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Culture - Entretien

Ariane Toscan du Plantier : Je viens au Liban pour écouter, partager et échanger

Elle est l’invitée du « Grand week-end du cinéma français » qui a lieu du 24 au 27 mars à la salle Montaigne de l’Institut français de Beyrouth. La directrice de la distribution cinéma France et internationale chez Gaumont évoque les combats du cinéma français actuel ainsi que les perspectives de collaboration avec son homologue libanais.

Ariane Toscan du Plantier : Je viens au Liban pour écouter, partager et échanger

Ariane Toscan du Plantier : « Mais nous avons la responsabilité d’apprendre à nos enfants à aimer le cinéma comme à aimer lire ou écouter la musique. » Bertrand Rindoff Petroff/ Getty,

Vous venez au Liban avec une valise chargée de films Gaumont que vous présenterez durant le week-end du 26-27 mars. Mais vous allez participer à des tables rondes avec les professionnels libanais, et des équipes d’Unifrance et du CNC. ll y a donc un double volet à cette visite...

La place du cinéma français au Liban a perdu de sa splendeur ces dernières années. On a ainsi une responsabilité à accompagner de nouveau nos films qu’on a peut-être négligée. Il faudra redonner de l’appétence pour le cinéma français au public libanais pour que le Liban redevienne une plateforme régionale, du moins un point d’entrée pour le Moyen-Orient comme il l’a été il n’y a pas si longtemps de cela. Je sais que le Liban est un partenaire fidèle, mais au fil des années, pour plusieurs raisons, le marché du film français, qui n’était pas énorme mais néanmoins existant, s’est récemment effrité. Il était fondamental donc d’aider à nouveau nos films, pas nécessairement les films Gaumont, à s’exporter. Cet événement, appelé « Grand week-end du cinéma français », le premier qui existe depuis des années, est un point de départ pour l’accompagnement de nos films. Nous apportons donc ce bouquet de 5 films majeurs sortis récemment et assez différents. Il y a ainsi, entre autres, Illusions perdues de Xavier Giannoli qui a remporté 7 césars pour la cuvée 2022 et qui sera projeté ce jeudi soir (sur invitation) et le 27 pour tout public ; Aline de Valérie Lemercier, qui a eu un joli succès et un césar de la meilleure réalisatrice, OSS 117 de Nicolas Bedos et deux autres films, lesquels redonneront des couleurs au cinéma français au Liban et au Moyen-Orient. Par ailleurs, comme il paraissait fondamental d’échanger avec les professionnels libanais du film pour comprendre le pourquoi et le comment et répondre à la demande du marché, et grâce à l’ambassade de France et à l’Institut français au Liban qui ont organisé deux tables rondes, on va s’asseoir tous ensemble et en discuter. Comprendre aussi les besoins, les goûts, les envies des Libanais et arriver, je l’espère, à des accords de coproduction. Mais auparavant, il faut bien sonder ce terrain fertile libanais. Je peux citer à cet égard le film Capharnaüm de Nadine Labaki qui a été distribué par Gaumont en France. Ce n’est qu’un petit exemple pour montrer que la collaboration est très importante entre Français et Libanais. Par conséquent, je participe ce vendredi 25 mars à une table ronde organisée autour du thème « Les coopérations franco-libanaises: bilan de l’aide d’urgence et perspectives » avec Anne-Dominique Toussaint (productrice des Films des Tournelles), Mathieu Fournet (directeur des relations internationales CNC) et Jean-Christophe Baubiat (chargé des festivals et marchés Unifrance). Une autre table ronde regroupe des professionnels libanais du film, comme Hania Mroué (directrice de Metropolis Cinema et MC distribution ), Myriam Sassine (productrice/Abbout Productions), Mahmoud Korek (spécialiste postproduction/The Postoffice) ainsi que le cinéaste Ely Dagher. Lors de cette deuxième table ronde, je vais uniquement écouter, car il faut écouter pour apprendre et échanger.

Vous êtes aujourd’hui directrice de la distribution cinéma France et internationale chez Gaumont. Pensez-vous que votre voie était déjà tracée parce que vous avez baigné dans le milieu du cinéma de par votre père, le producteur Daniel Toscan du Plantier, et votre mère, l’actrice Marie-Christine Barrault ? Ou l’avez-vous choisie volontairement ?

