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Moyen-Orient - Entretien express

Les raisons de la si faible participation des Tunisiens à la consultation en ligne lancée par Saïed

Sarah Yerkes, maître de recherche sur la politique, l’économie et la sécurité en Tunisie à Carnegie endowment for international peace, répond aux questions de L’Orient-Le Jour.

Les raisons de la si faible participation des Tunisiens à la consultation en ligne lancée par Saïed

Des manifestants rassemblés près du Parlement dans les rues de Tunis contre le président Kaïs Saïed, le 20 mars 2022. Fethi BELAID/AFP

C’est un véritable revers qu'a enregistré le président tunisien, Kaïs Saïed. Alors qu’une large consultation en ligne traitant de l’avenir du pays et des réformes nécessaires avait été lancée en janvier et a pris fin dimanche dernier, moins de 10% seulement des plus de 8 millions de personnes constituant le corps électoral y ont participé. Les 520.000 personnes qui ont pris part au processus, de par leur faible nombre, ne permettent pas de lui attribuer une forte représentativité. En dépit de ces résultats, le dirigeant tunisien s’est montré déterminé à organiser un référendum constitutionnel le 25 juillet prochain, une date d’autant plus symbolique qu’elle doit coïncider avec celle de son coup de force l’été dernier lorsqu’il s’était arrogé les pleins pouvoirs. Il gouverne depuis par décrets.

Tandis que la grogne monte au sein de la population tunisienne contre la gestion de la crise politique et économique, plus de 2.000 manifestants se sont rassemblés dimanche dernier pour protester contre la dérive autoritaire du pouvoir et dénoncer la consultation, répondant ainsi à l’appel de l’opposition incarnée par le parti islamo-conservateur Ennahdha et le mouvement "Citoyens contre le coup d’Etat". Ils réclamaient aussi la libération de l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats, Abderrazek Kilani, arrêté au début du mois de mars.

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Comment expliquer la faible participation à la consultation électronique ?

La faible participation est due au manque de compréhension et d'intérêt public pour le processus. De nombreux Tunisiens n’attendent pas un bouleversement majeur provenant du système politique proposé par Kaïs Saïed. Les gens sont davantage préoccupés par la crise économique grandissante, qui n’est pas traitée par ce processus. A cela s’ajoute le fait que beaucoup de Tunisiens, surtout dans les zones rurales, n’ont pas d’accès internet. Il y avait également de sérieuses préoccupations concernant la confidentialité des données personnelles. Les gens devaient inscrire leur numéro d’identité nationale pour participer à la consultation. Depuis le 25 juillet, Kaïs Saïed a arrêté de nombreux Tunisiens, dont plusieurs personnalités, s’étant opposés à lui, ce qui crée un climat de peur. Compte tenu du faible taux de participation, Kaïs Saïed ne peut absolument pas soutenir que ce processus représente la voix du peuple.

Quel bilan peut-on tirer depuis le coup de force de Kaïs Saïed de juillet dernier ?

La situation économique a empiré. Les prix des produits du quotidien ont explosé, notamment la nourriture et l’essence. Le chômage a continué à augmenter, l’inflation aussi. Pour ces raisons, la colère populaire ne cesse de grandir et de plus en plus de Tunisiens cherchent une issue, qui peut prendre la forme d'une dangereuse traversée de la Méditerranée pour rejoindre l'Europe. Les agences de notation et les institutions internationales ont, à plusieurs reprises, abaissé la note de la Tunisie, et la concrétisation d’un accord avec le Fonds monétaire international semble peu probable pour le moment. Kaïs Saïed n’est pas un économiste et n’a pas d’équipe pouvant le conseiller sur le sujet. Par conséquent, son gouvernement n’a rien fait pour traiter les défis de longue date auxquels fait face la Tunisie, notamment les inégalités socio-économiques entre les différentes régions du pays, qui ont engendré la révolution de 2010-2011.

Quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur son pouvoir ?

Jusqu’à présent, l’opposition n’est pas parvenue à contrer Kaïs Saïed. Elle n’est pas unie et ses demandes sont assez vagues, mise à part la demande de reprise de l'activité du Parlement. Kaïs Saïed n’a pas répondu aux préoccupations des protestataires. Au contraire, la campagne qu’il a menée pour faire taire l’opposition a fonctionné. Il a eu recours aux interdictions de voyager, aux tribunaux militaires et aux arrestations d’éminentes figures politiques et de chefs d’entreprises. La réduction au silence de ses critiques est aussi passée par la fermeture des rues et l’interdiction des manifestations. Malgré un mécontentement grandissant au sujet de la direction dans laquelle Kaïs Saïed entraîne le pays, l’opposition n’a pas encore trouvé une façon efficace pour appeler à un retour à la voie démocratique. 

C’est un véritable revers qu'a enregistré le président tunisien, Kaïs Saïed. Alors qu’une large consultation en ligne traitant de l’avenir du pays et des réformes nécessaires avait été lancée en janvier et a pris fin dimanche dernier, moins de 10% seulement des plus de 8 millions de personnes constituant le corps électoral y ont participé. Les 520.000 personnes qui ont pris part...

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