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Agenda - Mémoire urbaine

Une monographie sur Rabieh, signée Nabila Farès, conte la genèse de ce rêve évanoui

Une monographie sur Rabieh, signée Nabila Farès, conte la genèse de ce rêve évanoui

Un convoi de mariage à Rabieh, dans les années 50. Collection privée

Rabieh. Ce fut d’abord le rêve de citadins issus des écoles et des universités anglo-saxonnes de Ras Beyrouth, qui cherchaient à sortir de la ville et avaient choisi comme cadre, pour leur réinstallation, l’immense pinède surplombant Antélias. Pour éviter toute spéculation foncière, ses membres s’interdirent même de posséder plus qu’un bien-fonds. Mais la guerre qui éclate en 1975 mettra fin, trois décennies plus tard, à cette esquisse de phalanstère.

Une monographie en arabe sur cette zone résidentielle modèle, signée Nabila Farès, moukhtar de l’agglomération, vient de paraître (auto-édité), contant la genèse de ce rêve évanoui. Même si Nabila Farès donne plus de place aux souvenirs qu’aux chiffres, il reste utile comme jalon d’une histoire et d’une mémoire.

L’utopie commence inopinément par une visite de condoléances à Dhour Choueir de Chucri Chammas, Charles Malek, Gebraël Sawaya et Farès Farès. Sur le chemin du retour, dévalant l’ancienne route qui passe par Bayada, la joyeuse bande parvient au tournant dit de « la cave des voleurs », quand Charles Malek s’exclame : « Arrêtez, arrêtez ! » Une splendide vue panoramique de Beyrouth et du littoral du Metn s’offre à leurs yeux. « Et si on s’installait ici? » lance Charles Malek. L’idée, qui était déjà dans l’air, prit encore plus de consistance. L’achat des terrains et les premiers aménagements d’infrastructure commencèrent au début des années 50. Administrativement, Rabieh fut constituée de bien-fonds relevant des quatre agglomérations de Naccache, Antélias, Mtayleb et Qornet Chehwan.

Le premier comité du Garden Club de Rabieh. Collection privée

Sous sa couverture ordinaire, le livre de Nabila Farès cache donc un trésor de souvenirs qu’il était bon de ne pas laisser se perdre. Il est préfacé par Habib Charles Malek, et commence par le récit d’une expérience commune à tous ceux qui ont déménagé vers Rabieh : celle « du silence absolu qui vous enveloppe, une fois éteint le moteur de la voiture ». Une sensation qui, à plusieurs reprises, fut d’abord traumatique pour certains citadins invétérés.

Cet ouvrage comprend de nombreuses photos puisées dans la collection privée de Nabila Farès. Beaucoup remontent à l’époque du noir et blanc. Elles auraient mérité une meilleure impression. Elles fixent les grands moments d’une époque heureuse que le temps, et surtout la guerre, ont compromis. De la fondation du Garden Club à celle du Lions, des dîners de gala aux fêtes enfantines, de la création du complexe Rabieh Marine à celle du Guest House, des causeries de haute volée de Charles Malek et Ounsi el-Hage à l’installation de l’École évangélique venue de Ras Beyrouth, de son « zoning » au serment prêté par ses résidents de n’en posséder qu’un bien-fonds, tout reflétait le projet modèle auquel on s’associait par affinité et non à la recherche d’une résidence.

Rabieh, le premier édifice de la nouvelle commune. Collection privée

Mais la guerre de 1975 et ses séquelles durables devaient compromettre ce projet, avec le départ de nombre d’habitants, la vente de bien-fonds à de nouveaux riches fuyant Beyrouth qui ignoraient tout du pacte initial, et la spéculation foncière qui en effaça toutes les traces, ou presque.

Aujourd’hui, Rabieh, ce sont toujours des résidences et villas de rêve et les souvenirs nostalgiques qui bercent les journées de Nabila Farès, une femme énergique qui, par la plume, la fonction publique et la persévérance – elle est aujourd’hui présidente de l’Association civile pour la protection de l’enfant au Liban (Acsauvel) –, prolonge vaillamment le combat pour un Liban où il y aura toujours de la place pour l’utopie, le luxe, l’entraide… et les rêves.

Rabieh. Ce fut d’abord le rêve de citadins issus des écoles et des universités anglo-saxonnes de Ras Beyrouth, qui cherchaient à sortir de la ville et avaient choisi comme cadre, pour leur réinstallation, l’immense pinède surplombant Antélias. Pour éviter toute spéculation foncière, ses membres s’interdirent même de posséder plus qu’un bien-fonds. Mais la guerre qui...