Je ne l’ai pas vécue comme une voie prétracée. Mes parents nous ont donné une éducation assez traditionnelle, et contrairement à d’autres enfants de la balle qui ont grandi sur des plateaux de cinéma et autres, nous étions élevés d’une manière classique tant à la maison qu’à l’école. Notre mère nous emmenait parfois sur les plateaux de cinéma mais je peux dire que cette vie « pas comme les autres » que mes parents menaient a dû quand même nous influencer, mon frère et moi, car nous sommes tous les deux actuellement dans le domaine du 7e art. J’ai donc commencé ma carrière auprès de producteurs indépendants au travail artisanal, et lorsque l’opportunité d’appartenir à la grande famille de Gaumont s’est présentée à moi, j’avoue avoir eu un peu peur au début. C’était d’abord pour moi une occasion d’élargir mon carnet d’adresses. Je m’occupais essentiellement à l’époque de la promotion des films français à l’étranger. Vingt-six ans plus tard, je n’ai pas réussi à quitter cette maison car c’est la plus belle dans son éclectisme puisqu’elle produit des films de tous horizons, et je me sens privilégiée d’appartenir non à une société, mais à une maison, et je compte y rester encore très longtemps.

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En quoi consiste la charge de la directrice de la distribution cinéma France et internationale chez Gaumont ?

C’est un gros pôle qui comprend la distribution française des films en salle, les ventes de nos films à l’international, mais également une partie sur la communication qui, elle, est plus transversale. Celle-ci gère les séries, la télé, les films d’animation ainsi que les films de plateforme. Nous sommes une équipe de trente-cinq personnes qui sont pour la plupart depuis très longtemps chez Gaumont et qui essaient de donner le meilleur d’eux-mêmes. L’organisation dans cette société est telle que la vente des films à l’étranger et la distribution des films sortis en salles sont deux métiers différents mais qui se servent l’un de l’autre, même si cela diffère par exemple sur le timing, puisque la distribution internationale intervient avant la sortie des films dans les salles françaises. C’est donc très constructif d’avoir ces deux métiers sous la même égide.

La phase post-Covid est presque une nouvelle étape pour le cinéma. Quels dangers la pandémie a-t-elle déclenchés dans ce milieu ?

Le principal danger a été le changement d’habitudes. Les salles en France ont été très longtemps fermées, et je suppose au Liban aussi. Par conséquent, le public a changé ses habitudes. C’est plus rapide d’opter pour une nouvelle habitude que de revenir à une ancienne. Certes, les plateformes existaient déjà, mais la pandémie leur a donné une place majeure dans la vie de tout un chacun puisque l’offre et les propositions de ces plateformes sont immenses.

Aujourd’hui, il faut avoir une exigence absolue dans le choix des films pour que le spectateur décide à un moment donné que « ce film-là, précisément, je vais aller le voir en salle ». La France reste quand même culturellement un pays de cinéma, mais aujourd’hui, le spectateur, au lieu de se dire : « On va se faire un cinéma ce soir », choisit minutieusement son film et y va moins souvent. Le réalisateur et le producteur ont l’obligation de se demander donc : « Pour qui fait-on le film ? » D’autre part, on a compris que la « sortie cinéma » était une entité globale. Elle comprenait non seulement le film à voir, mais aussi tout ce qui l’entoure, comme l’accès à la confiserie (popcorn et autres…). Et cela, on l’a compris lorsque le gouvernement a fermé les confiseries à cause de la recrudescence du Covid. Les jeunes qui arrivaient en salle repartaient immédiatement à la vue de la confiserie fermée. Quitte à me répéter, je dis que le choix des films doit se faire de sorte qu’il appellent la plus-value du déplacement du public vers les salles.

Quant à l’international, c’est un autre genre de combat. Étant donné que nous avons un regard de distributeur et de producteur à la fois, on se doit de savoir distinguer quel film voyage mieux que d’autres. Il est vital et important pour nous que nos films continuent à s’exporter. Il faut donc comprendre quelle est la véritable appétence pour les films français à l’étranger, et être soucieux à la fois du sujet et du coût. Dans le cas des plateformes, nous avons des films que nous dévions vers ces dernières. Ce n’est certainement pas le même processus de fabrication mais nous sommes fiers d’avoir même des longs-métrages pour ces plateformes-là qui sont à la fois concurrentes et complémentaires. Nous revivons le même combat qu’a vécu dans le temps le cinéma face à l’arrivée de la télévision dans les foyers. Ce n’est pas honteux de voir un film sur plateforme, comme il n’était pas honteux de voir un téléfilm au petit écran. Ainsi, nous pourrons continuer à produire des films et des séries pour plateformes, ce qui nous aide dans notre métier qui s’adresse au grand écran.

