
Le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui reçu par le président Michel Aoun le 3 février à Baabda. Photo Dalati et Nohra
C’est le énième défi que lance le Hezbollah à l’État libanais en maintenant, coûte que coûte, un rassemblement politique pourtant interdit par le gouvernement libanais. Le congrès de l’opposition bahreïnie, dans sa seconde édition après une première rencontre début janvier – également interdite en vain –, s’est tenu lundi et hier en dépit d’une série de mises en garde et de menaces musclées émises par le ministre de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui. Ce geste de défiance aux autorités qui tentent depuis des mois de réhabiliter la relation avec les pays du Golfe est venue confirmer une fois de plus la détermination du Hezb à aller jusqu’au bout de la guerre ouverte qu’il mène, à partir du sol libanais, contre l’Arabie saoudite et les monarchies arabes.
L’événement consistait en un « rassemblement solidaire » intitulé « Unis pour la justice », à l’initiative du groupe d’opposition chiite de Bahreïn al-Wifaq, un groupe d’obédience islamiste. Les organisateurs affirment marquer la commémoration des 11 ans depuis « le mouvement pacifique et populaire réclamant la justice, la liberté et la transition démocratique » en référence au mouvement de contestation bahreïni du 14 février 2011.
Jeudi, le ministre Maoulaoui, et après concertation avec le Premier ministre Nagib Mikati, avait demandé aux forces de sécurité d’empêcher la tenue de ce rassemblement. Il avait également demandé de « prendre toutes les mesures nécessaires pour collecter des informations sur les organisateurs, les personnes qui ont appelé à ces événements ainsi que les invités ».
Sauf que la menace formulée par Bassam Maoulaoui n’a eu vraisemblablement d’effet que sur les gérants de l’hôtel Al-Saha, dans la banlieue sud de Beyrouth, qui devait à l’origine accueillir ce congrès vendredi dernier et qui a fini par y renoncer pour ne pas avoir l’air de vouloir affronter l’État. Le Hezbollah a donc changé l’emplacement du congrès qui a eu lieu en définitive au théâtre al-Rissala, toujours dans le périmètre sécurisé du Hezb qui a imposé un cordon sécuritaire impressionnant sur les lieux.
« Le constat est le suivant : nous sommes en présence d’une décision officielle d’interdire ce rassemblement et celle concomitante d’un parti politique qui a décidé de soustraire la banlieue sud à l’autorité de l’État. Le message est clair : la banlieue sud n’est pas soumise aux lois libanaises », commente Michael Young, rédacteur en chef de Diwan, le blog de Carnegie Middle East Center.
L’ancien directeur des Forces de sécurité intérieure, Achraf Rifi, a rappelé pour sa part que le théâtre al-Rissala relève de la municipalité de Ghobeiri et est considéré comme une institution publique relevant du ministère de l’Intérieur.
« Nous faisons tout ce qui est possible pour construire l’État. Les mesures que nous allons prendre démontrent clairement cette intention » avait pourtant lancé, lundi soir Bassam Maoulaoui aux journalistes qui lui demandaient, presque ironiquement, ce qu’il comptait faire pour joindre l’acte à la parole. « La conférence a bel et bien eu lieu. Le ministre n’a eu aucune réaction à l’exception d’une prise de position de principe qu’il a voulu marquer », commente Kassem Kassir, un expert des questions du Hezbollah.
« Atteinte à la liberté d’expression »
C’est donc un véritable camouflet que vient d’infliger une nouvelle fois le parti chiite aux autorités qui ont préféré fermer l’œil et ignorer ce nouvel affront. Le mutisme dont ont fait preuve le président Michel Aoun et le Premier ministre Nagib Mikati démontre non seulement l’impuissance à laquelle sont réduites les institutions libanaises mais aussi une certaine abdication face à la toute-puissance du Hezb qui ne ménage même plus la forme pour défier l’État. Pour justifier cette bravade, le Hezbollah a de son côté brandi le principe des libertés publiques et d’expression également consacré par la loi fondamentale. L’interdiction d’organiser ces activités « est une atteinte à la liberté d’expression », a de son côté justifié le président du Forum bahreïni des droits de l’homme, Baqr Darwiche. Il n’empêche que la provocation était d’autant plus flagrante cette fois-ci que cet événement est survenu quelques semaines à peine après le lancement de l’initiative koweïtienne destinée à aider au dégel diplomatique entre Beyrouth et les pays du Golfe. La feuille de route arabe, également approuvée par l’Arabie saoudite et les EAU, exige dans une de ses clauses que le Liban s’abstienne d’abriter et de donner tribune à des noyaux d’opposition qui s’en prennent aux pays du Golfe et distillent l’esprit de subversion.
C’est un scénario similaire qui avait eu lieu le 12 janvier dernier, alors que se tenait une conférence en soutien à l’opposition au régime des Saoud, à une date commémorant l’exécution de l’imam chiite Nimr al-Nimr, considéré comme une figure de la contestation saoudienne. À travers cet événement, le Hezbollah entendait envoyer un énième message fort à Riyad qu’il accusait d’orchestrer une campagne de dénigrement et de diffamation le ciblant. « Nous allons appliquer la loi », avait également promis sur un ton se voulant tout aussi ferme le ministre de l’Intérieur, avant de préciser que toute atteinte au royaume est une ligne rouge à ne pas dépasser par les conférenciers. Là aussi, les lignes rouges ont été franchies et le ministre malmené. « Cette attitude, Monsieur le ministre, ne vous permettra pas de briguer le poste de chef de gouvernement à l’avenir », avait alors lancé à M. Maoulaoui un dignitaire chiite, le cheikh Ghazi Honeini, avant d’ajouter que c’est la résistance qui est « déterminante pour la désignation des Premiers ministres au Liban et pour la formation des gouvernements. »
À la mi-décembre, Bassam Maoulaoui avait également ordonné l’expulsion des membres du groupe islamiste al-Wifaq, quelques jours après la tenue à Beyrouth d’une conférence de presse qui avait irrité Manama. Sauf que quelques membres de l’opposition avaient déjà quitté le territoire libanais de leur plein gré et bien avant la décision de M. Maoulaoui. Quant aux autres, ils se trouvent toujours au Liban. Certains d’entre eux y résident depuis longtemps et sont mêmes mariés à des Libanaises, précise une source proche du Hezbollah.
commentaires (15)
Libanais, cessez donc de vous leurrer. Ce n'est pas une guerre contre les pays arabes que menent les traitres au drapeau jaune, mais bien une guerre CONTRE LE LIBAN ! Reveillez-vous de votre torpeur fataliste, bon sang !
Remy Martin
17 h 32, le 16 février 2022