
Des partisans du Hezbollah au cours de la cérémonie organisée le 4 janvier dans la banlieue sud de Beyrouth à l’occasion de la deuxième commémoration de l’assassinat en Irak du général iranien Kassem Soleimani. Photo Houssam Chbaro
Le Hezbollah récidive. Après avoir hébergé il y a quelques semaines une conférence organisée par le principal groupe d’opposition de Bahreïn, al-Wifaq, le parti chiite frappe encore plus fort. Hier, au cœur de la banlieue sud de Beyrouth, il a parrainé une conférence en soutien à l’opposition au régime des Saoud, à une date commémorant l’exécution de l’imam chiite Nimr al-Nimr, considéré comme une figure de la contestation saoudienne. À travers ce congrès, un événement d’une forte symbolique, le Hezbollah a envoyé un énième message fort à Riyad qu’il accuse d’orchestrer une campagne de dénigrement et de diffamation le ciblant. Mais aussi au Liban officiel qui œuvre, en vain jusqu’ici, à rétablir ses relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite.
Réunissant une cinquantaine d’opposants saoudiens – dont des sunnites, des chiites et des ismaéliens –, selon une source du parti, le congrès se veut le point de départ d’un véritable mouvement de contestation du royaume saoudien et de sa légitimité, sous le slogan de « l’unification du combat face aux ennemis », comme le note le présentateur de la cérémonie. Un point particulièrement sensible pour Riyad qui a toujours œuvré à faire taire toute forme d’opposition. D’ailleurs le choix du thème de la conférence n’était aucunement innocent : « Rassemblement de l’opposition dans la péninsule Arabique », une terminologie historique qui se réfère à l’époque qui a précédé la naissance du royaume d’Arabie saoudite, en 1932.
« Oui, l’allusion à cette période de l’histoire est effectivement souhaitée », confirme sans ambages le cheikh Sadek Naboulsi, un dignitaire chiite issu du Hezbollah, contacté par L’Orient-Le Jour. Le parti pro-iranien, qui ne cesse de s’en prendre à l’Arabie depuis quelques mois, assume donc aujourd’hui plus que jamais son hostilité envers le royaume. « Cet événement est à n’en point douter une réaction au régime saoudien qui a épuisé toute sorte d’accusations ciblant le Hezbollah », commente le cheikh Naboulsi.
Le président du conseil exécutif du Hezbollah, Hachem Safieddine, lors d’un événement en soutien à l’opposition saoudienne hier dans la banlieue sud de Beyrouth. Capture d’écran al-Manar
Un timing « propice »
Depuis que le roi d’Arabie Salmane ben Abdelaziz a qualifié en décembre le Hezbollah de « terroriste », la confrontation semble être devenue le mot d’ordre au sein du parti chiite. Hassan Nasrallah a aussitôt riposté, qualifiant à son tour le royaume saoudien de « terroriste » qui « tient en otage les Libanais résidant dans le Golfe ». D’ailleurs, explique-t-on dans les milieux du parti, le congrès des opposants saoudiens était décidé depuis des années et a constamment été reporté à la demande du secrétaire général. Mais le timing est devenu « propice » à la lumière de la tension qui s’est exacerbée depuis entre les deux parties rivales.
C’est le président du conseil exécutif du parti, Hachem Safieddine, l’un des orateurs-clés de cet événement qui donnera le ton. « La politique d’intimidation exercée sur le monde arabe et islamique par l’Arabie saoudite doit cesser (...) Nous sommes tout à fait capables d’édifier une nation noble digne de ce nom et (...) sans aucune soumission à l’étranger. Ce sera le grand thème de la période à venir », a-t-il dit. Considéré comme le candidat le plus sérieux à la succession de Hassan Nasrallah, Hachem Safieddine a également appelé Riyad à « arrêter de nuire au Liban », l’accusant de vouloir « monter les Libanais les uns contre les autres ». « L’Arabie saoudite est appelée à ne pas intervenir en imposant ses points de vue au Liban », a-t-il encore déclaré, accusant le royaume de « faire obstruction, sanctionner et menacer ». « C’est une ingérence flagrante dans le pays », a-t-il martelé. Il faisait allusion aux récents propos de l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban Walid Boukhari. Jeudi dernier, le diplomate avait estimé que le parti chiite représente « une menace à la sécurité » régionale et appelé les autorités libanaises à « mettre fin à l’hégémonie du Hezbollah sur tous les aspects de l’État ». « Si vous n’arrêtez pas, nous aurons une autre position », a menacé Hachem Safieddine, martelant que son parti n’acceptera plus d’être traité de « terroriste et d’aventurier ». Ne tardant pas à réagir, Walid Boukhari a accusé hier dans un tweet le Hezbollah de « ne pas prendre en considération les douleurs et espérances du peuple libanais frère, en niant la vérité ». Il a dénoncé le fait que le parti chiite se considère comme « supérieur à l’État » libanais. L’ambassadeur a encore écrit, dans un second message, que les discours de « sédition et division » ne peuvent avoir « aucune légitimité ».