Vous devez avoir une journée chargée au quotidien. Comment se passe-t-elle en général ?

J’ai 3 enfants, dont deux qui n’ont plus besoin de moi, tandis que la dernière, je m’en occupe encore le matin. J’ai donc une première vie au lever du jour pour m’occuper de la maison, puis je pars au bureau qui est assez loin de mon domicile. J’arrive vers 9h-9h30 et je reviens à la maison vers 20h-20h30 où le travail de l’autre vie recommence. Tout au long de la journée, la priorité est donnée à la communication entre les 35 personnes de l’équipe, et comme durant le temps du Covid il n’y a eu que des zooms, on est en manque de ces échanges en présentiel. Pour ma part, je ressens un grand besoin d’être là avec tout le monde et pouvoir partager, car l’énergie constructive à mon avis passe toujours par l’esprit de groupe.

Nous gérons entre-temps beaucoup de films : ceux qui sont au tournage et ceux dont nous préparons la sortie. Nous lisons des scénarios, nous rencontrons des réalisateurs qui nous expliquent leur vision. Nous traitons donc dans la même journée de sujets très différents. Le travail de distribution a beaucoup évolué. Nous travaillons dans la dentelle car si nous ne savons pas parler à une cible précise, nous risquons de ne pas la toucher. Nos priorités consistent à travailler sur le « management », mais aussi avec chaque réalisateur pour qu’il ait l’impression que toute l’équipe n’est là que pour lui. Les journées portent donc essentiellement sur les échanges et là, j’avoue que je n’aime pas le télétravail.

Vous avez le temps d’aller au cinéma ? Que représente-t-il exactement pour vous ?

Je n’y vais pas beaucoup, sauf en week-end avec ma jeune fille qui aime y aller. On a la chance d’avoir deux grandes salles de projection chez Gaumont. Mais j’ai essayé d’inculquer à mes enfants dès leur jeune âge la culture du cinéma. Ce mode éducatif doit être intégré à l’éducation que l’on donne à nos enfants. Moi, j’ai été élevée par des parents qui faisaient du cinéma parce qu’ils l’aimaient. Mon père n’était pas d’une famille de cinéma, mais il a aimé en faire partie. Il s’est créé son parcours. Cela dit, on fait de notre vie ce qu’on veut, mais nous avons la responsabilité d’apprendre à nos enfants à aimer le cinéma comme à aimer lire ou écouter la musique. Quand on sort d’un film en salle, se déclenche un moment de partage inédit. Je me sens, tous les jours de ma vie, privilégiée. J’ai de la chance d’évoluer dans ce métier, dans cet univers. Au final, je tente d’inculquer à mes enfants que quelque soit le métier qu’ils choisissent, ils essaient de le faire par passion. Cela change toute une vie.

Programme

Au programme du Grand week-end du cinéma français à Beyrouth, qui se déroule à la salle Montaigne de l’Institut français du Liban :

Jeudi 24 mars à 19h30 : avant-première du film Illusions perdues de Xavier Giannoli, césar du meilleur film en 2022 (sur invitation).

Vendredi 25 mars : Journées professionnelles du cinéma franco-libanais: tables rondes (sur invitation).

-16h : « Bilan et perspectives du cinéma libanais ».

-17h45 : « Les coopérations franco-libanaises, bilan de l’aide d’urgence et perspectives ».

Projections en avant-première au Liban (tout public)

Samedi 26 mars :

11h : Mystère de Denis Imbert ;

15h : Le Chêne de Michel Seydoux et Laurent Charbonnier ;

18h : OSS 117 : alerte rouge en Afrique noire de Nicolas Bedos ;

20h30 : Aline de Valérie Lemercier (césar 2022 de la meilleure actrice).

Dimanche 27 mars :

16h : Aline de Valérie Lemercier ;

19h : Illusions perdues de Xavier Giannoli.

Vous venez au Liban avec une valise chargée de films Gaumont que vous présenterez durant le week-end du 26-27 mars. Mais vous allez participer à des tables rondes avec les professionnels libanais, et des équipes d’Unifrance et du CNC. ll y a donc un double volet à cette visite...La place du cinéma français au Liban a perdu de sa splendeur ces dernières années. On a ainsi une...

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