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Économie - Guerre en Ukraine

Les prix des carburants, au Liban, déjà frappés de plein fouet

Les prix des carburants, au Liban, déjà frappés de plein fouet

Les 20 litres d’essence à 98 octane ont dépassé la barre des 400 000 livres hier. Photo João Sousa

Avec la hausse des cours mondiaux de pétrole, conséquence de la guerre en Ukraine, les prix en livre libanaise et en dollar de tous les carburants – essence, diesel et gaz domestique – ont fortement augmenté hier au Liban. Une conséquence, douloureuse dans un pays en crise depuis plus de deux ans où le pouvoir d’achat s’est effondré au rythme de la monnaie nationale, de la modification opérée par le ministère de l’Énergie et de l’Eau sur le processus de fixation des prix, suite à la demande de l’Association des sociétés importatrices de pétrole (APIC), conformément à ce qui avait été annoncé mercredi soir à L’Orient-Le Jour par des sources proches du dossier.

« Le prix du baril de pétrole a dépassé les 116 dollars sur les marchés mondiaux (avant de se replier légèrement en fin de journée), entraînant une répercussion sur le coût des importations au Liban », a pour sa part indiqué hier le porte-parole des propriétaires de station-service, Georges Brax, pour justifier ce nouvel ajustement majeur, dont l’amplitude dépasse largement les fluctuations enregistrées au cours des semaines précédentes. Ces prix sont principalement fixés en fonction du taux dollar/livre sur le marché parallèle, assez stable depuis plusieurs semaines (autour de 20 500 livres), et des cours mondiaux des hydrocarbures, qui s’affolent donc depuis le lancement des hostilités russes en Ukraine il y a une semaine.

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Les 20 litres d’essence à 95 et 98 octane ont ainsi augmenté de 28 000 livres, atteignant respectivement 397 000 et 407 000 livres. La même quantité de mazout a bondi de 41 000 livres, atteignant les 375 000 livres. Quant à la bonbonne de gaz, elle connaît une augmentation de 15 000 livres et se vend à 288 000 livres. Pour rappel, la Banque du Liban assure toujours 85 % du prix total des importations, selon un taux dollar/livre qu’elle fixe elle-même. Pour cette nouvelle grille tarifaire, le taux utilisé était de 20 200 livres pour un dollar. Quant aux 15 % restants, que les sociétés doivent assurer elles-mêmes sur le marché parallèle, ils étaient cette fois assurés en fonction d’un taux fixé à 20 703 livres pour un dollar.

Certains carburants sont en revanche réglés à 100 % en dollars, comme le mazout destiné aux générateurs privés, dont le prix, fixé hier à 854 dollars, a bondi de 97 dollars par rapport au prix de mardi, qui affichait déjà une hausse de 14 dollars comparé à la semaine précédente.

Niveau du S&P Global Platt « à J-2 »

Le changement de méthode opéré pour obtenir ces résultats est simple. Jusqu’à présent, le ministère modifiait les prix en dollars des carburants les mardis, tandis que les variations des prix en livres liées au taux de change pouvaient survenir d’autres jours de la semaine, dépendamment de l’ampleur de ses fluctuations.

Suite au changement de méthode, les modifications des prix en dollars pourront survenir plus souvent « en cas de fortes variations des cours mondiaux », a précisé Georges Brax à L’Orient-Le Jour. L’autre changement majeur concerne la valeur de l’indice de référence des cours mondiaux à prendre en compte, le fameux S&P Global Platt utilisé par le ministère. « D’habitude, le ministère se basait sur une moyenne du Platt calculée sur 4 semaines. Cette période a été réduite à 2 semaines il y a quelque temps et, depuis (hier), c’est désormais la valeur à J-2 qui est prise en compte », explique une autre source proche de la filière.

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Si le ministre de l’Énergie Walid Fayad avait, lui, estimé la semaine dernière qu’une crise du mazout consécutive à la crise russo-ukrainienne était « improbable », le président de l’APIC, Maroun Chammas, s’est montré moins optimiste hier. Il a notamment considéré que « la situation actuelle est exceptionnelle depuis le début de la guerre entre Russie et Ukraine », ajoutant que « personne ne pouvait prédire à ce stade comment les prix évolueront », que ce soit vers le bas ou vers le haut.

« Nous ne pouvons pas stocker les marchandises importées aujourd’hui car les prix des marchés ne le permettent pas », a-t-il aussi prévenu, redoutant « une pénurie de carburants dans les prochains mois en raison des difficultés à trouver des marchés alternatifs ». Il a enfin exprimé l’espoir que les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole augmenteront leurs quantités de production pour nourrir les marchés.

