Tout comme les deux années précédentes durant lesquelles le Liban s’est enfoncé dans une crise économique et financière sans précédent, 2021 n’a pas été de tout repos pour les commerçants. Une année qui a notamment été marquée par un confinement strict entre janvier et mars en raison de la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. De surcroît, et comme depuis 2019, le dernier trimestre de l’année n’a pas généré de bouffée d’oxygène comme l’auraient espéré les entrepreneurs.
Pire encore, ce dernier trimestre 2021 a établi un nouveau record pour l’indice du chiffre d’affaires réel des commerces de détail. Cet indice mesure la vente réelle au détail, tous secteurs confondus, sur une base 100 mesurée au dernier trimestre de 2011, calculé par l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB) et Fransabank, en retirant l’effet de la hausse des prix. Cet indice est ainsi tombé à 2,44 points, contre 4,4 points pour le trimestre précédent, constituant alors une baisse de 44,5 % en glissement trimestriel, et ce malgré les fêtes de fin d’année qui pesaient, avant la crise, « 25 à 30 % » du chiffre d’affaires des commerces, tel que l’avait souligné à L’Orient-Le Jour le président de l’ACB, Nicolas Chammas, à Noël dernier.
Record d’inflation
Le rapport fournit une explication à cette diminution à travers la première partie de son titre « Pouvoir d’achat : nouvelle détérioration… Activité des marchés : nouveau ralentissement ». Or le pouvoir d’achat est lié à la forte dévaluation de la livre libanaise et à l’inflation galopante. En effet, la valeur de la monnaie nationale a fait des montagnes russes durant le dernier trimestre de l’année, et en particulier en décembre, mois d’habitude consacré à une hausse des dépenses en raison des fêtes. Ainsi, un dollar s’échangeait contre près de 25 000 livres à fin novembre, puis contre 22 200 livres le 3 décembre, pour remonter et finir le mois à 27 500 livres, selon le site Lirarate.org. Cette dévaluation a d’ailleurs continué sur sa lancée en 2022, dépassant même les 30 000 livres en janvier, pour ensuite se stabiliser autour de 20 000 livres suite à l’intervention de la Banque du Liban (BDL).
Dans le même temps, la carte d’approvisionnement destinée aux ménages les plus pauvres qui devait accompagner la levée des subventions, totale ou partielle, sur plusieurs biens, notamment le carburant, s’est fait attendre, alors qu’en parallèle, les prix de tous les biens explosaient. D’ailleurs, jusqu’à présent, seuls les fonds du programme de sécurité d’urgence (ESSN) de la Banque mondiale ont commencé à être déboursés ce mois. Le Liban a ainsi fini l’année avec un record d’inflation, augmentant de 224,39 % en décembre en glissement annuel, et de 16,52 % par rapport à novembre 2021. Sans surprise, les prix des transports ont obtenu la palme de la plus forte hausse annuelle, en augmentation de 522,39 % en décembre, suivis par les prix de l’alimentation et des boissons non alcoolisées (438,65 %) et ceux de l’eau, de l’électricité, du gaz et des carburants (425,35 %), selon l’Administration centrale de la statistique (ACS).
Ces données chiffrées expliquent les affirmations de l’ACB, qui indique que la consommation des ménages s’est essentiellement concentrée sur les produits de première nécessité, comme l’alimentation, le carburant ou les médicaments. Mais même ces trois catégories ont subi une baisse de chiffres d’affaires réels en glissement trimestriel, selon les données compilées par l’ACB et Fransabank, respectivement de 30,12 %, de 6,32 % et de 56,01 %. Les autres secteurs, jugés non essentiels, ne sont pas en reste, y compris les produits qui se vendent le plus durant les périodes de fêtes, comme l’habillement, qui a subi une baisse de 64,96 %, les téléphones portables (-59,76 %), les jouets (-56,01 %), les montres et bijoux (-35,05 %), les parfums et cosmétiques (-25,96 %) et les spiritueux (-11,03 %). L’ACB regrette dans son rapport que l’arrivée des expatriés au pays durant les fêtes « n’a pas eu l’effet positif escompté en termes de dépenses et de volumes », alors que leurs dépenses constituaient un espoir pour les commerçants en cette période, avait indiqué Nicolas Chammas à la même période. Il avait par la suite indiqué que « même les gens qui ont les moyens font attention à leurs dépenses », évoquant alors « l’effet psychologique » provoqué par la volatilité de la livre avant la dernière quinzaine de décembre.
Les auteurs du rapport constatent enfin que le PIB libanais a reculé de 10,5 % en 2021, en citant les chiffres de la Banque mondiale. Une contre-performance qui s’ajoute à l’effondrement de 21,4 % relevé en 2020 et semble réduire au passage la probabilité d’une reprise « à court terme ». Un pronostic qui se confirme à l’issue d’un premier trimestre de 2022 particulièrement pauvre en avancées concrètes, que ce soit au niveau de l’avancée des discussions avec le Fonds monétaire international à qui le Liban espère arracher une assistance financière, ou encore la distance prise par les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) depuis l’année dernière qui n’ont pas encore rétabli leurs relations avec le pays du Cèdre malgré des promesses de bonne volonté. Selon l’ACB, au moins 50 % des commerces au Liban ont fermé leurs portes depuis 2011.
Le Liban n'avait pas besoin de tous ces commerces inutiles. On a besoin de main d'œuvre qui travaille dans les usines,et dans les champs, pour un vrai rebondissement de l'économie. La nonchalance du travail facile et inutile ne se verra pas de sitôt.
19 h 39, le 30 mars 2022