
Du fond de la vallée une pulsation jaillit, un nuage de plomb se dissout dans l’air. Liaison sonore subordonnée à l’inertie de l’idiophone et à l’événement annoncé. Le retour retentit et le rythme est entamé. Glas d’une âme s’abandonnant à la miséricorde du Très-Haut. Inattendu, nécessaire. Sonnerie du rendez-vous dominical. Liturgique, hebdomadaire.
Volée d’une union de deux âmes. Joyeuse, musicale, induite par une maîtrise technique symbolisant une étape majeure dans la vie de l’engendreur. Rite de passage. Réelle preuve de force et de finesse, de jeunesse et de sagesse ; car il s’agit de sentir, phonétiquement et physiquement, ces instants d’inflexion subtiles, pour exploiter ou relâcher, et de les exécuter mélodieusement. Excès de vigueur et le joug bascule, mollesse du mouvement et le rythme recule, raffinement de l’amplitude pour la danse du pendule. Ouverture des épaules, position orthogonale, appui sur la double marche, contrôle fémoral, ou combinaison personnelle. Les méthodes varient, mais il faut battre la mesure, atteindre ce déphasage harmonique. Quatre coups. Quatre fois par période, le battant doit frapper la robe, pour jouer le chant consigné et diffuser ce timbre unique, signature de chaque paroisse.
Parmi des centaines, mon oreille pourrait reconnaître l’appel de celle qui trône sur le beffroi de la mienne. Coordonnées propres dans un espace multidimensionnel. Alliage découlant d’une expertise campanaire multigénérationnelle, morphologie géométriquement symétrique à la topologie, position géographique acoustiquement stratégique, et autres vecteurs en confirment la singularité.
Vieille voix, réconfortante, portante, et qui m’emporte vers ces doux étés insouciants, me reliant indéniablement aux miens. Séculaire cloche de l’église de mon village, d’au-delà des années, des milliers de kilomètres qui nous séparent, tes échos résonnent toujours en moi.
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