Si les importateurs sont « satisfaits » de la décision du ministère, selon la source anonyme précitée, la hausse des prix du carburant d’hier a déjà fait réagir le président de l’Union des syndicats des transporteurs routiers, Bassam Tleiss, qui l’a dénoncée non sans une certaine ironie. « Les nouvelles quantités de carburants ont-elles été importées à l’aube ? L’importation ne se fait-elle pas de manière anticipée, deux semaines avant le départ des cargaisons ? » s’est notamment interrogé le syndicaliste, selon des propos rapporté par l’Agence nationale d’information. « N’y a-t-il ni essence ni mazout dans les réservoirs des distributeurs et des stations-service? Leurs tuyaux sont-ils directement connectés aux cours mondiaux du pétrole ? N’y a-t-il aucune limite à la cupidité ? Et où est le gouvernement? » a-t-il encore dénoncé.

Des craintes internationales

Si les importateurs estiment que ce changement de méthode dans la façon de calculer les prix des carburants en livre et en dollar réduit le risque de pénurie, il risque toutefois de se traduire par une hausse globale de l’inflation. Hier, de nombreux prix avaient d’ailleurs déjà été relevés dans les commerces, tandis que nombreux sont ceux qui appréhendent l’impact de cette hausse sur les tarifs des générateurs de mars, qui seront publiés à la fin du mois.D’autant plus que c’est encore la frénésie qui dominait hier sur les marchés mondiaux. Le baril de Brent de la mer du Nord, référence du brut en Europe, prenait en matinée 3,12 % à 116,45 dollars, après avoir grimpé jusqu’à 119,84 dollars. Le seuil des 120 dollars n’a pas été atteint depuis 2012. Le West Texas Intermediate (WTI) coté à New York gagnait 3,16 % à 114,09 dollars, après avoir poussé jusqu’à 116,57 dollars, un nouveau sommet plus vu depuis septembre 2008. Plus tard dans la journée, le cours du Brent s’est stabilisé à 114,74 dollars le baril, et le WTI à 112,71 dollars, loin des pics du matin. Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), a, lui, qualifié de « décevantes » en cours de journée les décisions attentistes de l’OPEP+ et souligné disposer d’assez de stocks pour agir encore sur les marchés.

Dans la colonne des bonnes nouvelles, les marchés ont applaudi la posture plus accommodante du président de la Réserve fédérale (FED), Jerome Powell, sur les prochaines hausses de taux de la banque centrale américaine. « Nous nous attendons à ce que les banques centrales donnent la priorité à la croissance en prenant en compte le risque de baisse que représente la hausse des prix des matières premières », a expliqué Vincent Juvyns, de JP Morgan AM.

Au niveau des autres matières premières, le gaz naturel en Europe a reflué en fin de journée (-1,53 % à 163 euros le mégawattheure) sur le marché européen néerlandais, qui fait référence, après avoir battu un nouveau record à près de 200 euros le matin. Le zinc a dépassé les 4 000 dollars la tonne, au plus haut depuis 2007.

Blé : le ministre de l’Économie assure que tout est « en ordre »

Suite aux récentes craintes de pénurie de blé au Liban en raison du conflit russo-ukrainien, tous deux principaux fournisseurs de blé du pays avec la Roumanie, le ministre de l’Économie et du Commerce Amine Salam s’est une nouvelle fois voulu rassurant hier à l’issue d’une réunion consacrée à la sécurité alimentaire avec le Premier ministre Nagib Mikati.

Le ministre a ainsi réitéré que le stock actuel de blé dont dispose le Liban est suffisant pour tenir « un mois et demi ». Une assertion qu’il avait déjà faite en début de semaine, ajoutant cette fois « communiquer avec plusieurs pays, dont les États-Unis », pour importer cette céréale essentielle.

À l’approche du mois de ramadan, le ministre a également plaidé pour que les citoyens « ne cèdent pas à la panique », étant donné que tout est « en ordre ». Entre-temps, Amine Salam a demandé aux commerçants d’« être prudents durant cette période », avertissant que ceux qui augmenteraient les prix de manière illégale feront l’objet de poursuites.

Le Conseil des ministres a récemment accordé à la direction générale des graines et de la betterave sucrière, rattachée au ministère de l’Économie, l’autorisation d’acheter « 50 000 tonnes » de blé afin de constituer une réserve pour un mois supplémentaire, a enfin souligné le ministre.

Lundi, un navire venant d’Ukraine avait déchargé 7 000 tonnes de blé au port de Tripoli (Liban-Nord), tandis qu’un second doit arriver « jeudi prochain ». La filière demeure toutefois fébrile au vu de la crise économique que traverse déjà le pays.

Avec la hausse des cours mondiaux de pétrole, conséquence de la guerre en Ukraine, les prix en livre libanaise et en dollar de tous les carburants – essence, diesel et gaz domestique – ont fortement augmenté hier au Liban. Une conséquence, douloureuse dans un pays en crise depuis plus de deux ans où le pouvoir d’achat s’est effondré au rythme de la monnaie nationale, de...

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