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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Derrière le séisme politique en Israël, l’ombre de Netanyahu

La démission surprise mercredi de la député Idit Silman fragilise la coalition au pouvoir menée par Naftali Bennett, dont la survie tient désormais à un fil.

Derrière le séisme politique en Israël, l’ombre de Netanyahu

L’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’un rassemblement des partisans de la droite à Jérusalem, le mercredi 6 avril 2022. Ronen Zvulun/Reuters

On disait d’elle qu’elle était mort-née. Pour la fragile coalition israélienne négociée en juin 2021 par le duo Naftali Bennett-Yaïr Lapid, chaque jour de plus était regardé comme un petit miracle. Le pays sortait de deux années de crise marquées par le discrédit de la classe politique, des scandales de corruption, une forte instabilité parlementaire, des élections à répétition et des blocages fréquents ayant longtemps paralysé la conduite effective des affaires comme l’adoption d’un budget.

Dès le départ, les chances de survie étaient minces. L’inexpérience politique des nouveaux venus, une très fine majorité parlementaire (61 sièges sur 120) et les disparités idéologiques d’une alliance allant de la droite ultranationaliste à la gauche en passant par les islamistes : tout semblait concourir pour annoncer la fin programmée de ce « gouvernement du changement » auquel personne ne croyait. Dix mois plus tard, force est de constater que l’exécutif a créé la surprise. Il est non seulement parvenu à préserver sa majorité et à survivre aux manœuvres de l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, mais a également réussi là où d’autres avaient échoué en adoptant en novembre dernier le premier budget en trois ans.

Mais la période de grâce s’est achevée mercredi. Les vieux démons de la politique israélienne ont refait surface avec la démission surprise d’une parlementaire élue sur la liste « Yamina », le parti de droite radicale mené par le chef du gouvernement en personne, Naftali Bennett. Avec désormais 60 sièges, la coalition gouvernementale perd sa majorité à la Knesset, mais avec seulement 54 députés, le bloc mené par Netanyahu est encore plus loin du seuil majoritaire.

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Pour la première fois depuis sa prise de fonctions, le gouvernement Bennett a donc les mains liées. Sans majorité, il peut certes survivre. Mais il lui sera désormais impossible de faire voter tout nouveau projet sans l’accord d’au moins une partie de l’opposition, qu’il s’agisse du camp Netanyahu ou bien de l’alliance des partis arabes de la Liste unie menée par Ayman Odeh.

Un autre danger, plus inquiétant car il serait fatal, attend également la coalition : le risque de voir les défections se multiplier, provoquant la chute du gouvernement. Face à un possible « effet domino », la priorité est de stabiliser la coalition et d’empêcher l’adoption d’un projet de loi permettant de dissoudre l’Assemblée, comme le voudrait l’opposition. « Notre porte est ouverte à quiconque a été élu par la droite », a ainsi déclaré M. Netanyahu mercredi soir, lors d’un rassemblement à Jérusalem. Mais même sans défection supplémentaire ni crise majeure, l’espérance de vie du cabinet reste limitée. Ce dernier pourrait survivre un temps en naviguant à vue, par consensus. Mais il lui sera impossible de voter un nouveau budget – ce qui devra être fait avant l’échéance de mars 2023.

« Pas de place pour les faibles »

Derrière le coup de théâtre de mercredi, une manœuvre politicienne révélatrice du système parlementaire en place, qui favorise l’éclatement des forces politiques, la volatilité des alliances et les calculs d’intérêts. Officiellement, la décision d’Idit Silman est motivée par un conflit idéologique avec Nitzan Horowitz, ministre de la Santé issu du parti de gauche laïque Meretz. Ce dernier vient d’adopter une directive autorisant les visiteurs des hôpitaux à faire entrer du pain à levure (« chametz ») durant les fêtes de la Pâque juive, en violation de la loi religieuse. Une décision jugée contraire à l’idée d’un « gouvernement national, juif et sioniste », affirme la parlementaire dans sa lettre de démission. Mais l’affaire n’est qu’un prétexte de surface. L’ancienne enseignante, issue d’une communauté sioniste religieuse, aurait selon la presse israélienne fait l’objet de pressions de la part de son propre camp, afin de se dissocier d’une coalition perçue comme « antijuive » car comprenant des formations comme Meretz, le Parti travailliste ou encore le parti arabe israélien Raam.

Mais alors que les pressions durent depuis plusieurs mois, l’élément déclencheur est venu plus récemment du camp Netanyahu : la quadragénaire se serait vu promettre une place au sein du Likoud lors des prochaines législatives ainsi qu’une nomination à la tête du ministère de la Santé. Depuis l’annonce de mercredi, l’ancien Premier ministre occupe d’ailleurs l’espace médiatique. « Idit, vous avez pris la bonne décision », a-t-il écrit sur son compte Twitter, mercredi, avant d’ajouter que « les jours de la coalition étaient comptés ».

La perte de la majorité intervient dans un contexte tendu, en pleines célébrations religieuses (Pâque juive et jeûne du ramadan) et à quelques semaines du premier anniversaire du soulèvement populaire palestinien de mai dernier. Le climat est électrique au lendemain d’une série de trois attentats ayant coûté la vie à 11 personnes entre le 22 et le 30 mars (à Beersheba, Bnei Brak et Hadera). L’ancien chef de l’exécutif reconverti en leader de l’opposition n’a pas hésité à exploiter le retour du « spectre terroriste ». « Ce n’est pas une coïncidence : la dernière décennie, au cours de laquelle nous avons dirigé le pays, était la meilleure en termes de sécurité parce que, dans notre voisinage, il n’y a pas de place pour les faibles », a asséné Benjamin Netanyahu lors du rallye de Jérusalem.

Ce dernier n’a jamais caché son hostilité vis-à-vis de Naftali Bennett, ancien allié et directeur de cabinet perçu comme un traître. Benjamin Netanyahu avait promis de faire tomber ce gouvernement mené par un parti minoritaire (Yamina dispose de seulement 7 sièges à la Knesset) et un millionnaire considéré comme responsable de son évincement du pouvoir après 12 années de règne ininterrompu. « Avec l’aide de Dieu, cela arrivera plus vite que prévu », avait alors dit M. Netanyahu à l’été 2021. Alors même qu’il comparaît devant la justice pour des charges de corruption, il continue d’agir depuis près d’un an afin de faire barrage contre l’adoption de projets de loi et de déstabiliser la coalition dans l’attente d’un come-back politique.

On disait d’elle qu’elle était mort-née. Pour la fragile coalition israélienne négociée en juin 2021 par le duo Naftali Bennett-Yaïr Lapid, chaque jour de plus était regardé comme un petit miracle. Le pays sortait de deux années de crise marquées par le discrédit de la classe politique, des scandales de corruption, une forte instabilité parlementaire, des élections à...

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