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Politique - Éclairage

Les cinq grands enjeux des législatives libanaises

Si de nombreuses inconnues demeurent, de grandes tendances peuvent être dégagées.

Les cinq grands enjeux des législatives libanaises

Des électeurs libanais arrivent pour voter lors des élections législatives de 2018, à Byblos, dans le nord du pays. Joseph Eid/AFP

Plus on s’approche de la date des législatives et plus le paysage s’annonce brumeux. Les inconnues sont à ce jour tellement nombreuses qu’il est difficile de prédire en amont les résultats de ce scrutin qu’on dit décisif pour l’avenir du Liban. En dépit de cette opacité, quelques tendances globales peuvent être identifiées en fonction de cinq enjeux-clés : le taux de participation ; le résultat de la bataille chrétienne ; l’occupation du terrain sunnite ; les chances de percées de l’opposition ; et enfin les possibles fissures au sein de l’électorat chiite. L’Orient-Le Jour décrypte les enjeux les plus importants de ces élections prévues le 15 mai prochain.

Le taux de participation

En 2018, le taux de participation aux législatives était de 49 %. Lors du scrutin de 2009, le plus polarisé de l’histoire libanaise, il avait atteint 54,8 %. Plus de deux ans après le soulèvement d’octobre 2019, les Libanais vont-ils cette fois-ci se mobiliser davantage ? Si la question est cruciale, c’est que la majorité des experts considèrent qu’une forte participation devrait favoriser les mouvements de l’opposition. Pour le moment, aucune donnée précise ne permet d’anticiper l’ampleur de la future mobilisation. Est-ce que le ras-le-bol général va se traduire par un taux de participation élevé ? Cela pourrait se produire, à condition que l’opposition puisse mobiliser et convaincre les électeurs indécis d’aller voter. « Ceux-là constituent une partie très importante des 51 % qui n’avaient pas voté en 2018 », croit savoir Georgia Dagher, chercheuse à Policy Initiative, une ONG libanaise qui fournit entre autres des études en matière électorale. Mais les limites du modèle clientéliste en période de crise, ou encore le dépit de certains Libanais qui ont perdu l’espoir de changer le pays, pourraient, bien au contraire, renforcer l’abstentionnisme.

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« Seuls les plus idéologisés et les plus fervents vont se déplacer », commente un bon observateur de la vie politique. Le taux de participation est d’autant plus difficile à prévoir qu’il peut être élevé parmi certaines communautés et non chez d’autres, comme par exemple au sein de l’électorat sunnite où le risque d’abstentionnisme s’est renforcé après le retrait du chef du courant du Futur Saad Hariri. La seule donnée sur laquelle il est possible de s’appuyer pour le moment est le taux d’inscription des Libanais de l’étranger. Celui-ci a quasiment triplé par rapport à 2018 (225 000 contre 80 000), ce qui laisse supposer une plus forte mobilisation. « La participation de la diaspora sera relativement élevée, mais son impact pas forcément bouleversant », affirme le politologue Karim Bitar. Plusieurs spécialistes prévoient que le vote des Libanais de l’étranger bénéficie en partie aux Forces libanaises qui se sont quelque peu distanciées des partis du système et qui ont des relais importants dans les zones où la diaspora est très présente. Les candidats de l’opposition issue de la contestation devraient aussi pouvoir en bénéficier.

La bataille chrétienne

Ce sera sans aucun doute la mère des batailles, la plus importante dans la perspective de la présidentielle. L’enjeu principal est de savoir qui des Forces libanaises ou du Courant patriotique libre arrivera en tête. Les FL ont actuellement 15 députés, contre 24 pour le groupe parlementaire aouniste de Gebran Bassil. Depuis que la popularité du CPL est en chute libre, les rumeurs vont bon train sur une potentielle victoire plus ou moins reluisante des FL qui, disent certains spécialistes, devraient pouvoir gagner entre un et trois sièges de plus aux dépens du CPL.

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Toutefois, nuance Georgia Dagher, les résultats de l’un et l’autre dépendront largement de leurs alliances. « Il ne faut pas oublier que les FL ont perdu leur allié national, le courant du Futur, alors que ce n’est pas le cas pour le CPL », dit l’experte. Le parti orange pourra compter sur l’appui du Hezbollah dans toutes les circonscriptions mixtes. A contrario, les FL seront privées du soutien du Futur, notamment à Baalbeck et au Akkar. Le CPL pourra-t-il compenser ses pertes dans l’électorat chrétien par des voix chiites ? En 2018, le député Edgard Traboulsi l’avait emporté à Beyrouth II grâce aux voix d’Amal et du Hezbollah, et ce scénario pourrait aujourd’hui se répéter à plus grande échelle. Selon Karim Bitar, « on devrait s’attendre plutôt cette fois-ci à un très bon score des FL et une amélioration de la position des Kataëb et de la société civile dans les régions chrétiennes ». Le parti qui l’emportera deviendra incontournable dans le choix du futur président, même si celui-ci devra probablement faire l’objet d’un consensus local et régional plus large.

