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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

La « punition collective » infligée par Israël aux Palestiniens de Cisjordanie

Deux Palestiniens ont été tués hier par des forces israéliennes en Cisjordanie occupée, où l’État hébreu mène des « opérations de contre-terrorisme » en réponse à une série d’attaques meurtrières perpétrées depuis fin mars.

La « punition collective » infligée par Israël aux Palestiniens de Cisjordanie

Un soldat de l’armée israélienne lors d’une opération militaire à Jénine, en Cisjordanie, le 12 avril 2022. Jaafar Ashtiyeh/AFP

Le déferlement de violence, en particulier lorsqu’il est fait de manière systématique, arbitraire et disproportionnée, comporte un paradoxe intrinsèque. D’un côté, les Israéliens en ont conscience : l’escalade répressive et l’ensemble des mesures de sanction prises en réponse aux attaques ayant fait 14 morts en Israël depuis le 22 mars sont contre-productives. Elles augmentent les injustices et donc les frustrations, encouragent le Hamas et autres milices armées à s’inviter dans la partie, et incitent in fine au passage à l’acte. Surtout, elles ne permettent aucunement d’empêcher, et encore moins de prévenir, de nouvelles attaques, qui soulèvent des questions beaucoup plus structurelles quant à l’efficacité des services de renseignements face à un jihadisme moderne capable de contourner les traditionnelles techniques de surveillance. En même temps, malgré l’inefficacité reconnue de la répression sécuritaire, l’opinion publique israélienne a fondamentalement besoin de ce type de réponse. C’est la fonction des images en provenance de Cisjordanie depuis le début du mois : elles donnent l’impression, même illusoire, d’une force de frappe encore capable de contrôler le terrain et permet aux politiques de mettre en scène leur détermination à « défendre la patrie contre l’ennemi »…

Jénine, Naplouse ou encore Oum el-Fahm, de l’autre côté de la « ligne verte ». Une vaste opération militaire est ainsi lancée à travers les villes et villages palestiniens au lendemain des trois premiers attentats (Beersheba, Hadera, Bnei Brak) ayant ensanglanté le pays les 22, 27 et 29 mars. Redéploiement de l’armée, raids afin d’arrêter des proches des assaillants suspectés de complicité, restriction des déplacements… La réponse israélienne est immédiate. Un nouveau seuil est franchi au lendemain de la fusillade de Tel-Aviv, le 7 avril. Cette quatrième attaque en deux semaines, qui fait trois victimes, achève de réveiller le « spectre terroriste » et confirme l’ampleur de la crise sécuritaire. « Nous sommes au milieu d’une vague terroriste et il n’y a aucune raison de croire qu’elle prendra fin dans un futur proche », écrit le journaliste Amos Harel dans les colonnes du Haaretz.

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À partir du 9 avril, la réplique se fait de manière systématique. Avec la répétition d’un même scénario. D’un côté, une armée suréquipée estime légitime de déployer des « mesures antiémeute » impliquant des tirs à balle réelle. De l’autre, des Palestiniens manifestent, brûlent des pneus ou jettent des pierres contre ce qui est vécu comme une « politique de la terreur », selon les mots d’Akram Rajoub, gouverneur du district de Jénine, au quotidien israélien Haaretz. Résultat : deux victimes palestiniennes à Kafr Dan, près de Jénine, hier matin ; un mort et 16 blessés la veille à Beita, dans la région de Naplouse ; des dizaines de blessés à Tulkarem mardi. Au total, 10 Palestiniens seraient morts au cours des sept derniers jours, 21 au total depuis mars et 5 au cours des dernières 48 heures. Selon le Club des prisonniers palestiniens, organisation civile de défense des détenus palestiniens en Israël, l’État hébreu aurait également arrêté plus de 200 Palestiniens depuis le début du mois d’avril, dont environ la moitié au cours des six derniers jours.

