
Des membres du collectif Mouttahidoun prononçant une déclaration, le 18 mars. Photo tirée du compte Twitter du groupe
L’étau se resserre autour des banques au Liban. Plus de deux ans après la mise en place d’un contrôle de facto des capitaux, empêchant ainsi le commun des déposants d’accéder à son épargne, des juges ont émis une série de décisions allant à l’encontre des intérêts des banquiers. Mardi, Fransabank, l’un des établissements financiers les plus importants du pays, a été placé sous le coup d’une ordonnance de saisie exécutoire prononcée par la première juge de l’exécution de Beyrouth, Mariana Anani, dans le cadre d’une affaire l’opposant à un de ses déposants réclamant la restitution de ses fonds dans la monnaie dans laquelle ils ont été libellés, et non par chèque bancaire.
À l’origine de la plainte, le collectif Moutahidoun (« Unis pour le Liban »), une coalition d’avocats formée en 2016 dont l’objectif affiché est de « lutter contre la corruption ». Parmi les fondateurs se trouve Rami Ollaik, réputé proche du Courant patriotique libre (CPL) aouniste. Le collectif Moutahidoun est derrière plusieurs plaintes contre d’autres acteurs financiers, selon la porte-parole du groupe. « Nous avons porté plainte contre plusieurs succursales de banques à Zahlé et dans la Békaa, contre Riad Salamé (le gouverneur de la banque centrale), Raja Salamé (le frère de Riad Salamé) et Marianne Hoayek (conseillère du chef de la BDL), mais aussi contre la Société générale de banque au Liban (SGBL) et le groupe de transfert d’argent Mecattaf », fait savoir la porte-parole du groupe. Ces personnes sont également dans le viseur du CPL et font, pour la plupart d’entre elles, l’objet de poursuites engagées par la procureure du Mont-Liban, Ghada Aoun. Cette dernière est réputée proche du président Michel Aoun. Moutahidoun agit-il alors dans l’intérêt présidentiel ? « Oui, ce groupe est proche du CPL et utilise la question des banques à des fins politiques », assure un avocat indépendant militant pour la restitution des dépôts. Une personnalité proche des mouvances aounistes, également sous le sceau de l’anonymat, confirme la proximité entre le CPL et Moutahidoun.
« Une conjonction »
La porte-parole du collectif balaie, elle, d’un revers de main toute affiliation politique. « Certains de nos avocats pourraient être membres ou proches d’un parti. Cela ne signifie pas pour autant que le groupe est affilié à qui que ce soit. Nous sommes complètement indépendants, financièrement comme politiquement, et nous pointons du doigt la corruption là où elle se trouve », affirme-t-elle. Même son de cloche du côté du CPL, qui dément catégoriquement parrainer le collectif. « M. Ollaik et Moutahidoun faisaient partie du 17 octobre, ils ne peuvent donc pas être affiliés au CPL », affirme une source au sein du parti ayant requis l’anonymat. « Mais il faut tout de même dire qu’il existe une conjonction entre notre objectif et celui de Moutahidoun, à savoir mettre les points sur les i dans le chaos financier dans lequel nous vivons », reconnaît cette source.
À moins de deux mois des élections, le CPL perçu comme étant en perte de vitesse va-t-il essayer de se positionner en héraut des déposants ? Moutahidoun nie en bloc tout lien entre la perspective des législatives de mai et leurs plaintes. « Il n’existe absolument aucun lien avec les élections. C’est juste que les plaintes sont contraintes par des délais judiciaires qui les ont retardées jusque-là », affirme la porte-parole. Lors d’une conférence de presse vendredi, Rami Ollaik s’est toutefois interrogé à voix haute : « Est-ce le moment de tenir des élections avec tous ces criminels ? »
nous avons plutôt été habitués à ce que tous ces mafieux se protègent les uns les autres. cette situation est quand même inédite: de mémoire, il me semble que c'est la première fois dans l'histoire libanaise récente qu'un camp corrompu attaque en justice l'autre pour des faits de corruption. les copains d'en face vont vouloir se venger et feront bientôt de même (envers les corrompus de l'énergie, par exemple). battikh y kasser ba3do ça pourrait être le début du grand nettoyage. on peut réver... nous savons que les "kellon" tiennent les ficelles des pouvoirs y compris le judiciaire. ils sont les seuls à pouvoir obtenir des résultats. inféodés ou pas, quelle importance si les vrais coupables sont jugés et finissent en prison?
15 h 43, le 22 mars 2022