L’occupation du terrain sunnite

C’est l’une des principales inconnues. L’annonce du retrait du courant du Futur le 24 janvier a pris tout le monde de court et conduit à une redistribution des cartes. Bien qu’ayant vivement souhaité que les membres de son parti ne s’engagent pas dans la course électorale, Saad Hariri ne pourra vraisemblablement pas empêcher des personnalités sunnites telles que l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, ainsi que d’autres figures proches du courant haririen, comme Mohammad Machnouk, de s’engager dans la bataille. À ce jour, les contours et l’ampleur de ce front sont encore flous. En face, la concurrence n’est pas à prendre à la légère. Outre les sunnites du 8 Mars – qui représentent 30 pour cent de l’électorat et qui ont l’appui du Hezbollah –, plusieurs concurrents sont à prendre en compte. Baha’ Hariri tout d’abord. L’aîné de la famille Hariri est doté d’une machine électorale puissante et d’importants moyens. Des doutes subsistent toutefois sur sa capacité à mobiliser les électeurs du Futur, dont nombre « sont convaincus qu’il a poignardé son frère dans le dos ». « On ne sait vraiment pas si la greffe Baha’ Hariri va prendre ou si son argent aura été dépensé inutilement », commente M. Bitar.

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Un autre magnat sunnite pourrait par contre réussir à obtenir un retour sur investissement. Il s’agit de Fouad Makhzoumi, actuel député indépendant dont les chances de percer seraient élevées, fort de son expérience mais surtout de sa machine électorale bien huilée et des réseaux caritatifs et clientélistes qu’il pourra mettre à profit. « M. Makhzoumi a tenu un discours très ferme aussi bien à l’encontre du Hezbollah que de l’oligarchie bancaire, ce qui le place en très bonne position pour récupérer les déçus du haririsme », analyse M. Bitar.

Les chances de l’opposition

Les pronostics donnant à l’opposition de fortes chances de percer en raison de la colère populaire sont à prendre avec beaucoup de précaution. Les vieux routiers de la politique, qui connaissent les rouages électoraux, ont plusieurs longueurs d’avance. Mais par-delà les technicités du jeu électoral, c’est la capacité des acteurs issus de la société civile à s’unir autour d’un programme cohérent qui sera déterminante. Un effort qui a fait défaut en 2018 et qui s’est soldé par une seule élue, Paula Yacoubian, sur une centaine de candidats de l’opposition. Les divergences au sein de l’opposition se cristallisent principalement autour de l’alliance avec des acteurs politiques traditionnels qui se revendiquent du mouvement de contestation, tels que les Kataëb ou d’anciens députés comme Nehmat Frem ou Michel Moawad. Des alliances semblent se dessiner dans certaines circonscriptions comme le Metn, mais plusieurs listes de l’opposition pourraient s’affronter dans d’autres circonscriptions comme à Beyrouth I ou au Liban-Nord III. « Si l’opposition parvient à mettre de côté ses divergences et les problèmes d’ego, et si elle présente des candidats crédibles, elle pourrait profiter de l’ambiance “dégagiste”, notamment en milieu chrétien et sunnite, et faire parvenir entre dix et vingt députés », dit Karim Bitar. Un score non négligeable qui en ferait un acteur parlementaire important, alors que l’Assemblée demeure le cœur de la vie politique libanaise.

L’imperméabilité du « mur chiite »

A priori, c’est l’une des seules certitudes du prochain scrutin : le tandem Hezbollah et Amal devrait plus ou moins obtenir le même nombre de députés (27). « Pour les chiites, que le taux de participation soit élevé ou bas, cela ne va pas trop changer la donne, puisque leur bloc électoral est quasiment invariable », commente Georgia Dagher. La bataille chiite a ceci de particulier qu’elle est verrouillée en amont par le tandem qui fait en sorte qu’aucune liste concurrente ayant des chances de contester son hégémonie puisse se présenter. La radicalité du contexte, depuis notamment les événements de Tayouné (des combats ont éclaté entre des partisans du tandem et des éléments chrétiens proches des FL), laisse penser que ce scrutin ne fera pas exception à la règle. Pourtant, des groupes représentant les mouvements de contestation émergent dans les régions à forte majorité chiite, dans l’espoir de créer ne serait-ce qu’une brèche dans ce mur inébranlable.

