Tableau du thème Hermès « Vive la légèreté ! ». Benjamin Schmuck/Hermès
Le ciel est lourd. L’Ukraine déchire littéralement le cœur du monde libre. Les crises se télescopent. Mais le temps du monde n’est pas celui des artistes et des artisans. Dans le silence des ateliers d’Hermès, une maison vouée à la qualité depuis sa fondation en 1837, les mains écoutent les yeux et les yeux guident les mains dans la sensualité des matières et textures. Précision des gestes et des mesures, amour de la belle ouvrage, parfois même un baiser discret apposé sur l’objet fini. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », dit l’adage. Il règne ici un bonheur tranquille qui s’encapsule dans les créations et accompagne ceux et celles qui les adoptent. À sa manière, Hermès calme le pouls affolé de notre folle époque et, à défaut de la changer, y infuse une légèreté faite de complicités artistiques, de rêves éveillés, de poèmes sonores et visuels et de temps « perdu pour sa rose ».
600 kg sur des pointes de ballerine
Le ciel est lourd, mais les nuages sont légers. « Vive la légèreté ! » est le thème sous lequel Hermès a choisi, cette saison, de placer l’ensemble de ses créations. Il a valeur de consigne donnée à tous les créatifs et artisans de la maison, avec cette précision : le léger n’est pas le contraire du lourd. Pour preuve, le cheval, véritable totem d’Hermès qui fut au départ une maison sellière avant d’étendre son offre à tout un art de vivre. « Le cheval, rappelle le directeur artistique Pierre-Alexis Dumas : 600 kg sur des pointes de ballerine. » Et quand on s’appelle Hermès, comme le messager des dieux grecs, comment ne pas invoquer spontanément ce saint patron de l’univers équestre qu’est Pégase, le cheval ailé de la mythologie.
Tableau du thème Hermès « Vive la légèreté ! ». Benjamin Schmuck/Hermès
Sept illusions et des complices
Studio 217, Aubervilliers. Sur la façade de brique du célèbre hangar qui a accueilli la Star Academy, Danse avec les stars, Secret Story, des jeux de culture générale et de grands débats politiques, une enseigne en filigrane indique : « La fabrique de la légèreté ». Sous 17 m de hauteur de plafond, autour de l’espace de 2 000 m2 plongé dans une obscurité quasi totale, sept plateaux mystérieux. Une légende veut que Pégase ait eu sept poulains « aussi beaux que le soleil, aussi forts que le tonnerre et aussi vifs que la tempête ». Voilà qui offre une base extraordinaire pour inventer une suite en sept tableaux, sept illusions composées sur les plateaux du Studio 217, avec la complicité de grands talents dont, notamment : le metteur en scène Jaco van Dormael, la chorégraphe Michèle Anne de Mey, la créatrice de décors Sylvie Olivé, le chroniqueur Thomas Gunzig, et pour prolonger ces instants magiques, la chef Amandine Chaignot et la fanfare des Vilains Chicots.
La légèreté est partout
Selon la suite apportée par la maison Hermès à la légende, quand il jugea le moment venu, Pégase appela ses poulains et leur expliqua que pour pouvoir voler, chacun d’eux devait trouver sa propre et unique forme de légèreté. Alors seulement il leur pousserait des ailes. « La légèreté est partout, tout autour de vous, leur expliqua Pégase. Il suffit, pour la trouver, de savoir la reconnaître : la légèreté, c’est quand le quotidien devient merveilleux, elle est dans la délicatesse d’un sourire, dans la douceur d’une caresse, dans la grâce d’un geste, la légèreté c’est un mouvement, c’est une pensée, c’est un mot, c’est une idée. » Sept saynètes pour le dire. Sept animations bouleversantes de délicatesse, d’humour et de subtilité vont révéler la légèreté que chaque poulain de Pégase va trouver pour voir pousser ses ailes. Des objets créés par Hermès font partie des acteurs : les gants volent dans le tableau des Gants migrateurs, les sacs chantent l’ouverture du Barbier de Séville dans un Opéra de Quat’sacs. Sur les plateaux, machinistes et danseurs font leur magie. Au-dessus, projetées sur un écran, leurs parfaites illusions.
Tableau du thème Hermès « Vive la légèreté ! ». Benjamin Schmuck/Hermès
La mosaïque perdue
Inoubliable balai de huit mains qui défont une mosaïque de sable représentant Pégase, réalisée au pochoir. Les doigts se touchent, se nouent, se dénouent, les poignets se tournent et se retournent dans un mouvement de kaléidoscope, on oublie les mains, on revoit des souvenirs d’enfance sur une plage, des châteaux de sable emportés par les vagues, de fragiles amitiés perdues. Et tout à coup, Rewind : projeté à rebours, le film reconstitue la danse et la mosaïque perdue, parce que la légèreté, c’est aussi cette possibilité de voyager dans le temps sans véhicule et sans monture. On retiendra aussi No Gravity, tableau de deux danseurs couchés sur un écran bleu pâle et dont la chorégraphie associe des nuages de vapeur tour à tour soufflés et dispersés à la main par un machiniste. Sur l’écran suspendu, en apesanteur dans un ciel d’été, leurs gestes gracieux et tendres ressemblent à une noce. Quelle plus belle manière d’ouvrir le printemps que cette invitation à trouver sa propre légèreté, ses propres ailes de Pégase ? La grandeur d’Hermès, par-delà son engagement pour la beauté, la qualité et les matières d’exception, a toujours été sa capacité à préserver son identité à travers une culture sans pareille, ouverte à tous les arts, se référant sans cesse à son héritage pour comprendre le présent et pressentir l’avenir.
commentaires (1)
Superbe.
Marie Claude
07 h 58, le 06 avril 2022