Lors d'un entretien fleuve accordé mardi soir à la chaîne iranienne d'information en arabe al-Alam, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a vanté l'Iran, attaqué les Etats-Unis, les accusant notamment d'ingérence au Liban, et abordé plusieurs dossiers locaux, notamment la délimitation des frontières avec Israël, le retrait du leader sunnite Saad Hariri de la vie politique et les propositions koweïtiennes faites à l'État libanais.
Le retrait de Hariri
Interrogé sur la décision de M. Hariri de se retirer de la vie politique, Hassan Nasrallah l'a qualifiée de "regrettable". "Son absence du courant du Futur a un impact significatif sur les élections, et les opportunités de coopération avec cette formation étaient et restent de mise", a-t-il ajouté, estimant que "dire que le retrait du Futur ouvrira la voie à l'extrémisme est exagéré".
Le retrait de la vie politique de l'ex-Premier ministre et l'annonce que ni lui ni sa formation ne participeraient aux législatives ont semé un vent de panique sur la scène politique, notamment parmi les alliés traditionnels du courant du Futur, comme le Parti socialiste progressiste (PSP) du leader druze Walid Joumblatt, le mouvement Amal et le Hezbollah, avec qui les haririens entretenaient ces dernières années un modus vivendi.
Influence américaine
A plusieurs reprises, le chef du Hezbollah s'en est pris aux Etats-Unis et les a accusés d'ingérence au Liban sur tous les plans. "Nous sommes confrontés à une influence politique, sécuritaire, financière et économique américaine au Liban", a-t-il dit. "Il y a des officiers américains à Yarzé (siège du ministère de la Défense), a-t-il encore lancé. On sait que l'ambassade américaine au Liban est le siège principal des renseignements américains pour la région". Il a aussi accusé l'ambassadrice américaine Dorothy Shea d'ingérence dans les élections législatives.
Selon lui, la décision de son parti est "libanaise". "Nous prenons nos propres décisions, et le Hezbollah fait passer les intérêts du Liban en premier, a déclaré Hassan Nasrallah. Les autres doivent nous dire ce qu'ils ont fait pour le Liban (...) La décision du Hezbollah est libanaise, il faut discuter de la +libanité+ des partis qui reçoivent des ordres des ambassades".
La délimitation des frontières
Alors que l'émissaire américain, Amos Hochstein, est arrivé mardi à Beyrouth, Hassan Nasrallah a été interrogé au sujet de la délimitation des frontières, le Liban et Israël étant censés relancer les pourparlers indirects. Le chef du Hezbollah a assuré que cette décision revenait à l'Etat libanais. "Quoi que décide le gouvernement libanais je le respecterai. En tant que 'Résistance' je ne me mêle pas (de cette question)", a-t-il ajouté. Il a aussi assuré qu'il n'y a pas eu de "débat en interne" au sein de son parti sur cette question. "Nous n'intervenons pas dans les négociations sur la démarcation des frontières, car nous ne reconnaissons pas l'existence d'Israël, a-t-il poursuivi. Nous sommes contre toute normalisation, coopération ou coordination avec l'ennemi, et c'est la position officielle libanaise".
Le leader chiite a en outre prévenu que le Hezbollah répondra "à toute opération militaire de l'ennemi israélien", affirmant avoir "activé le système de défense aérienne dans la Résistance islamique" et rappelant la fois où deux drones israéliens sont tombés dans banlieue sud de Beyrouth en 2019. "Nous n'aimons pas la guerre, et nous ne la cherchons pas, mais nous ne la craignons pas et nous n'abandonnons pas notre pays et les intérêts de notre pays", a-t-il déclaré, affirmant qu'il y a des "choses cachées pour surprendre l'ennemi lors de toute guerre à venir".
Les propositions du Koweït
Interrogé sur les propositions faites par le Koweït au Liban, Hassan Nasrallah a affirmé que "personne ne nous a demandé une réponse, la réponse est attendue du gouvernement libanais". Il a toutefois critiqué la méthode koweïtienne, affirmant qu'il aurait mieux valu dialoguer. Il a aussi indiqué que son parti n'interférait pas dans les affaires internes des pays. "Nous n'interférons ni dans les Emirats, ni en Arabie saoudite, a-t-il dit. Nous n'interférons pas dans les affaires internes des pays". "Celui qui demande au Liban ou à une partie de ne pas s'ingérer dans ses affaires intérieures doit d'abord cesser de s'ingérer dans nos affaires intérieures", a lancé le secrétaire général du parti pro-iranien.
Le Koweït avait soumis fin janvier douze propositions aux autorités libanaises, lors d'une visite de son chef de la diplomatie à Beyrouth. Cette feuille de route comprenait plusieurs requêtes générales de la communauté internationale, comme l’appel au respect de la résolution 1559, adoptée en 2004 et qui porte, entre autres, sur "le désarmement et la dissolution de toutes les milices" et "l’extension du contrôle du gouvernement libanais sur tout son territoire", une condition formulée à maintes reprises par les pays du Golfe, dans une allusion à l'arsenal du Hezbollah.
L'Iran, un pays "fort"
Le chef du Hezbollah a en outre vanté l'Iran, le qualifiant d'un "pays fort et souverain" auquel "les États-Unis craignent de faire la guerre". Il a estimé que "la République islamique d'Iran est un modèle d'indépendance et de liberté dans le monde islamique et dans le monde entier". "L'Iran est un pays avec une réelle indépendance et une souveraineté complète, et c'est le peuple qui gouverne en Iran", d'après lui. Hassan Nasrallah a soutenu que "les États-Unis n'ont pas pu et ne pourront pas arrêter le développement du programme nucléaire iranien. La République islamique n'est pas en train d'utiliser le nucléaire au niveau militaire", a-t-il ajouté.
Les négociations sur le nucléaire iranien ont repris mardi à Vienne, avec l'objectif affiché par l'ensemble des protagonistes de conclure un accord au plus vite. Les pourparlers, qui ont débuté au printemps 2021, se déroulent entre les Iraniens et les parties restantes à l'accord (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie), avec la participation indirecte des Américains. Les États-Unis se sont retirés en 2018, sous la présidence de Donald Trump qui jugeait insuffisant ce texte conclu trois ans plus tôt pour empêcher l'Iran de se doter de la bombe atomique.
Quand le prédateur s’exprime,,,
18 h 34, le 10 février 2022