Des soldats israéliens patrouillant à Yabad, au sud de Jénine, le 30 mars 2022. Diaa Hamarshah, l’assaillant palestinien qui a tué cinq personnes, serait parti de ce village avant de commettre l’attaque de Bnei Brak, dans la banlieue de Tel-Aviv. Jaafar Ashtiyeh/AFP

« Front uni contre l’ennemi »

Dans un communiqué publié mercredi, le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne dénonce lui aussi cette « punition collective » infligée au peuple palestinien ainsi que le « siège illégal imposé à Jénine ». Car, au-delà des opérations militaires, certaines mesures adoptées en invoquant des raisons d’ordre sécuritaire ont des répercussions socio-économiques sur l’ensemble de la population. C’est le cas par exemple de l’interdiction (inédite) pour les Arabes israéliens de se rendre à Jénine. Cette région frontalière située à quelques kilomètres de l’« intérieur » israélien, qui avait déjà vu son activité chuter depuis la mise en place des restrictions sanitaires, vit depuis des années de son commerce. Au cours des dernières années, la ville de Jénine et son camp de réfugiés étaient devenus l’épicentre de la résistance palestinienne. La perte d’influence du Fateh, le désengagement de l’Autorité palestinienne, la montée en puissance du Hamas et du Jihad islamique, l’afflux d’armes et la paupérisation de la population dans le sillage du Covid-19 avaient déjà contribué à y hausser le niveau de tension. Aujourd’hui, la pression est d’autant plus forte que plusieurs assaillants responsables des attaques meurtrières de ces dernières semaines sont originaires de la région : Diaa Hamarshah, qui a perpétré l’assaut de Bnei Brak ; Raad Hazem, responsable de la fusillade de Tel-Aviv ; ainsi que trois autres personnes abattues le 3 avril par l’armée alors qu’elles s’apprêtaient à commettre une attaque, selon la police israélienne.

D’autres mesures adoptées en réponse à la série d’attentats impliquent l’interdiction pour les Palestiniens de Cisjordanie de rendre visite à leur famille de l’autre côté de la ligne verte, en plein jeûne du ramadan, ou bien l’impossibilité de rejoindre leur lieu de travail en Israël. Ajoutée à la dureté de la réponse, l’approche du premier anniversaire de la révolte de mai et des fêtes religieuses (la célébration de la Pâques juive) fait craindre une explosion des violences. D’autant que le Hamas, par la voix du responsable adjoint du bureau politique, Saleh al-Arouri, a d’ores et déjà appelé « l’ensemble du peuple palestinien à bloquer l’agression israélienne en cours à travers la Cisjordanie » tout en implorant « toutes les régions en conflit à composer un front uni contre l’ennemi ».

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Les images d’affrontements entre soldats israéliens et Palestiniens comme celles des arrestations à domicile pendant la nuit sont devenues tristement banales. Pourtant, ce type d’incursion en territoire palestinien n’a pas toujours existé. Les accords d’Oslo II (1995) avaient avalisé la division du territoire occupé depuis 1967 en trois zones (A, B et C), dont une exclusivement gérée par l’Autorité palestinienne (la zone A, représentant 18 % du territoire) comprend les grands centres urbains comme Jénine, Naplouse, Hébron, Ramallah, Bethléem ou encore Jéricho. Depuis, Israël est revenu sur l’interdiction de pénétrer dans les territoires autonomes de Cisjordanie au moment de l’opération « Rempart » en avril 2002, dans l’objectif de répondre à la vague d’attentats du début des années 2000. À partir de là, et notamment suite à la mise en place de la « barrière de sécurité », la réalité palestinienne change à l’est du mur. Alors que l’ancienne génération bénéficiait d’une relative liberté de déplacement et côtoyait des visiteurs israéliens attirés par les prix bas des marchés, la nouvelle n’a jamais connu que des soldats en armes dont les seuls mots d’arabe sont souvent réduits au lexique de l’occupant : « Arrête-toi » ; « Descends de la voiture » ; « Baisse ton pantalon ».

Le déferlement de violence, en particulier lorsqu’il est fait de manière systématique, arbitraire et disproportionnée, comporte un paradoxe intrinsèque. D’un côté, les Israéliens en ont conscience : l’escalade répressive et l’ensemble des mesures de sanction prises en réponse aux attaques ayant fait 14 morts en Israël depuis le 22 mars sont contre-productives. Elles...

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Les Israéliens ne seront jamais en paix : c'est le prix à payer...

Politiquement incorrect(e)

15 h 14, le 15 avril 2022

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Commentaires (1)

  • Les Israéliens ne seront jamais en paix : c'est le prix à payer...

    Politiquement incorrect(e)

    15 h 14, le 15 avril 2022

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