de Rosem Morton et...

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