Symbolisme
L’occasion de la tenue de ce congrès était tout aussi symbolique : la commémoration de l’exécution du cheikh Nimr al-Nimr. Un acte qui a été largement dénoncé de la part de nombreux gouvernements et de mouvements de droits de l’homme à l’époque. À plusieurs reprises, les intervenants – des personnalités libanaises en plus des opposants saoudiens – ont évoqué ce « crime odieux » et dénoncé « l’autoritarisme » et les « pratiques répressives » du royaume.
Le Hezbollah a organisé cet événement malgré les mises en garde lancées la veille par le ministre de l’Intérieur Bassam Maoulaoui. Ce dernier avait prévenu que le rassemblement et les interventions qui y seront prononcées devraient « être conformes à la Constitution libanaise qui interdit toute atteinte aux relations avec les pays frères ». « Nous allons appliquer la loi », a-t-il dit sur un ton ferme, avant de préciser que toute atteinte au royaume est une ligne rouge à ne pas dépasser par les conférenciers. En décembre, M. Maoulaoui avait ordonné l’expulsion du Liban des organisateurs de la conférence du groupe d’opposition bahreïni.
Des mises en garde dont les participants ont complètement fait fi, le ton des allocutions étant clairement à l’escalade. Le ministre de l’Intérieur lui-même n’a pas été épargné. « Cette attitude, Monsieur le ministre, ne vous permettra pas de briguer le poste de chef de gouvernement à l’avenir », a lancé à M. Maoulaoui un dignitaire chiite, le cheikh Ghazi Honeini. Et d’ajouter sans ambages : « C’est l’existence de la résistance qui est déterminante pour la désignation des Premiers ministres au Liban et pour la formation des gouvernements. »
Ce n’est pas uniquement le ministre de l’Intérieur qui était visé par ces piques, mais également le Premier ministre Nagib Mikati, également critiqué par le parti chiite depuis qu’il avait pris la défense de l’Arabie saoudite et s’est démarqué des derniers propos de Hassan Nasrallah. Ce dernier avait accusé le royaume entre autres d’avoir contribué à l’apparition de Daech (l’organisation État islamique) au Moyen-Orient. « Ce qu’a dit Hassan Nasrallah sur le royaume saoudien ne représente pas la position du gouvernement libanais ni de la majorité des Libanais et il n’est pas dans l’intérêt du Liban de porter atteinte aux autres pays arabes, surtout ceux du Golfe », avait aussitôt rétorqué le chef du gouvernement.
Bien que M. Mikati cherche à ménager le Hezbollah dans la mesure du possible, notamment en ne convoquant pas un Conseil des ministres contre la volonté du tandem chiite, le parti pro-iranien lui en veut de s’être désolidarisé de la sorte d’une composante du cabinet. « Il n’a pas réagi lorsque nous avons été traités de terroristes. Son silence a encouragé l’Arabie saoudite à poursuivre sa campagne. Il était censé nous défendre », s’est offusqué Sadek Naboulsi.
« Nous sommes désormais en présence d’un conflit ouvert. Le Hezbollah mène un combat offensif contre une opposition à l’intérieur comme à l’extérieur », résume Kassem Kassir, un analyste spécialisé dans les affaires du parti chiite.
Le Hezbollah récidive. Après avoir hébergé il y a quelques semaines une conférence organisée par le principal groupe d’opposition de Bahreïn, al-Wifaq, le parti chiite frappe encore plus fort. Hier, au cœur de la banlieue sud de Beyrouth, il a parrainé une conférence en soutien à l’opposition au régime des Saoud, à une date commémorant l’exécution de l’imam chiite Nimr...
commentaires (43)
Quel mensonge : "Hassan Nasrallah a aussitôt riposté, qualifiant à son tour le royaume saoudien de « terroriste » qui « tient en otage les Libanais résidant dans le Golfe »." Il ne s'ait plus quoi inventé, mais la il dépasse le ridicule ! Libanais de toutes confession habitent paisiblement L'Arabie Saoudite ils y travaillent, sans aucune contrainte avec leurs familles, contrairement au souhaits de Nasrallah. Si seulement Nasrallah et son Hezb aurai essayé de construire une infrastructure plutôt un état égale à ce lui que Al Saoud ont accompli pour leur peuple. Un peuple et un royaume qui évolue plus vite encore que le pauvre Liban régresse sous le contrôle du Hezb. Quand à la qualification de terroriste, va falloir demander à Luqman Slim se qu'il en pense !
Sarkis Dina
14 h 33, le 15 janvier 2022