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Autant affectée que les autres communautés par la crise économique et financière, la base populaire chiite pourrait recourir à un vote sanction. « Ce serait le cas des partisans et sympathisants d’Amal, dont une grande partie qui a profité du clientélisme pratiqué à grande échelle par Nabih Berry (le chef du mouvement) a vu ses économies s’évaporer », décrypte Assem Chaaya, un expert électoral. « On a tendance à prendre pour argent comptant la toute-puissance électorale des deux acteurs chiites », dit l’expert. Dans son étude, le spécialiste estime que le Hezbollah (343 000 voix ) et Amal (204 199 voix ) ont recueilli à eux deux 547 199 voix sur 1 068 274 électeurs chiites en 2018, un taux qui ne représente pas une majorité absolue comme on a tendance à le croire. Selon ses estimations, ce chiffre est à revoir aujourd’hui à la baisse, d’autant que l’humeur chiite est partiellement à la contestation de l’ordre établi. Même si la comparaison a ses limites, lors des élections législatives en Irak en novembre dernier, le camp pro-iranien avait subi un revers important.

Plus on s’approche de la date des législatives et plus le paysage s’annonce brumeux. Les inconnues sont à ce jour tellement nombreuses qu’il est difficile de prédire en amont les résultats de ce scrutin qu’on dit décisif pour l’avenir du Liban. En dépit de cette opacité, quelques tendances globales peuvent être identifiées en fonction de cinq enjeux-clés : le taux de...

commentaires (5)

MEGA BORDEL IL Y A. MEGA BORDEL IL Y AURAIT... ET RISQUE DE PIRE ENCORE.

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

13 h 42, le 09 février 2022

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Commentaires (5)

  • MEGA BORDEL IL Y A. MEGA BORDEL IL Y AURAIT... ET RISQUE DE PIRE ENCORE.

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    13 h 42, le 09 février 2022

  • Réveillez-vous, aucune chance pour le CPL qui porte sous son mandat la responsabilité de la destruction d’un pays, de son économie, de son secteur bancaire, des structures de l’état, du secteur de l’électricité et de l’appauvrissement de son peuple. Le peuple n’est pas dupe. Il saura à travers toutes ses composantes sanctionné les responsables de ce mandat destructeur. Les libanais vivaient mieux avant ce mandat ? Aucun doute. Même politique même résultat obscur (comme l’électricité promise) !

    ChatGPT

    13 h 07, le 09 février 2022

  • EN FAIT "Les longueurs d'avance des vieux routiers de la politique sont dues aux elements suivants en sus : 1-la naivete, l'aveuglement et stupidite des electeurs 2-la pseudo resilience des libanais qui se traduit par l'abstenteisme plutot que par un deferlement de votes anti KELLON 3-l'eparpillement des groupes de l'opposition et leur scindement en trop de C'est NOUS pas EUX !

    Gaby SIOUFI

    10 h 39, le 09 février 2022

  • Depuis 3 ans ans que je suis abonné, par sympathie, à l'OLJ, je ne lis que des articles dénonçant l'oppression d'une milice appuyée par un pays étranger... Un état dans l'état, bloquant les institutions et conduisant à la faillite... Avec la complicité d'un pouvoir symbolisé par un président totalement dépassé. Et, au moment des élections, les partis d'opposition à cette situation seraient incapables de s'entendre, les sunnites et chrétiens modérés.... C'est incompréhensible vu de l'extérieur. Merci à des lecteurs de bien vouloir m'éclairer.

    F. Oscar

    08 h 58, le 09 février 2022

  • L’enjeu des prochaines élections est que les vrais souverainistes obtiennent la majorité absolue (+ de 65 députés) au parlement. Sinon c’est on prend les mêmes et on repart pour 4 ans d’enfer. Les vrais souverainistes sont ceux déterminés à gouverner sans le Hezbollah tout simplement, enterrant ainsi les accords munichois à la Doha ou Mar Mikhaël. Donc d’emblée on peut exclure des vrais souverainistes le CDF et le PSP. Ainsi que beaucoup de groupes de la « société civile » en particulier les gauchistes et les laïcistes qui mettent sur le même plan souveraineté et réforme du « système confessionnel ». Eux feront sans doute un Doha ou un Mar Mikhaël bis avec le Hezbollah en liant désarmement de la milice néo-safavide et abolition du « confessionalisme politique ». Les Kataeb et le BN courtisent ces gens là, donc eux aussi sont à exclure d’entrée de jeu. En bref, l’enjeu est d’élire une nouvelle majorité prête à gouverner immédiatement et sans les armes illégales d’obédience néo-safavide. Qu’elle tende la main au Hezbollah s’il veut participer au gouvernement, mais sans ses armes illégales, et pour cela qu’il se transforme de milice néo-safavide à parti libanais. Sinon même s’ils sont 100.000 (à mon avis ils fonderont en 10.000), les vrais Libanais sauront résister.

    Citoyen libanais

    07 h 15, le 09 février 2022

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